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sur 1012 notes
Quel bonheur de renouer avec la plume magistrale de Franck Bouysse. Ses lignes sont merveilleuses, comme une rivière bercée par un champ de poésie.

Dans L'homme peuplé, l'auteur nous offre un roman polyphonique où s'entremêlent passé et présent. Deux hommes solitaires : Harry, écrivain en panne d'inspiration jette son dévolu sur une maison délabrée recluse au milieu de nulle part. Caleb, jeune homme solitaire élevé par une mère rigide et tenancier de pouvoirs de guérisseur tel un sorcier.

On va suivre ici la vie chahutée de ces deux êtres car la maison d'Harry résonne aux sons des murmures des fantômes.

Il faut s'appeler Franck Bouysse, écrivain hors pair pour écrire un roman puzzle qui voyage dans le temps et dans la mémoire des gens sans nous égarer une seule seconde. Quel délice de se pourlécher de la prose habitée de l'auteur. Un véritable tour de force cette promenade au coeur de ce que la littérature française offre de plus précieux. Des mots nectars qui roulent et caressent et viennent butiner nos papilles.

Roman d'atmosphère nourri d'une magnifique plume onirique. J'ai frisé le coup de coeur sans cette fin trop nébuleuse à mon goût.
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Sortez les doudounes.
Dans les romans de Franck Bouysse, la météo est encore plus pourrie que dans un polar scandinave. Avec lui, pas de changement climatique. Vous lisez trois pages et les nappes phréatiques transforment les champs en pédiluves jusqu'à la prochaine canicule. Un Fjord pour le dessert.
Quoi ? Si je n'ai retenu de ce roman à la nature austère que la neige, le froid, les sols gelés et les cols roulés ? Non, mais à force de me faire culpabiliser de passer la Toussaint en bermuda, le climat Bouyssien méritait ce petit bulletin météo et m'a fait forte impression.
Son style aussi, comme d'habitude. Ses personnages ont le moral en dessous des normales saisonnières mais l'auteur n'écrit pas avec des moufles. D'un livre à l'autre, on sent que l'écrivain a trouvé sa voie. La phrase est âpre, en harmonie totale avec l'écosystème du récit.
Ecrasé par le succès de son premier roman, l'Aube noire, oxymore d'une folle gaieté, un écrivain s'isole dans une ferme isolée pour humer l'inspiration. Des terres recouvertes de neige pour vaincre le syndrome de la page blanche, c'est un concept.
Ses contacts avec le réel vont se limiter à des coups de fil à son père malade et à son éditeur plus zen qu'un moine tibétain dans la queue d'une station-service. Il va aussi de temps en temps prendre un café dans le seul commerce du village voisin, tenu par une jeune femme au charme mystérieux mais avare de confidences. Pas le genre à étaler sa vie dans les réseaux sociaux, la demoiselle.
L'écrivain, qui se prénomme Harry, a pour unique voisin Caleb, sauvage propriétaire de la ferme d'à côté. Un vrai filon de célibataires besogneux pour "l'amour est dans le pré" ce coin. Caleb est un peu sourcier et un peu guérisseur aussi mais il réserve son don aux animaux, par animosité pour sa propre espèce. En résumé, pas de fête des voisins en perspective avec taboulé à volonté. Ils se sentent, s'observent, s'épient mais ne se croisent jamais. Chacun son chapitre, à tour de rôle dans une polyphonie de deux solitudes qui labourent les souvenirs.
L'homme vit avec ses fantômes et l'écrivain avec ses personnages. Quand l'homme est écrivain, les deux se mélangent un peu comme des siamois. Franck Bouysse interroge avec virtuosité le processus de création littéraire: fréquentation assidue de démons intérieurs, imprégnation des lieux, poids de la mémoire, accompagnement de certaines musiques et influence des lectures passées.
Dans cet Homme peuplé (par qui ? c'est le mystère), l'auteur ne sert pas l'histoire toute faite au lecteur. Ce dernier est mis à contribution. Il n'y a pas de mode d'emploi et c'est tant mieux. Un roman, ce n'est pas un meuble Ikea. Il m'a fait cogiter le bougre. Sa confiance m'honore et il est agréable de ne pas être pris pour un imbécile mais je suis à peu près certain d'être passé à côté de certaines idées et références. Il me faudra une seconde lecture.
Ce récit hanté de l'intérieur fait vraiment perdre à ses personnages et au lecteur les notions de temps et d'espace. le temps de l'écriture est coincé entre la réalité et la fiction. Et si la quatrième dimension était le territoire de l'imagination ?
Au final, il m'a quand même manqué un peu de romanesque pour prendre le même plaisir de lecture qu'avec « Né d'aucune femme » et « Buveurs de vent » mais j'ai été vraiment impressionné par l'ambition de ce texte.
Je lui tire mon bonnet.

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Franck Bouysse fait partie de mes auteurs préférés c'est avec un immense plaisir que j'ai lu son dernier roman. Jusqu'à la page 100 environ je me disais c'est excellent mais ce n'est pas un de ses meilleurs écrits. Franck Bouysse tel un magicien qu'il est m'a alors prise par la main et m'a entraînée en dansant dans l'histoire, j'ai été totalement grisée et captivée par les rebondissements et les événements me délectant à chaque page davantage de ce délicieux breuvage. Un coup de coeur pour ce nouveau roman. L'ambiance du livre est très mystérieuse et magique, le style parfait. Je vous recommande vivement la lecture de L'Homme peuplé. Bravo à Franck Bouysse qui a l'art et la manière d'écrire des romans inoubliables. Un roman de cette rentrée littéraire à savourer.
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Dans l'espoir de renouer avec l'inspiration loin de son existence parasitée de primo-romancier à succès, le narrateur Harry se rend acquéreur, sans même l'avoir visité, d'un corps de ferme isolé, à proximité d'un village perdu du centre de la France. Mais sa retraite en ces lieux aux contours effacés par la neige et le brouillard est bien vite troublée par un malaise de plus en plus envahissant, alors qu'accueilli avec défiance par les quelques gens du cru, il se sent épié par son plus proche voisin, un marginal que tous semblent craindre et qui, sans qu'il l'ait jamais rencontré, fait planer l'ombre d'une présence inquiétante jusqu'au plus secret de sa vieille maison.


Poursuivant son investissement des thèmes qui lui sont chers et reflètent ses obsessions profondes, Franck Bouysse nous livre sans doute ici l'un de ses romans les plus aboutis, fruit d'une maturité littéraire en tout point éblouissante. D'une plume plus que jamais au sommet de sa splendeur stylistique, renouvelant à chaque phrase le bonheur extatique du lecteur, il nous entraîne dans un jeu de miroirs, un caléidoscope où se fondent les composantes de toujours de son oeuvre pour, en un complexe et délicat cheminement, finir par s'agencer en une nouvelle création qui laisse béat d'admiration.


Ainsi, au fil d'une tension mêlée de doutes, d'inquiétudes et d'interrogations qui tiennent le lecteur en haleine dans ce qui ressemble à un thriller rural, réalité et fiction, passé et présent, fusionnent peu à peu en un nouvel alliage pour laisser éclore... un roman, dans un tourbillon que l'on comprend né du plus profond de l'être, du vécu et des émotions de l'écrivain. Car Harry, confiné dans cette maison encore suintante de la vie de ses anciens propriétaires, prenant pour lui l'hostilité qu'il perçoit au village sans réaliser qu'elle renvoie en fait à une histoire qui lui est étrangère mais qui soulève en lui des échos inattendus, sent sourdre d'irrépressibles images et émotions qui s'incarnent en l'on ne sait plus s'ils sont de vrais fantômes ou la projection de son imagination. le fait est que par une subtile alchimie, tout s'entremêle pour donner naissance à l'oeuvre littéraire, celle d'Harry en même temps que celle de Franck Bouysse.


L'on reste sans voix devant tant de maîtrise et de virtuosité, alors que l'auteur mène la noirceur rurale qui fait son thème de prédilection jusqu'aux frontières du fantastique pour, au final, nous tendre un miroir de son oeuvre et de son travail d'écrivain. Si Harry n'est pas un double de l'auteur, il est une créature de ses éternelles obsessions, celles qui, comme l'ont ressenti Proust ou Cendrars, vous font toujours réinventer le même livre. Après son précédent ouvrage Fenêtre sur terre, dont la poésie venait offrir quelques échappées sur cette intimité profonde reflétée notamment par la maison corrézienne de l'écrivain dont l'acquisition d'Harry semble aussi une émanation plus ou moins distordue, les réflexions, qu'au-delà de sa portée romanesque ce dernier ouvrage propose, élargissent avec intelligence la portée d'une écriture où l'artiste cherche inlassablement son essentiel. Déjà, son roman Vagabond explorait lui aussi cette puissante alchimie de la création, alors qu'un musicien blessé au plus profond de lui-même peuplait son désespoir d'on ne sait plus si c'était une femme devenue musique ou une musique devenue femme.


Ce livre peuplé des fantômes de Franck Bouysse n'a pas fini de vous habiter longtemps après sa lecture, vous éblouissant bien au-delà du coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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« Les mots seuls ne fabriquent pas d'émotion sincère, c'est l'émotion qui doit précéder l'apparition des mots ».

Qu'a donc vécu Franck Bouysse pour, dans chacun de ses livres, de manière presque obsessionnelle, nous emporter ainsi et nous faire frémir sur les territoires sauvages d'une ruralité particulièrement âpre ?
La plume de l'auteur est une plume d'oiseau survolant cette étendue, effleurant les bas instincts des hommes dans leurs fatalités familiales, emportant leurs râles, leurs secrets et leurs souffrances. Caressant leur agonie solitaire. Une plume de corbeau, nuit noire, non pas brillante mais mat, voire terne, pensons-nous de prime abord. Elle nous entraine en effet dans un récit sombre et envoutant, mélancolique, mystérieux, une plume angoissante qui pactise avec la crainte, avec le diable semble-t-il par moment. Une plume engourdie de neige et de silence au poids suffocant. Une plume qui cherche son chemin à travers la brume, espérant des trouées de compréhension sur une page vaporeuse aux dimensions sans repères connus, au temps suspendu, une plume qui cherche son fil jusqu'au Minotaure pour en percer les secrets. Et nous de frissonner en entendant la plume croasser sur le papier que l'on devine jauni, humide, peut-être déjà ensemencé de moisissures. Un roman d'atmosphère assurément frôlant le fantastique.

« le silence revient. L'inquiétude se diffuse dans son corps, tenace. Avec le brouillard qui l'enveloppe, le paysage tout entier semble se replier autour de lui, comme pour isoler un parasite, l'enfermer dans une gangue».

C'est une plume de mésange bleue en réalité, comprenons-nous peu à peu, la noirceur annonciatrice d'une forme de printemps. Un printemps poétique. Qui chante l'amour malgré tout. Qui transforme en poésie les sortilèges de ces espaces inquiétants. C'est une plume d'une beauté sidérante ciselant chaque ligne, chaque mot, chaque image offerte. Qui met du coeur à l'ouvrage à magnifier les petites gens, à honorer les invisibles, à rendre une certaine dignité à ces personnes que nous considérons comme étant différentes. Quelques lignes suffisent pour reconnaitre la plume de Franck Buysse. Il y a du bleu dans son regard noir.

« Au printemps, les fleurs d'aubépine ennuageaient la combe et les inflorescences de pissenlit formaient des étoiles dans un ciel de verdure ».

« La lune apparait comme une énorme orbite évidée et de minuscules paillettes scintillent sur la peau métissée de la nuit ».


Harry est un écrivain ayant rencontré un grand succès après la parution de son premier livre, « L'aube noire ». Depuis quelques années, comme cela arrive lorsque le public et la critique attendent le fameux deuxième livre, il est en panne d'inspiration et décide, sur un coup de tête, d'acheter une ferme à l'écart dans un village paumé ayant pour seul commerce une petite épicerie tenue par la belle Sofia. La maison, qui a été vidée très rapidement, dont il reste encore tous les meubles, est remplie de souvenirs, d'odeurs rances. Il semble à l'écrivain que c'est le seul moyen de couper, de se retrouver et d'écrire.
Nous sommes en hiver, il fait très froid, la neige et le silence recouvrent tout. Harry se sent cependant épié, voire visité quand il s'absente, et entend constamment du bruit provenant de la ferme voisine habitée par un certain Caleb.
Des événements étranges se produisent. Si Harry les redoute dans un premier temps, il va comprendre peu à peu que les accepter peut être une source d'inspiration précisément. le récit est polyphonique et donne la parole tout à tour à Harry puis à ce fameux voisin, Caleb, jeune homme misanthrope qui a été élevé par une mère particulièrement austère, rigide, qui lui a inculqué le dégout des autres et surtout celle des femmes. La mère et le fils ont des pouvoirs : ils trouvent l'eau, guérissent les animaux…

C'est une histoire vraiment haletante, une trame qui se construit peu à peu, qui interroge également de façon passionnante sur le processus de création littéraire. En revanche, je suis assez étonnée : pourtant peu habituée aux intrigues de thriller ou aux enquêtes policières, je n'ai pas eu l'effet surprise escompté tout à la fin, ayant deviné avant, plus ou moins, la chute finale, chute devinée mais dont il me reste pourtant des zones d'ombre…Comme si quelque chose m'échappait dans l'imbrication des pièces du puzzle. Il m'est d'avis que je suis passée à côté de quelques éléments, il me faudra sans doute revenir un jour sur cette fin, relire sans doute le livre…Franck Bouysse le dit lui-même :

« Les grands livres ont ce pouvoir-là, de modifier la trajectoire du lecteur à chaque lecture, de maitriser le temps en déployant l'espace, de faire en sorte que rien ne s'est véritablement produit, qu'à tout moment peuvent surgir de nouvelles montagnes et de nouveaux abysses. le temps révolu n'est dès lors plus une succession de moments déjà vécus, mais une suite insoupçonné de rapports au monde ».


Cette réserve ne nuit aucunement à l'aura de ce livre, à l'ambiance distillée, à la gageure d'écriture, à la poésie extatique, à la symbolique de cette image d'homme peuplé, merveilleusement bien trouvée… Ce livre est une aube noire, sombre certes mais chargé de la promesse du jour à venir…
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C'était ma troisième lecture de Franck Bouysse et probablement la dernière, ce que je n'affirme pas avec certitude car il m'est arrivé de succomber à la tentation incompréhensible de revenir vers des auteurs me laissant espérer autre chose qu'une lecture déplaisante, telle que celle-ci.

Donc, je vais une nouvelle fois dénoter par rapport aux si nombreux avis qui encensent Franck Bouysse et ce roman parmi d'autres. Je lui reconnais un talent d'écriture incontestable, un art dans les descriptions de la nature, malgré des abus de clichés dont le temps d'exposition s'est un peu trop prolongé.

Le thème m'a paru vraiment absent d'originalité, les situations placées dans différentes époques sont confuses, l'auteur ajoute quantité de longueurs et de digressions qui n'apportent rien à l'histoire principale.

D'ailleurs, ce roman porte-t-il une histoire principale? le héros est-il Harry, écrivain en mal d'inspiration, qui de manière invraisemblable achète une maison dans une campagne perdue, sans l'avoir vue auparavant, en plein hiver, où il va vivre les tranches de vie des autres, bien plus que les siennes? Ou bien Caleb, l'homme invisible, en proie aux malédictions, aux poids d'une existence écrasée par une mère qui semble elle-même victime, mais cela le lecteur ne le saura parfaitement jamais? Ou encore Sofia dont on comprend vite qu'elle est aussi Emma, une belle plante, écrasée par les semelles des méchants?

Ces trois-là se démêlent avec leurs démons, leurs interrogations, sans qu'un voile opaque soit vraiment levé à la fin du texte, encore plus chaotique que l'ensemble de ce roman taiseux qui n'emporte pas l'empathie du lecteur pour ses protagonistes.

Je ne peux parvenir, comme les plus nombreux, à être habité par cette lecture, encore moins "peuplé" si ce n'est par quelques images de la nature qui ne suffisent pas pour compenser toutes les élucubrations et invraisemblances mises scène confusément par Franck Bouysse.
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Harry, s'il a connu un grand succès avec son premier roman, éprouve aujourd'hui le syndrome de la page blanche. Pour tenter de renouer avec l'écriture, il a acheté, sur un coup de tête, une ferme en pleine campagne, le lieu-dit le Bélier, située à 4 kilomètres du premier village. Accueilli par la nuit, la neige et un agent immobilier qui lui fait visiter sommairement la maison. le lendemain, un brouillard épais confère à ce lieu une aura de mystère. Harry prend gentiment possession des lieux mais un sentiment de malaise le saisit lorsqu'un hurlement perfore le brouillard. Au village, les gens sont peu causants et semblent se méfier de lui...
Non loin de là, Caleb, qui vit seul depuis la mort de sa mère, observe, d'un oeil méfiant, l'étranger qui vient de prendre possession de la ferme des Privat. Lui que l'on dit sorcier ne compte pas rendre facile la vie de cet intrus...

Dans ce roman choral, donnant voix à Harry et Caleb, deux hommes isolés, taiseux, Franck Bouysse renoue avec ses thèmes de prédilection (la campagne, la nature, le silence, les secrets), en y ajoutant, ici, une lueur de fantastique, d'intemporalité, de mystique. D'un côté, Harry, écrivain en mal d'inspiration, en proie à des événements étranges, attentif et s'imprégnant peu à peu du monde qui l'entoure ; de l'autre, Caleb, un sorcier isolé des hommes qui se méfient de lui. Tous deux plongés dans une atmosphère pesante, presque fantomatique, où le brouillard et la neige semblent vouloir étouffer toute trace humaine. Entre réalité et fiction, passé et présent, l'on est comme Harry, l'on doute, l'on craint tant plane une tension permanente. Si la plume, poétique, immersive, envolée, virtuose, nous cueille dès les premières lignes, L'homme peuplé manque d'épaisseur, de grandeur, d'émotion, de vibration, et ce, malgré un dénouement (plus ou moins) inattendu.
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Comment commenter un roman inachevé ?

Au lieu dit le Bélier, Caleb occupe le territoire depuis toujours, isolé du monde par une mère aussi possessive que misogyne ; l'arrivée d'un écrivain, Harry, en panne d'inspiration, trouble l'apparente quiétude et Frank Bouysse crée avec talent une atmosphère opaque et affolante où le moindre bruit devient source d'angoisse. Et Caleb a une solide réputation de sourcier, voire de sorcier … Premier tiers intriguant.

La mort de la mère de Caleb puis l'intrusion de la belle Emma créent une onde de choc foudroyant le fils du maire qui se venge alors férocement pendant que Harry conte fleurette à Sofia … deuxième tiers haletant qui laisse présager d'une fin saignante.

Mais le romancier renonce à libérer le lecteur des malédictions locales et le laisse guetter une « nouvelle promesse » en abandonnant Caleb et Harry à leurs impuissances.

Une intrigue sans fin me laisse sur ma faim à rêver du feu d'artifice qu'un Pierre Pelot offrirait dans un tel contexte …

D'où une vrai déception car une belle plume et des personnages intriguants ne peuvent compenser un scénario bâclé et les propos misogynes de Caleb aggravent le souvenir que laissent ces pages.

Heureusement l'empathie, la fidélité et le dévouement des chiens de Caleb et Harry réchauffent l'atmosphère et donnent une dose de fraternité à cet ouvrage glauque.
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On retrouve dans ce roman les inspirations attitrées de Franck Bouysse, la campagne, des paysans taiseux, un peu de mystère et toujours une nature magnifique et célébrée.
Harry, citadin, s'installe dans une ferme isolée après un premier roman réussi mais en panne d'inspiration pour le second et en pleine interrogation sur le rôle de la littérature et le sens de l'écriture.
Dans la ferme voisine, Caleb, paysan solitaire, un peu sourcier, cloîtré avec ses bêtes depuis la mort de sa mère (elle aussi un peu sourcière/sorcière), et qui se montre méfiant face à ce nouveau voisin, et face à tout humain s'approchant de sa maison...
Harry sent l'hostilité de son mystérieux voisin, les bruits bizarres, les "visites-fantômes", et aussi l'animosité de tout le village, replié sur lui-même, à l'exception peut-être de la jolie tenancière du café-épicerie.

Ce résumé pourrait s'appliquer à un roman du terroir, sauf qu'avec Franck Bouysse on est à l'opposé des clichés véhiculés par ce genre littéraire.
Ici c'est le style, riche, somptueux, qui donne de l'épaisseur aux deux personnages, qui crée le mystère et qui, surtout, glorifie la nature en en faisant un personnage à part entière (comme dans les premiers romans de l'auteur)
Les descriptions de paysages sous la neige (il neige souvent dans les romans de l'auteur...), d'animaux domestiques et sauvages, et de villages en déshérence sont particulièrement réussies, de même que les scènes de désir entre Caleb et Emma.

La fin est un peu déconcertante et nous oblige à reprendre l'histoire au début... mais c'est la conclusion logique de ce roman choral où passé et présent s'entremêlent magnifiquement grâce à la puissance poétique de l'auteur.
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"L'homme peuplé" est le dernier roman de Franck Bouysse à ce jour. Après "Né d'aucune femme", qui m'avait fait découvrir l'auteur et qui avait été un gros coup de coeur, j'ai lu quelques autres de ses romans, dans lesquels je n'ai pas encore retrouvé les mêmes sensations mais dans lesquels j'ai toujours su apprécié la belle plume. Dans "L'homme peuplé", on retrouve bien le style de l'auteur, tant par les thèmes abordés que par la trame de l'histoire. Et si on me demandait de classer ses romans par ordre de préférence, ce dernier irait en seconde position, juste après "Né d'aucune femme".

Harry, romancier atteint du syndrome de la page blanche, quitte la ville pour s'installer dans un petit village campagnard, perdu au milieu de rien. Assez vite, il se sent mal accueilli, épié. Quelques phénomènes étranges se produisent, chez lui et alentours. Ses relations sociales se limitent à son épicière et à ce chien errant qui ne le quitte pas d'une semelle, le maire également à l'occasion. Même son seul voisin, Caleb, à qui appartient la ferme d'à côté, il n'a pas encore eu l'occasion de le rencontrer, et pour cause... ce dernier voit d'un très mauvais oeil l'arrivée de cet étranger...

Dans ce roman, on reconnaît bien les thèmes de prédilection de l'auteur : des événements qui se déroulent en milieu rural, dans lesquels on fait connaissance avec des protagonistes vivant isolés et dans la solitude. Ici, il y a en plus un côté pourrait-on dire mystique, grâce au personnage de Caleb, guérisseur et sourcier, que chacun nomme "le sorcier", puisque sa mère "la sorcière", si l'on se fie aux rumeurs, l'aurait engendré toute seule, sans homme...

On perçoit instantanément l'ambiance générale, sinon angoissante, au moins des plus étranges, dans laquelle le froid hivernal, la neige et le silence se veulent oppressants, suffocants. C'est une sacrée réussite. On se rend assez rapidement compte qu'il ne se passe et ne se passera pas grand-chose, mais nous sommes tellement imprégnés par cette atmosphère qu'elle se suffit à elle-même et qu'on aime à suivre Harry et Caleb dans cet isolement campagnard et hivernal, entre retranchements intérieurs et souvenirs. Elle nous enveloppe, nous emprisonne, nous immobilise, à tel point qu'on apprécie voir tout se déroulait avec lenteur.

Harry et Caleb, qui ne se croiseront pas une seule fois d'ailleurs, sont deux êtres diamétralement opposés, mais tout aussi intéressants l'un que l'autre, forts, énigmatiques. le premier nous emmène dans ses souvenirs, seul avec sa mère qui refusait tout contact avec les autres, puis seul tout court après son décès, et enfin dans le drame qui s'est ensuivi. le second cherche désespérément à comprendre ce qu'il se passe autour de chez lui, cherchant des explications auprès du peu de personnes qu'il côtoie mais se heurtant à un mur.

Entre le silence de l'hiver et le brouillard omniprésent, entre réalité et fausses apparences, entre personnages taiseux et fantômes du passé, l'auteur nous balade à son gré dans cette campagne peu accueillante, où les secrets sont tus et le silence assourdissant.

Les chapitres, qui se relaient les points de vue de Caleb et Harry, qui alternent entre passé et présent, sont assez courts. Peu d'action au final, mais la lecture n'en est pas moins rythmée. Les pages se tournent d'elles-mêmes et on a tôt fait d'arriver au dénouement.

Dénouement que j'ai d'ailleurs apprécié ! En général, les fins que Franck Bouysse me propose me dérangent, me plaisent moyennement. Ici, il me faut reconnaître que j'ai été agréablement surprise : le dénouement et, par conséquent, le devenir des personnages, sont remarquablement bien tournés, bien amenés.

J'ai donc passé un très bon moment de lecture, tout comme j'ai pris plaisir à retrouver cette plume qui me charme tant à chaque fois : convaincante, élégante, qui se veut aussi bien incisive que poétique.
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