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Citations sur Prison (11)

Ce texte-ci lui l’avait dicté puisqu’à ce que je demandais il restait sur sa feuille blanche, on se voyait pour la première fois et ce qu’il avait dicté c’était encore non pas des mots qui s’accumuleraient pour un texte mais ceux qui auraient dû rester en amont, dire l’obstacle, prétendaient seulement que ça ne valait pas d’être dit et c’est cela pourtant que je notais, disant même qu’un livre aussi peut s’écrire comme ça, sur ce qu’on n’arrive pas à dire ou qu’on ne veut pas dire, accumuler en amont, retenir parce qu’il n’y a pas droit à plus comme je ne prétendrai pas à autre droit que reprendre ici ces seuls mots parce qu’ils restent sans doute le partage possible et que si je viole pas ici ce droit (ces mots sont à lui, que je ne nomme pas, parce qu’aucun nom ne colle sauf celui qu’on porte et qui nous fait) rien ne se fera de ce partage possible et non pas pour un besoin affectif de ce partage mais pour le malaise où il nous met
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Par la fenêtre, puisqu’on est à l’angle rentrant de deux blocs, les alignements vis-à-vis de cellules en premier étage et rez-de-chaussée s’élargissant jusqu’au grand grillage de la cour de promenade où ils jouent au foot, les gars collés aux barreaux noirs, accroupis par terre devant leur chiotte pour se crier d’un mur à l’autre ou d’un étage à celui du dessous, parmi les serviettes à pendre et les chaussettes qui sèchent, les fenêtres ouvertes donc et des mains et des jambes qui dépassent des barreaux noirs, se retournant Hurlin entré avec son pull de laine informe et ses cheveux trop longs sur son visage tout en os et surtout ses lunettes : la monture cassée d’un côté depuis ma garde-à-vue il avait dit et donc tout ça en équilibre précaire, lui une main aux lunettes pour vous parler, myope et parlant de trop près, puis bougeant, reparti vers la fenêtre, sa haute silhouette le dos un peu cassé et revenant, il s’agissait que je veuille bien lui ramener un paquet de tabac à rouler, moi non, pas le droit, et l’instituteur avec son accent des montagnes grognant gentiment que la veille il lui en avait déjà donné au moins pour quatre fois, lui offrant pourtant une nouvelle fois de sa blague, Hurlin racontant un bobard pour en ramasser dans ses doigts un peu plus que demandé, rituel ordinaire de nos séances avant de s’asseoir pour de vrai et qu’on commence.
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Ce texte-ci lui l’avait dicté puisqu’à ce que je demandais il restait sur sa feuille blanche, on se voyait pour la première fois et ce qu’il avait dicté c’était encore non pas des mots qui s’accumuleraient pour un texte mais ceux qui auraient dû rester en amont, dire l’obstacle, prétendaient seulement que ça ne valait pas d’être dit et c’est cela pourtant que je notais, disant même qu’un livre aussi peut s’écrire comme ça, sur ce qu’on n’arrive pas à dire ou qu’on ne veut pas dire, accumuler en amont, retenir parce qu’il n’y a pas droit à plus.
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Nous sommes dans le paradoxe d’avoir à donner une finalité à l’atelier pour notre propre exigence : renvoyer à notre propre société le questionnement à elle relancé par ceux qu’elle a séparés d’elle, parce que ce questionnement nous affecte, nous, en profondeur. Mais une finalité qui restera en dehors de ceux-mêmes qui auront donné au questionnement sa teneur et sa chair. Celui qui est terrorisé par son propre coup de couteau nous terrorise : le travail que nous faisons sur nous-mêmes pour entrer dans ces zones non jugeantes, notre travail est de l’exprimer en retour au niveau même de la société.
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Il portait en avant de lui sa non maîtrise du réel, et ses textes la lui renvoyaient comme telle, mais pas avec la brutalité éprouvée à l’extérieur. L’atelier, là, rejoignait sa fonction vitale et n'a pu réussir
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Mais l’autre devant nous, au parloir, on ne lui donne aussi que la vérité qu’on veut pour avoir le droit encore de se regarder les yeux en face. Peut-être qu’on fabrique pour chaque parole sa vérité, et qu’enfin devant soi-même on s’accroche à toutes ces vérités accumulées et superposées, où ce qui s’est passé, là où on est tombé en faute, serait comme une pièce oubliée, derrière la porte une pièce vide dont on n’ouvrirait plus la fenêtre.
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C’est l’heure comme ça dans la nuit que les gars se tailladent et le dessin qu’on a sur les deux avant-bras des stries parallèles refermées par un mauvais bourrelet c’est le signe de la prison aujourd’hui comme autrefois on dit le fer marqué sur l’épaule en haut,
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Voyager, je cherche voyager, bouger, m'échapper. Il faut que je m'échappe, seul, loin de tout le monde. Il faut que je conduise et c'est comme une nouvelle vie, une vie à moi
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J'avais proposé ce jour-là qu'on parle des moments où dans sa vie à soi les chemins bifurquent, j'avais amené ce livre qui s'appelle La Cave, et commenté sa première phrase : "Le jour où j'ai pris le chemin opposé..." Savoir quel jour, eux, ils avaient eu le sentiment de prendre l'autre chemin. Et comme l'un d'eux ici avait écrit ça dans son texte, le rejet est venu très tôt pour moi, la semaine suivante je leur avais demandé à tous de s'expliquer sur ce mot, rejet, disant qu'il y avait là une responsabilité du monde dans les destins individuels, et qu'on pouvait témoigner de ce qui, sans nous, n'aurait pas mémoire : non pas donc une histoire personnelle, mais ce à quoi il nous a été donné d'assister qu'on n'approuvait pas, et ce langage-là ils savaient le comprendre. S'en aller droit debout dans la parole et rien d'autre, les mots les faire sonner comme sur un bouclier de métal poli contre le corps tenu (...), des histoires dont il n'y avait pas à se faire complice, rien, pas d'admiration, se faire non jugeant, mais retourner cette parole objective vers le monde au dehors, qui d'ordinaire se refuse à l'entendre : parler pour ceux qui ne veulent pas entendre.
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Et ce qui reste de celui qui ne portait pas de chaussettes et six semaines n’eut pas de pantalon de rechange, des lunettes qui ne tenaient plus dans la monture cassée et quémandait son tabac à rouler en parlant de trop près et impossible à fixer dans la pièce avant qu’il se mette à écrire, alors le visage tout contre la feuille et la silhouette cassée en deux, une main tenant le stylo bille qu’on lui avait prêté, l’autre main, la gauche, retenant le verre des lunettes : je prends liberté de parole parce que le corps a cessé et s’ils l’ont finalement ramené dans sa famille tout au long de la route en diagonale de Bordeaux à Metz ou bien s’il est resté là dans une concession provisoire, tiré dans un véhicule des services concessionnaires de la ville est-ce que ça compte sauf l’engrenage, pour les bêtises faites à vingt-quatre ans l’engrenage de parois dures qui rongent et des deux côtés se resserrent
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