La Planète des singes, une lecture de jeunesse dont le souvenir en moi s'est depuis longtemps dissipé. Après mon récent coup de coeur avec La monture, d'Emshwiller Carol, j'ai voulu me replonger dans le grand succès de
Pierre Boulle pour comparer, dans les deux oeuvres, le traitement du thème de la domestication.
J'ai plutôt déchanté, je dois dire, et cela m'a surpris. Si les thèmes et les idées développées sont très intéressants, la réalisation m'a passablement déçu.
Tout commence par une scène où un couple de voyageurs galactiques met la main par hasard sur une bouteille dérivant dans l'espace. Dans la bouteille, des feuilles relatant une histoire à peine croyable.
Une petite introduction sympathique, mais qui fait d'emblée tomber au plus bas le thermomètre de la crédibilité par une foule de détails qui font sourire. Comme l'épuisette pour pêcher la bouteille… Et bien sûr, c'est connu que les cosmonautes voyagent toujours avec une épuisette, surtout dans un vaisseau bulle de trois mètres de diamètre ! Bon, il y a comme un petit arrière-goût de poésie dans ce préambule, alors ces bizarreries ne m'ont pas trop gêné.
Les feuillets relatent les aventures de trois explorateurs de l'espace, partis de leur planète Terre pour explorer une lointaine planète, baptisée Soror. Tout de suite, j'ai pensé aux romans de
Jules Vernes. Les personnages sont typiques, on a une aventure scientifique, et surtout ce style vieillot. Mais quel style vieillot alors ! Cela m'a beaucoup surpris, pour un roman publié en 1963. L'auteur voulait-il vraiment mimer (ou singer, pour rester dans le thème) le style
Jules Vernes ? Toujours est-il que cet aspect m'a rebuté.
Après un voyage interstellaire sans encombre, la petite équipe découvre donc la planète Soror. Celle-ci est en réalité à l'image de notre Terre, en tout point, ou presque, semble-t-il. Et c'est un aspect qui m'a gêné, encore. Ce parallélisme. Même climat, même géographie, même flore, même faune… Bien sûr, il y a LA différence : sur Soror, les singes sont l'espèce dominante tandis que les hommes sont des créatures primtives. Mais même la civilisation des singes de Soror est calquée sur la nôtre. Cela m'a donné l'impression que l'inversion des rapports hommes / singes n'avait d'autre but que de produire un effet miroir permettant une critique évidente de notre société. Bien sûr, c'est parfaitement légitime, mais la réalisation au niveau narratif est assez laborieuse : le narrateur n'a de cesse de relever comme il est étonnant que telle ou telle chose paraisse « identique à ce qui est sur Terre » (avec l'inversion lorsque cela concerne les hommes et les singes). Une lourdeur qui se traîne sur tout le roman.
Mais ce qui m'a hérissé le poil par-dessus tout reste le personnage principal et narrateur : Ulysse Mérou, membre de l'équipée initiale et journaliste de profession. Un personnage qui m'a paru particulièrement antipathique. le plus gênant étant en fait que je n'ai pas l'impression que c'est ce que visait l'auteur…
Sa relation avec Nova (une jeune femme humaine à la beauté divine et clairement attirée) est édifiante : d'abord désintéressé (mais oui, mais oui…), il finit par s'unir avec elle, puis par s'en désintéresser à nouveau, avant de la battre occasionnellement…
Le héros est présenté comme plus intelligent, plus malin que les singes qui l'ont capturé. Pourtant son manque de contrôle lui fait commettre de nombreuses erreurs.
Le fier héros a honte pour son espèce de voir ses compagnons de cellule accepter si facilement de se soumettre aux tests humiliants de leurs geôliers singes. Pourtant il finit par les surpasser en zèle. Une fois libre, il finit même par endosser le rôle des geôliers, y compris à l'encontre de Nova.
Bon, exception faite de tous ces détails qui m'ont fortement gêné, il y a du bon.
Le roman est court et se lit facilement.
La progression est assez logique.
De bonnes idées, parfois originales, plutôt bien développées. J'ai particulièrement aimé la théorie du mimétisme pour expliquer l'essor de l'intelligence simiesque sur cette planète.
Malheureusement, j'ai trouvé que le thème central de la domestication et du rapport dominant / dominé manquait de profondeur et de conviction. Peut-être parce que la démonstration ne s'appuie que sur le seul effet miroir, par ailleurs assez artificiel.
Clairement, je n'ai pas retrouvé la qualité d'extrapolation, la puissance émotionnelle et les développements psychologiques présents dans La monture.