Citations sur La vie aux aguets (32)
Elle attirait bien trop d’hommes et, en revanche, n’était séduite que par très peu. C’est parfois le prix de la beauté : je te ferai très belle, décident les dieux, mais je te ferai aussi incroyablement difficile à contenter.
Quand, petite, je me montrais grincheuse, contrariante et dans l'ensemble insupportable, ma mère me réprimandait avec des : «Un beau jour, quelqu'un viendra me tuer et tu le regretteras», ou bien : «Ils arriveront de nulle part et ils m'emporteront - et alors tu diras quoi ?» ou encore : «Un beau matin, tu te réveilleras et je ne serai plus là. Disparue. Attends un peu de voir.»
Curieux, mais enfant on ne prend pas au sérieux ce genre de remarque. En revanche, aujourd'hui - alors que je repense aux événements de cette interminable canicule de 1976, cet été pendant lequel l'Angleterre tituba, suffoquée, terrassée par une vague de chaleur interminable -, je sais ce dont ma mère parlait : je comprends ce sombre courant d'une peur profonde qui circulait sous la calme surface de sa vie ordinaire, et qui ne l'a jamais quittée, même après des années d'une existence paisible, sans rien d'exceptionnel. Je m'en rends compte maintenant : elle a toujours redouté qu'on vienne la tuer. Et elle n'avait pas tort.
Tout a commencé, je me souviens, début juin.
L'idée de Romer, comme toutes les bonnes idées était fort simple : de la fausse info peut être aussi utile, influente, efficace ou dommageable que de la vraie.
− Je vous ai posé toutes ces questions parce que j'ai quelque chose à vous dire.
− Non, Hamid, non, s'il vous plaît. Nous sommes amis : vous l'avez dit vous-même.
− Je suis amoureux de vous, Ruth.
− Non, vous ne l'êtes pas. Allez dormir. On se verra lundi.
Mettez-vous simplement près d'un homme, avait expliqué la femme, très près, aussi près que vous le pouvez sans le toucher - il vous embrassera dans les deux minutes qui suivent. Inévitable. Pour eux ça tient de l'instinct : ils ne peuvent pas résister. Infaillible.
- 'Ne faites confiance à personne', répliqua-t-il sans solennité mais avec une assurance et une sorte de certitude pratique, comme s'il déclarait : 'Aujourd' hui, c'est vendredi.' 'Ne faites confiance à personne, jamais', répéta-t-il en prenant une cigarette qu'il alluma, pensif, surpris lui-même de sa lucidité aurait-on dit. 'Peut-être est-ce la seule règle dont vous avez besoin. Peut-être que toutes les autres règles dont je vous parlerai ne sont-elles que les dérivés de celle-là. 'La seule et unique loi.' Ne faites confiance à personne - pas même au seul être en qui vous pensez pouvoir avoir le plus confiance au monde. Soupçonnez toujours. Méfiez-vous en permanence.' Il sourit, pas de son sourire chaleureux. 'Ca vous rendra d'excellents services.'
Il s'est tout à coup interrompu.
"Pourquoi me regardez-vous ainsi ? a-t-il demandé, un peu décontenancé.
- Vous voulez que je vous réponde sans détour ?
- Oui, je vous en prie.
- Je n'arrive pas à décider si ce sont les cheveux qui ne vont pas avec la barbe ou la barbe qui ne va pas avec les cheveux."
"Si j'étais toi, je ne ferais pas du porno, lIse. Ça aide seulement les pauvres types à se branler.
- Ouais". Elle a de nouveau réfléchi. "T'as raison. Je préfère vendre de la drogue."
En qualité de jeune dentiste militaire, Mr Scott avait débarqué dans le port de Singapour en février 1942. Quatre jours après son arrivée, les forces britanniques s'étaient rendues et il avait passé les trois années et demie suivantes comme prisonnier des Japonais. Après cette expérience, m'avait-il confié en toute sincérité, sans la moindre amertume, il avait décidé que rien dans la vie ne lui causerait plus aucun souci.
Sally Gilmartin était aussi solide que le pilier de ce portail, ai-je pensé en posant ma main sur le grès chaud, me rendant compte en même temps à quel point nous savons peu de chose des biographies de nos parents, à quel point elles demeurent vagues et indéfinies, presque semblables à des vies de saints, rien que légendes et anecdotes, à moins que nous prenions la peine de creuser plus loin. Et maintenant cette nouvelle histoire qui changeait tout. J'avais une sorte de boule dans la gorge à l'idée des révélations qui, j'en étais sûre, allaient venir. Quelque chose dans le ton de ma mère m'avait informée qu'elle allait tout me raconter, chaque petit détail personnel, chaque nuance intime. Peut-être parce que je n'avais jamais connu Eva Delectorskaya, Eva Delectorskaya était désormais résolue à ce que j'apprenne tout, absolument tout d'elle.