Toucher le ciel

Cathy Borie fait partie de ces belles rencontres littéraires que j'ai pu faire depuis que je publie assidûment mes chroniques. Je découvre une nouvelle facette de son talent d'écriture à travers ce recueil de poèmes, Toucher le ciel.

Ce livre m'accompagne depuis plusieurs semaines déjà ; je le lis par petites touches, l'ouvrant et le refermant comme un écrin, juste le temps de parcourir un poème ou deux, de m'en imprégner… Je garde les autres pour plus tard car, en fait, je voudrais ne jamais finir ma lecture.
Toucher le ciel est un bel objet par la perspective particulière de la photo de couverture, par son format élégant, par sa mise en page soignée. C'est un recueil d'impressions… Cathy Borie met la vie en poésie, sa vie et la nôtre aussi ; ses mots sont justes, précis, au bon endroit et au bon moment… Pas de fioritures inutiles, une forme de dépouillement... Une poésie très actuelle.
Je retrouve des références aux romans déjà lus quand l'auteure parle de « la blessure posée dès les origines dans la chair des anges » ou encore quand elle évoque « les vies emportées comme des brindilles ». Je note l'emploi récurrent de certains mots ou situations, reflet de son « kaléidoscope » personnel.

Cette écriture me touche et quand je ressens cette intimité avec un(e) auteur(e), les mots me manquent pour en parler. Disons que nos pleurs se rejoignent autour des écureuils écrasés, des chagrins puérils et des larmes gardées en dedans, celles dont on parle le moins. Peut-être qu'à l'avenir, quand j'aurais envie ou besoin de pleurer, je prendrai parfois ce recueil entre les mains et sous les yeux pour rendre douce la tristesse.
Vous comprendrez qu'à ce stade, je ne me sois pas lancée dans une analyse stylistique, je n'évoque ni l'intertextualité ni l'univers référentiel, ni l'omniprésence des chiens… ; je suis bien trop au-delà de ces contingences purement littéraires.

Merci Cathy de nous laisser entrer dans votre monde intérieur ; je reçois votre recueil comme un partage.

Comme il est annoncé sur la couverture, les poèmes de Cathy Borie sont des empreintes de pinceau ou, comme l'avant-propos nous en avertit, des coups de lame de couteau ! Comme celui qui « taille dans la chair des anges », dans la nature souveraine qui nous entoure, parmi les êtres chers, morts ou vifs… Une synthèse de la vie, en somme, où le malheur insondable côtoie les joies les plus profondes, où l'orage fait apprécier un ciel radieux… Cathy Borie semble, comme la vie, vouloir souffler le chaud et le froid sur nos âmes, elle nous glace puis nous ravit, avec cependant toujours une lueur d'espoir visible au fond du plus noir désespoir. À la lecture des Âmes soeurs, comment ne pas être ébloui quand elles « explosent en myriades puissantes » ?...

De la vraie poésie intemporelle qui dit son amour des mots, les emploie au gré de l'humeur et les ciselle tel un ouvrier appliqué mais aussi un peu ailleurs, saisi par l'inspiration du moment. Il se fait artisan du sentiment et jongle avec notre coeur et nos tripes.

Les souvenirs qui s'égrènent, à la fois lancinants et flous, proches ou lointains, leur fil nous guide vers notre âme jusqu'à la fin de l'opuscule avec, arrivés au bout, l'envie de recommencer depuis le début, de relire avec un autre oeil, une autre âme, l'envie de s'en ressaisir plus tard, demain, dans dix ans, et de pouvoir s'y retrouver à nouveau, comme au premier jour.

Une île en filigrane, muse puissante s'il en est, dont le sang bouillant pulse sous la surface des mots. La chair est un grand thème chez Cathy Borie, et la passion quasi charnelle qu'inspire ce morceau de terre n'y est sûrement pas étrangère, le soleil y tape fort et la « rumeur des cigales » y est parfois assourdissante.

Prémisse de ses romans à venir, la plume aiguisée de Cathy Borie nous laisse pénétrer dans son univers qui est également le nôtre, à la fois tendre et cruel, sombre et lumineux, dualité physique et spirituelle. Les évocations sont puissantes, les images sont réelles, ça « brille pétille scintille » ou bien ça « coule rouge sur les feuilles qui brûlent » mais toujours « les printemps persévèrent ».

À découvrir absolument, pour contempler la noirceur mais aussi voir briller un fagot d'étincelles au bout de la nuit.