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EAN : 9782253114314
252 pages
Le Livre de Poche (15/03/2006)
3.22/5   41 notes
Résumé :
La Lorraine. Dans le paysage de fer et d'acier ravagé par la crise de la sidérurgie, l'implantation à coups de subventions publiques de trois usines du groupe coréen Daewoo, fours à micro-ondes, téléviseurs.
Entre septembre 2002 et janvier 2003, fermeture brutale de trois usines, dont une sera incendiée. Pourtant, la première fois que j'entre à Fameck dans l'usine vide, vendue aux enchères aucune trace de cette violence sociale qui a jeté sur le pavé 1200 per... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
A travers le témoignage de quatre femmes dont l'une se suicidera, c'est une photographie de l'état du monde du travail, ou l'on s'implante dans des régions à coup de subvention et qu'on laisse sur le carreau des centaines de famille en
fermant l'usine qu'elles années plus tard. Un scandale qui se banalise sans qu'a aucun moment nos gouvernants ne lèvent le petit doigt. François Bon montre la détresse, la colère, la désespérance de ces gens manipulés, jetés à la rue sans aucun espoir. le témoignage de ces femmes vous serre le coeur à l'image de Nadia qui préfèrera voir son outil de travail aux proies des flammes plutôt qu'abandonnée. Daewoo s'est redonné une dignité à des gens qui n'ont plus que la colère et les mots pour exprimer leur désarroi. Et Daewoo pourrait s'appeler Moulinex, Arcelor MIittal, Continental etc ... la liste est malheureusement scandaleusement longue.
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Ce livre appelé roman par son auteur est un récit hybride qui ressemble de façon lointaine à un reportage sur la fermeture brutale des usines Daewoo en Lorraine et sur ses conséquences sur la vie des anciennes salariées de l'entreprise coréenne.

Le récit, discontinu mais développé selon un fil à peu près chronologique, est surtout construit sur les comptes-rendus d'entretiens avec les ouvrières licenciées mais incorpore également des apartés sur la trouble vie du PDG de Daewoo, des méditations sur la paysage vu d'avion, des extraits de la pièce de théâtre que François Bon a écrite sur le même sujet, des résumés d'articles de presse, des récits personnels sur les promenades de l'auteur sur les friches industrielles…

Comme dans un roman classique, l'auteur est mû par une quête de vérité et par un travail sur le langage. Comment rendre compte d'une réalité que la plupart des lecteurs de roman ignorent ? A ce propos, une citation très judicieuse de Rabelais en exergue du livre : « il est bien vray ce que l'on dit, que la moitié du monde ne sçay comment l'aultre vit ». François Bon veut briser l'indifférence de la majorité envers le désarroi, l'angoisse et le drame vécus par les anciennes ouvrières de Daewoo. Nul analyse idéologique mais un simple constat de souffrance et d'échec. Donner la parole à celles qui en sont généralement privées dans la sphère publique est un acte de solidarité. Derrière ce livre pointe cependant les limites de l'exercice : dans cette région meurtrie, François Bon est de passage. Il vient d'un autre monde et le jour où il repart d'où il vient, les femmes qu'il a rencontrées et qu'il a fait parler restent désespérément attachées à leur piquet sinistré. Je crois néanmoins que donner la parole à ces femmes est un geste qui vaut mieux que rien, mieux que l'indifférence.

De façon très intéressante, le livre est une illustration de certaines caractéristiques du langage : la langue comme barrière entre les groupes sociaux (la langue des fonctionnaires technocrates, la langue des media où ‘rien ne nous concerne' dit une ouvrière), la langue comme barrière entre citoyens de différents pays (ici entre Français et Coréens), la langue comme marqueur social (dans une scène cruelle où les ouvrières sont invitées sur un plateau de télévision en compagnie d'hommes riches et instruits), la langue comme outil de fiction et de manipulation (et là paradoxalement, je ne pense pas à celle de l'écrivain mais à celle des hommes politiques, celle des syndicats ou celle des patrons), la langue comme outil de domination. La langue des classes dirigeantes ne décrit pas la réalité vécue par les classes populaires.

Ce livre fait écho aux idées développées par Zygmunt Bauman. C'est un témoignage sur une population pauvre, d'une grande vulnérabilité face aux aléas économiques. Il illustre la disparition du devoir de solidarité envers les plus faibles. Chacun pour soi. Cela peut marcher pour certains mais pas pour tous. le problème n'est pas que des usines ferment. Car il est probablement illusoire d'espérer continuer à produire en France des produits peu sophistiqués qui sont maintenant fabriqués en Chine à un coût imbattable. La critique développée dans ce livre porte plus sur le choix fait par les politiques de subventionner des industries qui n'ont pas une grande espérance de vie et sur la brutalité et l'indifférence dont sont victimes les salariés de ces entreprises fragiles.

Certes le livre est parfois long et répétitif mais pour une fois que l'on donne la parole à ceux qui en sont privés, ne la leur reprenons pas trop vite.
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Il n'est pas facile de parler de ce livre. Mais ce n'est rien par rapport à ce qu'il raconte. Il s‘agit en effet de se rendre à l'usine Daewoo de Fameck qui vient de fermer. Une grande majorité de femmes se retrouvent au chômage. On les écoute raconter leur histoire, leurs rêves de voyage, leur joie d'être ensemble lorsqu'elles étaient à l'usine.
C'est aussi le constat d'un échec politique, d'un fiasco économique et par delà même, une approche concrète des méfaits de la mondialisation. C'est le mépris des dirigeants, l'inconsistance des fameuses « cellules de reclassement » où les femmes se voient offrir des emplois dans le télémarketing ou le dressage animalier. François Bon nous fait vivre une aventure sous ces ciels gris de Lorraine où les ouvrières deviennent de vraies héroïnes de la vie, nous apprennent la survie et la dignité, dignité de ceux qui gardent toute leur fierté quand bien même les médias grossissent l'évènement, insistant sur la désolation. Il recueille les confidences entre un café et une conversation, il s'imprègne des lieux, en construit une pièce de théâtre et l'on voit très bien comment les entretiens enregistrés au mini-disc, finissent par se transformés pour être joués sur une scène car François Bon alternent les genres. On assiste à la discussion à bâtons rompus puis on lit la pièce, la scène qu'en fait l'auteur. Pas un mot n'est changé, et l'on note au passage le respect que François Bon porte à ces ouvrières qui le reçoivent. On est loin des reportages voyeuristes d'une certaine télévision. Travaillant pour le Centre Dramatique de Nancy alors dirigé par Charles Tordjman, François Bon a déjà l'idée de sa pièce, donner la parole à ceux qui ne l'ont pas ou alors tronquée par l'esprit du moment. Avec tous ces personnages, on fouille par le menu cet échec, ce retrait de Daewoo qui implanta trois usines en Lorraine, alléché par les subventions publiques, on remonte jusqu'à Mr Woo, fondateur de cette firme, sorte de self-made man à la coréenne, on parle aussi de la visite des dirigeants avec un traducteur, de l'incompréhension mutuelle qui n'était pas uniquement due au barrage de la langue.
Et puis plane ce fantôme qui revient en filigrane, allégorie si ce n'était que de la fiction, de ce gâchis, de la mise en échec de ces bonnes volontés qui élisent cette Sylvia – à la mémoire de laquelle le livre est dédié tout entier – comme porte-parole, un peu naturellement, pendant les luttes où la solidarité est de mise, où l'on brûle des palettes devant l'usine et l'on se sert les coudes, pour s'apercevoir bien sûr que tout était déjà programmé depuis longtemps, on se rend compte – ce n'est hélas pas nouveau et ça continue- que la vie de personnes dépendent d'un seuil de rentabilité et l'on déplace une usine comme on joue au Monopoly.
C'est un livre triste mais tellement vivant. Ce sont des vrais gens qui parlent, sans fard, de leurs vies gâchées, sans voix off pitoyable, l'auteur n'existe que dans ses déplacements, quelques photos volées sur les sites désolés pour construire son décor et par l'objectivité de son appareil à recueillir les impressions sous le regard bienveillant de Sylvia, finalement personnage essentiel de cette histoire .
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« Si les ouvrières n'ont plus leur place nulle part, que le roman soit mémoire. »
Enquêteur de terrain, François Bon donne la parole aux salariés des trois entreprises du groupe Daewoo de Fameck, en Lorraine.
Implanté en France grâce à une pluie de subsides publiques, ces usines de micro-onde et de téléviseurs s'installent dans une région exsangue depuis l'arrêt des aciéries. Mais il semble que l'emploi ne soit pas une motivation première chez Daewoo ! Les 1200 personnes employées sur ces sites vont vite déchanter.
Cet ouvrage est le compte-rendu de l'enquête menée sur le terrain, qui s'est accompagnée d'une mise en scène théâtrale jouée par les ouvrières de l'usine dans une salle des fêtes communale, pour faire connaitre ce passage socialement et économiquement tragique : quand on a un travail, on est, on existe. le licenciement est perçu comme une perte d'identité, une mort sociale.
Aussi intéressant que puisse être le thème du livre, je me suis cependant ennuyée, même si certains passages étaient touchants.
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J'aurais vraiment aimé apprécier ce livre. Déjà parce que ça aurait rendu bien plus facile la présentation que je devais en faire dans le cadre de mes cours, ensuite parce que l'idée de donner une voix à ces femmes licenciées, qu'on entend toujours trop peu, me paraissait bonne.
Je n'ai pas tout détesté indistinctement ; certains passages m'ont même touchée. L'ensemble en lui-même m'a pourtant franchement déçue et ennuyée.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Finalement, on appelle roman un livre parce qu’on a marché un matin dans ce hall où tout, charpente, sol et lignes, était redevenu géométrie pure (j’y reviendrai le déménagement fini, après la vente aux enchères, et cette dernière fois ce jour-ci tandis que le nouveau propriétaire s’installait, et que les vigiles m’avaient refoulé), et le territoire arpenté, les visages et les voix, les produire est ce roman. Ils appellent le récit parce que le réel de lui-même n’en produit pas les liens, qu’il faut passer par cette irritation ou cette retenue dans une voix, partir en quête d’un prénom parfois juste évoqué, et qu’on a griffonné dans le carnet noir. Les noms de ceux qui ne sont plus, comme autant d’appels d’ombre. La masse que cela supposait de figurer, reconstruire : il n’y a littérature que par le secret tenu.
Refuser l’effacement : en te retournant, tu voyais le panneau indiquant la zone industrielle avec pour icône des toits en triangle sous une cheminée fumante – beau temps que la vie moderne avait évincé cela aussi.
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On produira à Mont-Saint-Martin un millier de tubes cathodiques par jour, et aujourd’hui question : ce n’est pas avec ce volant de production qu’on rentabilise une pareille usine. Le vaisseau amiral de Daewoo Lorraine, le groupe ne se préoccupait pas de baisser son déficit : prétexte à d’autres alliances pour le marché gigantesque et plus solide des moteurs de voiture en Afrique du Nord, pour lequel les Coréens avaient besoin de la France ? Simple ancrage pour la circulation de capitaux qu’on préfère invisibles ? C’est l’usine la plus récente des trois, et toute une brochette de ministres est venue l’inaugurer. Dans les grèves qui suivront l’annonce de la fermeture, l’usine sera occupée. Des ouvriers, explorant les ordinateurs, découvrent que cinquante d’entre eux disposent de comptes bancaires en Suisse : ils n’ont pas le réflexe de demander la saisie des appareils. Quelques jours plus tard, un incendie criminel ravage l’usine et ses stocks. La direction évacuera dès le lendemain les ordinateurs et pièces comptables du bâtiment administratif préservé. Occasion manquée.
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Ils se rendent pas compte que c'est notre survie, presque.
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En 1998, le groupe Daewoo décide de liquider trente-deux de ses quarante-sept usines dans le monde. Les trois usines de la Fensch ont été payées par les subventions publiques, au motif de redonner du sang et du travail à une région exsangue depuis qu’on en a terminé avec les aciéries et la mine : à qui appartiennent-elles, alors ? Les responsables politiques de la région répondent sans s’attarder qu’ils ont soi-disant récupéré leur mise (« on a récupéré notre pognon », lance élégamment le président de l’exécutif régional, Gérard Longuet – et dans notre société du « bon sens économique » selon le mot d’ordre du premier ministre de ce temps où j’écris, il suffit). Les trois usines-sœurs Daewoo emploient à ce moment-là 1200 personnes
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Là-bas au travail on pleurait, on s’engueulait, même si on se tirait la gueule il n’y avait pas l’isolement.
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Videos de François Bon (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de François Bon
A l'occasion du salon "Rendez-vous de l'histoire" à Blois, rencontre avec François Bon autour de son ouvrage "Sapiens à l'oeil nu" aux éditions CNRS.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2323506/francois-bon-sapiens-a-l-oeil-nu
Note de musique : © Scott Holmes
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