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3,21

sur 66 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Reposant au fond d'un tiroir depuis quinze ans au bas mot, et peut-être enterré là un peu trop vite par son auteur un tantinet négligent, ce récit était à coup sûr voué à disparaître dans le néant intersidéral. Mais c'était sans compter sur l'acharnement thérapeutique d'une enseignante de la Roche-sur-Yon pratiquant le résurrectionnisme littéraire des manuscrits oubliés. Résurrectionnisme : activité coupable d'un petit groupe d'étudiants estimant qu'une oeuvre inédite mérite d'être exhumée et recousue-main telle la créature du Frankenstein moyen, pour pouvoir ainsi revenir à la vie.
Il serait facile de souligner les quelques petits défauts de ce récit accouché hors des sentiers intergalactiques battus par l'auteur, plus familiarisé avec la science fiction qu'avec la satire sociale : le changement de ton et de registre à mi-parcours (ha oui ! on avait dit qu'on ne ferait pas de la science-fiction cette fois-ci, hé bien c'est raté !), les épisodes sylvestres plutôt crus, les personnages secondaires (la famille, les voisins…) abandonnés en cours de route, l'épilogue azimuté tout droit sorti d'une fumerie de moquettes. Azimuté : qui a perdu le nord, voire qui se retrouve à l'Ouest (le roman finit en Bretagne).
Et pourtant, avouons-le tout de go, ce livre m'a beaucoup plu.
L'humour omniprésent, la peinture de la mesquinerie ordinaire, les fantasmes clairement assumés, les trouvailles sémantiques et les « définitions » servies en voix off, tout cela est jubilatoire et procure une lecture très plaisante. Jubilatoire : qui provoque une joie expansive, bien que contenue et in petto pour ma part, car je n'ai pas l'habitude de lire ou de chanter à voix haute, même sous la douche.
Il y a à la fois du Binet et du Houellebecq dans ce livre, car comment ne pas penser au glamour de Raymonde Bidochon quand on imagine Madame (ainsi est nommée dans le livre l'épouse acariâtre de Martial Bonneteau) et comment ne pas se souvenir du « Lieu du changement », le camping new-âge des Particules élémentaires, quand on se rend avec Martial et Johanna en stage de réflexion-recentrage à Auxerre. D'ailleurs, Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq promettent également un avenir différent à l'Humanité, et les thématiques développées ne sont pas si éloignées.
En conclusion, je me contenterai de remercier simplement Babelio et les Editions Au diable vauvert pour cette étonnante découverte littéraire !
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C'est avec impatience que j'attendais la réception du dernier roman de Pierre Bordage, auteur dont j'avais entendu parler mais dont je n'avais encore lu aucun livre. Que Babelio et le diablotin malicieux du Diable Vauvert soient remerciés de cet envoi.
L'ouvrage se présente sous un habillage stylé, jouant sur un contraste brillant/mat assez graphique. A la monotonie linéaire du quotidien de Martial Bonneteau répond le jeu de traits verticaux gris et noirs de la couverture, formant la silhouette du parfait quidam : un homme qui part au travail, un attaché-case à la main, costume classique, anonyme parmi les anonymes.
A la place de la tête, deux fleurs d'un jaune vif qui réveillent l'ensemble; parallèlement Martial semble avoir perdu la tête : sa vie se voit chamboulée par un simple grain de sable au départ, son retard au travail. Et le voilà mis en vacances de tout : de son boulot, de son impuissance, de son indifférence d'homme trop longtemps anesthésié. Un retard révélateur donc, qui permet à la plume décalée de Pierre Bordage de nous conter le fil d'une renaissance. Des mains expertes de Mamassa grâce à qui il retrouve sa virilité, au pseudo stage psy quelque chose pour parisiens égarés et fortunés, Martial est littéralement emporté par une série d'événements pour le moins ubuesques (ainsi que l'annonce la 4e de couverture). Humour, caricatures vitriolées, delirium fantasmagorique... on sent avec quelle délectation l'auteur nous emmène là où il veut. On cède volontiers à cette lecture jubilatoire avec un bonheur complice et comblé.
Un seul détail m'a gênée : trop de pseudo-définitions sensées dérider le lecteur. Amusantes au début. Assommantes à la fin. Heureusement que ça ne finit pas par assommer le roman tout court!
Bilan : du Bordage, j'en redemande!
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Pierre Bordage fait le portrait de Martial, un quarantenaire à la vie bien réglée, un clone. Trop vite marié à une femme qu'il a mise enceinte dès leur première relation, s'ensuit la rapide conception de deux autres enfants. Frustrée, insatisfaite sexuellement par ce mari, ils arrêtent là tout rapport. Dès lors, leur vie morne et ennuyeuse s'écoulent lentement. Martial s'est donc laissé enfermer dans cette vie, s'oubliant lui-même pour se fondre dans la famille, et a assumé ses responsabilités sans les désirer.
Mais un jour, un matin, Martial dit NON. C'est le début d'une guerre entre Monsieur et Madame, le début d'une révolution intérieure pour Martial ou son JE s'impose. En l'espace de 24 heures, sa vie a totalement basculée : après des années d'abstinence, il va voir une prostituée qui le guérit et fait de lui un amant exceptionnel, il découvre que sa femme le trompe, que sa fille sèche ses cours de coiffure, pour faire des films porno afin de gagner de l'argent pour se droguer. Il prend conscience du père absent qu'il était et se rapproche de sa fille, retrouve une certaine complicité.
J'ai apprécié cette première partie de l'histoire, en revanche la deuxième partie du récit avec le départ de Martial à un séminaire m'a paru un peu barré, notamment lors de ces excursions dans la forêt, de ses moments de communions avec la nature. Mais tout cela s'inscrit dans la continuité d'une rencontre avec soi, d'une redécouverte de soi.
le sujet du livre, l'histoire m'a plu dans le fond. En revanche, la forme, le style de l'auteur est surprenant, déroutant. Dans un langage cru, la sexualité notamment est décrite, décortiquée à l'extrême. La sexualité est un thème très présent ici. le sexe témoigne de la virilité retrouvé de Martial, mais aussi de l'accomplissement de soi. J'ai trouvé cela assez réducteur, mais c'est ce qui semble ressortir du personnage.
Bordage décrit également le quotidien avec un langage très acéré, critique et ironique. L'emploi de cette humour noir sert à critiquer les travers de l'homme, de la société, mais ce regard porté sur le quotidien pour quelqu'un de mon âge, (la petite vingtaine) peut-être assez troublant. Bordage fait ainsi le portrait de ses personnages pleins d'amertumes, de frustrations et englués dans une vie qui ne les comblent pas... Mais ce que Bordage fait passer au final c'est qu'un jour le JE se manifeste, prend le dessus. L'individu est important et je crois que cela l'est plus encore dans notre société aujourd'hui. Finalement Martial trouve un certain équilibre entre sa famille et son accomplissement personnel.
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Martial Bonneteau : un quasi-quinquagénaire, parfait clone époux, clone parent, clone employé… Sauf que notre clone modèle en a marre de cette identité factice qui ne lui convient pas. Il a besoin d'air, d'une petite touche d'originalité dans un quotidien terne : il vit aux côtés de Madame depuis 24 ans, monstrueuse masse adipeuse qui laisse sa libido en berne, d'enfants indifférents, d'un patron qui l'exploite jusqu'à la lie. En ce beau matin de printemps, suite à une énième nuit d'insomnie, l'insubordination s'infiltre insidieusement dans l'esprit de Martial : la révolte gronde, jusqu'à la « mort du clone »…

Pierre Bordage est l'un de mes auteurs favoris, dans le champ de la science-fiction ou fantasy (j'ai ainsi beaucoup aimé les « Griots célestes », « Les Fables de l'Humpur », « Wang », et bien d'autres). J'ai donc été particulièrement ravie lorsque j'ai appris que j'allais recevoir « Mort d'un clone » grâce à l'opération Masse Critique orchestrée par Babelio.

Le livre était accompagné d'un résumé du roman et d'une mise en garde stimulante pour le lecteur : « C'est le premier roman de littérature générale de Pierre Bordage, et il va fortement surprendre. » Effectivement.

Dès le début, Pierre Bordage annonce la couleur, celle de la satire mordante et féroce. L'humour cinglant, qui peut étonner sous la plume d'un tel auteur, est tout simplement jubilatoire. Cette histoire de clone (clown ?) provoque l'hilarité du lecteur qui se repaît de la révolte de Martial : défi à l'autorité (Madame l'épouse, Monsieur Albert, le Père-Patron), à soi-même, notamment sur le plan sexuel, qui amène à bien des découvertes et des crises… conjugales.

Puis vient le 15ème chapitre (aux deux-tiers du roman), et son revirement de style. le Pierre Bordage – science-fiction, fantasy – ressurgit : au cours de son « stage de recentrage » dans une luxueuse demeure bourguignonne, Martial connaît des expériences quelque peu surnaturelles : balades énigmatiques dans une forêt hantée, climat dérégulé, communion avec la nature… L'écriture de l'auteur devient plus poétique, des émotions plus nuancées apparaissent, Martial semble un peu plus (ou un peu moins) humain qu'auparavant. Et soudain, il semble aimer, d'un amour démesuré que sait si bien retranscrire Pierre Bordage, une femme énigmatique, la fameuse « psy-quelque-chose » tournée en dérision auparavant.

Ce n'est pas tant le style propre de chaque partie qui m'a dérangée, que le fossé démesuré que nous invite à franchir Pierre Bordage, une fois tournée la page 193. Jusque là, l'humour était féroce. A présent, on entre dans un univers onirique, où s'affrontent réel et surnaturel dans une écriture un peu plus poétique. Quelque chose de bancal ou de peu crédible m'est apparu. J'aurais préféré que l'auteur garde un style uniforme (celui du début) tout du long. La fin m'a déçue, me semblant assez naïve.

Un roman de littérature générale un peu décevant à la fin, mais une plume mordante, inédite chez cet auteur, qui m'invite à noter 4 étoiles. Un grand merci à Babelio et aux Editions Au diable vauvert pour ce bon moment de lecture !
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J'ai déjà lu deux ou trois romans de Pierre Bordage, plutôt bien écrits, rythmés décrivant un monde très personnel, mais ne se démarquant pas par un style littéraire fort. Pour Mort d'un clone (écrit il y a 15 ans) l'auteur se lâche et s'amuse avec les mots, les expressions. Il détourne celles-ci, déforme ceux-là. Ce roman totalement barré est d'abord, dans sa première partie, un exercice d'écriture. Les portraits sont particulièrement soignés, tous les personnages sont moches, vulgaires trop ceci ou pas assez cela
Parfois Pierre Bordage en fait trop, il abuse notamment des interruptions de scènes pour donner des définitions personnelles de mots ou expressions, certes très drôles, mais le procédé fatigue ou agace un peu.
P. Bordage néologise à fond, bricole les mots comme par exemple et entre beaucoup d'autres ce "obligalante" (p.47) qui résume la galanterie obligée en certains moments à laquelle Martial ne veut plus se soumettre ou encore le "Pachydé-cétaterme : croisement d'une élépheine et d'un balant." (p.94). Il use également de périphrases, joue sur les sons, les répétitions : il s'en donne à coeur joie pour le plus grand plaisir d'un lecteur comme moi qui se laisse facilement charmer par une langue particulière, travaillée, recherchée et en plus très drôle. Par contre, je peux reconnaître aisément que l'auteur peut énerver parce qu'il en fait des tonnes, parce qu'il est beaucoup question de sexe (mais que voulez-vous Martial est éjaculateur précoce et donc cette question le turlupine, si je puis m'exprimer ainsi). D'ailleurs à ce propos Pierre Desproges disait : "on dit toujours que ce sont les meilleurs qui partent en premier. Dès lors, que penser des éjaculateurs précoces ?"
Et l'histoire dans tout cela ? Et bien, Martial va faire de belles et de troublantes rencontres, et quelques découvertes parfois irrésistibles -notamment avec un ancien colonel, mais je laisse le suspens-, parfois tragiques, et chacune le fera avancer dans la recherche de sa personnalité, de ses envies les plus profondes.
La seconde partie m'a laissé un peu plus perplexe tant sur le fond que sur la forme -et sur la double faute de conjugaison du verbe courir, écrit au passé avec deux "r" centraux, p.277 et 279- totalement différents de la première et moins percutants. Pour ne pas déflorer le suspense, je ne raconterai que le minimum, mais si j'ai dit barré pour le début du bouquin, la fin ne l'est pas moins, mais dans un style dissemblable. La ville s'estompe, la nature prend toute sa dimension dans le corps de Martial, le chamanisme arrive en force
Résultat : un bouquin inclassable, qui, comme les autres livres de P. Bordage reste à l'esprit et ne laisse pas de marbre. Une vraie bonne découverte d'un auteur plutôt connu pour ses romans d'anticipation que pour ses débordements linguistiques.
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