“L'horreur n'a donc pas de bornes”, cette citation, représente pour moi parfaitement l'oeuvre de Cécile et
Julie Gaillard.
Une piscine à Jalalabad est un roman noir écrit par les deux soeurs et publié aux éditions d'Avallon en février 2022.
Les autrices nous font voyager en Afghanistan, dans le monde du trafic de drogue. C'est un univers peu connu et recouvert de préjugés, ce qui explique que je n'avais pas beaucoup d'attente vis à vis de ce roman.
Pourtant je me suis retrouvée plongée dans une intrigue palpitante. Les autrices réussissent l'exploit de rendre un narcotrafiquant attachant. Mushtaq, père de trois enfants, est un personnage pour lequel on ressent facilement de l'empathie, la perspective qu'il lui arrive quelques chose nous effraie. Pourtant, on sait que c'est un meurtrier.
James, son fils aîné, s'est lui exilé en Suisse pour échapper à son passé. La violence, les armes et la drogue sont ce qu'il tente à tout prix d'oublier, lorsque sa famille se fait capturer et qu'il se voit contraint de les sauver.
Grâce à leur style percutant, incisif et sans emphase, les deux soeurs nous font vivre à un rythme effréné le quotidien hors du commun d'une famille très spéciale. Il est difficile d'identifier un personnage principal, car chaque membre de la famille a une place importante et une attitude déterminante. de Scarlett la cadette au caractère affirmé, à James l'ainé dépressif en passant par Henri leur petit frère aveugle, la fratrie hétéroclite forme pourtant une chaîne soudée. Chacun a besoin des autres.
D'autre part, le talent qu'ont les autrices pour exprimer une multitude de situations différentes m'a impressionnée.
Elles sont capables de décrire avec intensité un attentat abominable :
“Une boule de feu monte vers le ciel. Les déflagrations font voler en éclats la carrosserie du 4x4 flambant neuf. Les débris de pare-choc pulvérisent les toiles et les légumes. Les planches des étals se fendent. Les flammes, le bruit, la peur terrassent les chalands.”
Mais elles retranscrivent également avec sensibilité le ressenti et les pensées du personnage :
“Il devine les hurlements du chauffeur sans les entendre. Inutile d'ajouter le son à l'image, les cris et les pleurs, il les connaît par coeur. Il prie Allah pour que le pauvre type ne survive pas. Les mois d'hôpital à venir, les bandages qui puent, la douleur à se défoncer le crâne: même à son pire ennemi, il ne souhaite pas un tel calvaire.”
Pour finir elles sont capables d'approfondir la psychologie des différents protagonistes :
“On me traite comme une marchandise en transit et je suis debout, prête à en découdre. Si je mets la main sur celui qui nous a fait voyager dans ces conditions, je l'étrangle à mains nues, très doucement, pour me réjouir de ses yeux révulsés et de la mousse qui sortira de sa bouche et salira son menton.”
Pour moi, c'est donc un roman bouleversant, certains passages peuvent être difficile à lire, mais ils illustrent la violence d'une réalité qui nous est inconnue.
Les autrices réussissent l'exploit d'écrire une brutalité que l'on pourrait considérer comme indescriptible.
Entre violence psychologique et torture, on découvre qu'il existe bien pire que ce que l'on pensait déjà être l'extrême de l'abominable.
Paradoxalement les autrices ajoutent une certaine poésie à leur récit.
“J'aperçois la cage ou nous allons moisir. Je lève les yeux au ciel. Il est aussi pur que notre avenir est sombre. Pas un nuage à l'horizon.”
En peu de mots, c'est un roman au style détonnant et réfléchi que l'on suit à un rythme haletant, dans lequel l'amour et l'espoir sont toujours présents. Il promet un voyage, accompagné de sensations fortes et de nombreuses réflexions.
Je vous recommande donc ce roman à 100 % !