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Citations sur Le Chemin des âmes (173)

J'ai remarqué que les wemistikoshiw font toujours les choses par trois. Ils sont obsédés par ce nombre : lignes de front, de renfort, de réserve n'en sont qu'un exemple parmi tant d'autres. Leurs équipes de travail comptent toujours trois membres : d'ailleurs, ils les appellent en les numérotant. […] Parfois, j'assiste aux prières où les wemistikoshiw se rassemblent et dans lesquelles ils invoquent leurs trois manitous, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. C'est peut-être la raison pour laquelle ils font tant de choses par trois.
Cela ne s'arrête pas là. À mon tour, je me suis mis à voir les choses par trois. C'est Elijah qui m'a appris, en poste isolé, la nuit, à guetter l'éclair de l'allumette dans la tranchée d'en face. Il faut regarder sur la lueur, compter lentement jusqu'à trois et ensuite, tirer. Le premier soldat gratte l'allumette, c'est l'éclair que l'on détecte. Il la passe à un copain qui allume à son tour son clope : c'est là que le tireur peut faire le point. Quand le second passe l'allumette à un troisième, on est prêt : on a juste le temps de tirer avant que le malheureux n’inhale sa bouffée.
(p.311-312)
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Où est-il ? Nous aurons passé toute la guerre côte à côte pour nous perdre aux tout derniers jours. Un obus est tombé trop près. Il m'a lancé dans les airs et, soudain, j'étais oiseau. Quand je suis redescendu, je n'avais plus ma jambe gauche. J'ai toujours su que les hommes ne sont pas faits pour voler.
(p.22)
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L'aube approche de minute en minute. Et puis, sans prévenir, l'artillerie pousse un rugissement qui monte en puissance. Je regarde un obus passer en hurlant, on dirait qu’il va me tomber dessus, mais non, ce matin, ils sont d'une précision splendide, et jaillissent dans les airs des volées de boue, des éclats, des sacs de terre, des morceaux d'hommes, des gerbes d'étincelles. Je me demande, l'espace d'une seconde, si ce matin sera le dernier de ma vie.
(p.293)
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Le matin du départ, j'ai noué à votre cou un petit sac - médecine - je vois que tu l'as encore, Neveu. J'en avais choisi les ingrédients avec soin : une pincée de toutes les herbes de conjuration en ma possession, avec la dent du lynx qui vous procurerait la vitesse, l'invisibilité, la vue perçante. Plus tard, je suis allée marcher longtemps dans les bois ; j'ai pleuré. À mon retour, je suis entrée dans la tente tremblante. J'ai invoqué le lynx, le suppliant de vous suivre et de veiller sur vous. Le lynx n'a pas répondu.
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Encore une fois, Neveu, tu dois comprendre qu'en ce monde de peine, il faut les saisir à pleines mains, ces rares moments de bonheur qui nous sont concédés. Mon Français et moi, nous étions voraces ; nous nous repaissions l'un de l'autre et nous en trouvions meurtris, mais de bonnes meurtrissures. Nous parlions peu, même si, durant cet été, chacun apprit quelques mots dans la langue de l'autre. Notre langage à nous passait par la chair. Nous nous aimions contre les arbres, au bord des rivières et même dans l'eau, quand la chaleur retourna. Ce fut un bon été. Quand j'allais voir ma mère, elle me trouvait changée ; elle savait ce que j'étais en train de découvrir. Elle me faisait boire un thé amer pour m'empêcher de tomber enceinte. Ses yeux m'avertissaient de me méfier de lui, qu'on ne pouvait pas faire confiance aux wemistikoshiw, mais je ne voulais pas entendre. J'étais trop pleine de lui, j'en débordais presque.
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Mais je secoue la tête et je regarde plutôt ses yeux. Ils sont gris, mais gris comme le ciel juste après l’orage, quand il s’apprête à redevenir bleu, et non de cette grisaille qui nous éclaire ici.
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Mais moi, à sa différence, je n’étais pas fait pour la guerre. J’étais fait pour courir seul les bois ; pour pister l’orignal, pour piéger les lapins avec toi ; pas pour ramper dans la boue à la recherche d’autres hommes.
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Je m’étends sur ma couverture et je m’abandonne encore au courant de la mémoire.
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Il sait que je veux rentrer au pays, que je n’en peux plus de tout ça ; pourtant je dois me rendre compte, dit-il, qu’il y a ici une liberté que nous ne retrouverons jamais. Mais cette liberté dont il parle, cette liberté de tuer, c’est un choix dont je ne veux plus.
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L’endroit s’appelle la crête de Vimy : un paysage vallonné autour d’une ville en ruines, Arras. On devine que c’était autrefois une belle campagne ; il n’en reste que de la terre retournée. Je regarde les décombres autour de moi ; je me demande si ces lieux guériront jamais. J’essaie d’imaginer le paysage d’ici à dix ans, cinquante, ou cent ; mais je ne vois que des hommes qui vont et viennent entre la plaine et les galeries creusées dans les collines, comme des fourmis lasses et furieuses, inventant sans cesse de nouvelles façons de s’entre-tuer.
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