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Avec Bertolt Brecht, on a souvent l'impression qu'on va s'ennuyer et qu'il est hors sujet ... avant que la magie de son théâtre n'opère et que l'allégorie se mette en place. La théâtre, c'est le contraire du péplum ; c'est comme du modélisme ou une opération mathématique complexe qui permet d'évoquer, de retracer, d'analyser L Histoire avec trois bouts de ficelle et les sentiments humains par la simple parole.
La résistible ascension d'Arturo Ui démonte les mécanismes entrepreneuriaux d'Adolf Hitler pour accéder au pouvoir absolu. le parallèle avec les affaires et ses dérives mafieuses est tout simplement génial car il propose une vision du nazisme non comme l'élan d'un peuple guidé par un homme mais comme une suite de combines jouant sur la lâcheté et les peurs des uns et des autres au service d'une petite élite. Les personnages et les étapes de l'ascension d'Arturo Ui sont tellement limpides et transparentes au regard de l'histoire allemande des années 1930 que les panneaux entre les actes devant faire le lien entre le conte et L Histoire sont presque superflus.
Je ne suis pas une admiratrice des dialogues de Brecht, qui me paraissent parfois un peu plats, mais je suis une inconditionnelle de ses constructions théâtrales, de sa manière de faire apparaître la réalité sur scène, de nous montrer le drame au-delà de la pièce. Compte-tenu de la gravité du sujet, cette pièce est une totale réussite.
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J'ai découvert la pièce l'an dernier au détour de recherches pour préparer un cours à mes élèves de première et j'avoue qu'avant cela, je maîtrisais très mal l'oeuvre de ce dramaturge. L'action se situe à Chicago alors qu'une situation économique difficile pèse sur la ville et particulièrement sur les vendeurs de choux-fleurs. La corporation des commerçants de cette denrée décide alors d'allier leurs forces en élaborant un plan pour retrouver un semblant d'équilibre. Mais cela est sans compter sur Arturo Ui, sorte d'al Capone local, qui veut lui aussi avoir le monopole sur les transactions du légume, quitte à éliminer ses adversaires. Tout cela pourrait avoir des allures de farce grotesque s'il ne s'agissait pas d'une parabole autour de la montée au pouvoir d'Hitler en 1933. Par un habile aller-retour entre ses personnages fictifs et le contexte historique réel, Bertolt Brecht parvient à fasciner son spectateur en explorant les différentes étapes de l'origine du Mal. J'ai particulièrement aimé la mise en scène proposée par la troupe, et je suis restée glacée par certaines répliques qui trouvent un sombre écho avec le climat politique actuel.
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J'ai lu "La Résistible Ascension d'Arturo Ui" de Bertold Brecht après avoir vu cette pièce de théâtre à la Comédie Française dans une mise en scène époustouflante de Katharina Thalbach.
Brecht, dramaturge allemand, est en exil aux États-Unis lorsqu'il écrit cette pièce en 1941. Elle vise à démonter les mécanismes de l'ascension d'Hitler au pouvoir en les transposant dans le Chicago des années 1930 avec le trust du chou-fleur en crise. Ce que dit Brecht c'est que les procédés sont les mêmes, d'Hitler à Al Capone, du nazisme à la pègre : intimidation, chantage, détournement d'argent, menace, meurtre.
Et là je ne suis pas entièrement d'accord. Il est d'ailleurs difficile pour moi de mettre une note moyenne à une intention aussi louable mais il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.
Je n'ai rien contre les marchands de légumes mais le trust du chou-fleur a quelque chose de ridicule dans cette histoire. La farce politique est une forme qui n'est pas adaptée car le burlesque rend le personnage d'Hitler risible et le grotesque fait sourire.
Ce qui est très intéressant ce sont les écriteaux qui rappellent les faits historiques, comme une ponctuation entre les actes.
Et comme prévient Brecht «Le ventre est encore fécond...»
Même si Arturo Ui traverse L Histoire et parle toujours au présent, la parabole est grinçante.


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« L'Arturo Ui est une parabole, conçue dans le but de détruire le respect habituel et dangereux devant les grands tueurs » expliquait Bertold Brecht, une tentative d'expliquer au monde capitaliste l'ascension d'Adolf Hitler. La pièce vise, avant tout, les idées romantiques que se font « les petits-bourgeois et les prolétaires » du pouvoir.
(...)
Représentée régulièrement, cette pièce ne manque certainement pas d'efficacité. Pourtant, nous savons maintenant que les leçons de l'Histoire ne suffisent pas à elles-seules pour rendre « résistible » de nouvelles ascensions. Face à la rhétorique habile et rodée des volontés tyranniques, il faut opposer une parole musclée et omniprésente, monter partout ce texte par exemple, mobiliser les consciences et interpeler les responsabilités individuelles. C'est essentiellement la lâcheté qui fait le lit des dictatures. Il faut aussi agir, donc.

Article complet en suivant le lien.
Lien : http://bibliothequefahrenhei..
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Bien joué, Brecht ! la distanciation proposée faisant de la prise de contrôle du marché du chou fleur à Chicago une parabole de l'accession au pouvoir d'Hitler est une idée géniale qui fonctionne à merveille.
Dans le climat malsain et poisseux de la pièce, la brutalité crasse d'Arturo Ui et de ses sbires ramène le fuhrer et sa clique à ce qu'ils sont : une misérable bande de gansgters arrivistes, réussissant pourtant à prendre le pouvoir par la force, la ruse et l'intimidation sur les institutions locales qui se font avoir et baissent les bras.
Résistible, l'ascension d'Arturo Ui ? Pas si simple de résister quand on a un browning sur la tempe, mais c'est pourtant le message de Brecht qui écrit cette pièce depuis son exil finlandais en 1941 : d'abord savoir lire le sens des événements quand ils adviennent (mais sait-on le faire dans l'instant, sans le concours de ces panneaux qui à chaque fin de scène viennent relier le feu de l'action aux étapes fondatrices de l'accession d'Hitler au pouvoir dans les années trente ?), puis comprendre quels sont les mécanismes à l'oeuvre dans la mise en place d'une dictature, enfin porter un regard froid sur ce que sont fondamentalement les dictateurs afin de démystifier leur puissance.
Une pièce dérangeante et redoutablement efficace.
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Une oeuvre majeure de Brecht à n'en pas douter. Qui met en scène de façon parabolique (en la plaçant dans le contexte d'une bande de malfrats dans le Chicago des années 20) l'arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne et les intrigues de la bourgeoisie et des élites politiques y concourant.
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Encore une bonne critique pour cette pièce de théâtre, qui retrace l'évolution d'un chef de la mafia avec de petites brèves d'histoire qui ancrent le récit, ce qui le rend d'autant plus glaçant !
Une lecture rapide et très intéressante en somme, pour ceux qui veulent aborder cette période des débuts d'Hitler ou qui veulent se rappeler des rouages d'une catastrophe ...
Lien : https://moreholesthaninadonu..
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J'avais lu depuis longtemps La résistible ascension d'Arturo Ui mais je ne l'avais jamais vu au théâtre…jusqu'à hier soir, dans la mise en scène impeccable de Dominique Pitoiset, avec Philippe Torreton dans le rôle- ô combien ambigu- d'Arturo…

Le choc est tel que j'ai aussitôt rajouté une dernière étoile à ce texte qui fait mouche avec une rare élégance dans l'air de présenter sans caricature un putsch fasciste – la prise de pouvoir de Hitler, pour ne pas le nommer - d'en expliquer les rouages sans lourdeurs pédagogiques et de pousser à la réflexion, voire à la résistance – l'ascension n'est-elle pas résistible ?- sans endoctrinement.

Un texte étincelant, ciselé avec l'exactitude historique nécessaire.

On reconnaît, derrière la fable, la Nuit des Longs Couteaux, l'Anschluss- et en même temps, une distance s'introduit avec l'Histoire qui nous laisse du champ pour juger – la fameuse « distanciation brechtienne »- , en particulier grâce au déplacement spatio-temporel.

L'action est située dans le Chicago des années 30, en pleine crise, où les commanditaires de l'approvisionnement – le « trust des choux-fleurs »- et les gangsters s'unissent pour mieux tirer profit de la misère et des désordres qu'elle engendre.

Les personnages historiques portent des noms d'emprunt – transparents- à l'exception d'Arturo Ui –Adolf Hitler, dont la sinistre notoriété se passe de tout pseudonyme de pacotille.

La distance est aussi obtenue par le portrait éminemment retenu, voire nuancé d'Arturo, qu'on ne nous présente pas en psychopathe, même si son moteur est la notoriété, la revanche sociale et le pouvoir.

Arturo, c'est une crapule de bon ton. Il sait se contenir et se taire- quand il trahit son meilleur ami, Roma –alias Ernst Röhm, chef des S.A.- et le livre à la vindicte des ses rivaux, Gori et Gobbola. Il sait montrer patte blanche avec le vieux Président Hindsborough - ou Ignace Dolfoot, chancelier d'Autriche,...avant de sortir ses griffes! Il se montre même pathétique quand il supplie qu'on le prenne au sérieux et qu'on accepte ses « services ».

Mais il est plein d'une froide détermination, d'un aplomb incroyable et d'un cynisme qui fait froid dans le dos.

Les étapes du coup d'état sont dégagées avec une impitoyable lucidité : d'abord désoeuvrement et voyouterie aux confins de la légalité, puis, à coup de menaces, de pressions, de services rendus, de crimes, de trahisons, une discrète infiltration dans le monde des notables, et enfin, en toute légalité, l'appropriation, la spoliation, la mise en coupe réglée du monde de l'argent, le contrôle de la force, la jouissance du pouvoir .

C'est à l'évidence un brillant cours d'histoire politique, mais c'est bien plus que cela : dans la mise en scène de Pitoiset, j'ai soudain trouvé à ce texte une valeur intemporelle.

La distanciation n'est plus obtenue par la légère distorsion des noms célèbres ou par les allusions au Chicago des années 30 : en effet Pitoiset appelle un chat, un chat : Gori c'est Göring, Gobbola, Goebbel, Roma, Röhm Hindsborough , Hindenburg, et Dolfoot, Dolfüss. Seul, bien sûr, le héros éponyme de la pièce garde son nom d'Arturo Ui.

Serions-nous devenus trop bêtes ou trop ignares pour saisir les allusions historiques, qu'il faille ainsi surligner les intentions du texte ? Point du tout!

Le dispositif scénique de Pitoiset actualise le contexte, provoquant un double mouvement d'éloignement –adieu Chicago !- et de rapprochement,- Bonjour, la France ! - qui met le texte dans une sorte d'intemporalité, d'éternelle jeunesse – et d'éternelle menace.

En effet nous sommes dans une salle de conseil d'administration avec une rangée de casiers où trônent coupes, bustes de Marianne, fleurs et couronnes mortuaires - casiers qui s'ouvrent parfois, par inadvertance, sur quelques cadavres, comme à la morgue.

Aux murs, des écrans – des caméras de surveillance voyeuses qui ouvrent cet espace policé des grands brasseurs d'affaire sur l'agitation du monde extérieur.

D'abord Résistance et Révolte : le « va pensiero » de Verdi chanté à l'opéra de Milan par tous les spectateurs en larmes en présence du grotesque Berlusconi, les « casseurs » aux prises avec les force de l'ordre dans les émeutes de banlieue .
Puis l'Ordre retrouvé - le meeting-aux-mille-drapeaux-bleu-blanc-rouge du Palais de Chaillot en 2012.

Une incursion du monde extérieur , mais glacée, contrôlée, désincarnée : celle des écrans vidéo.

Costards, cravates, dossiers, salle d'attente stylée : pas un souffle sinon ne semble devoir altérer la bonne marche des affaires du libéralisme triomphant.

Il y a bien quelques coups de feu en coulisse, quelques meurtres en avant-scène, mais vite escamotés par l'ordre aseptisé de l'Entreprise, soutenue et bientôt noyautée par des voyous en col blanc.

La distanciation brechtienne et celle choisie ici par le metteur en scène, servies par un texte et des acteurs magnifiques, – Torreton, génial en Arturo Ui !- délivrent un message limpide : attention, une prise de pouvoir célèbre peut en cacher une autre, et la respectabilité est sans doute le masque le plus redoutable et le plus trompeur dont puisse s'affubler le fascisme.


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Je viens d'achever la lecture de la Résistible Ascension d'Arturo Ui traduit de l'allemand par Hélène Mauler et René Zahnd pour les éditions de L'Arche. Quelle histoire ! Chacun connaît aujourd'hui, avec plus ou moins de détails, la crise de 29, la montée du nazisme en Allemagne, la prohibition aux États-Unis, Al Capone et ses gangsters, Hitler et ses tristes sbires Göring et Goebbels... La pièce compose avec tout cela en 15 scènes écrites en vers blancs, précédées d'un prologue et closes par un épilogue dont le célèbre dernier vers

"Le ventre est encore fécond d'où a surgi la bête immonde"

est traduit de façon plus allusive et plus proche du texte initial par :

"Le ventre est encore fécond d'où ça sort."

On le voit, la fable est sombre et la réalité qu'elle évoque (la montée d'Hitler au pouvoir) est rappelée et expliquée à l'issue des scènes par des tableaux montrés au public et écrits en lettres capitales). Pourtant la théâtralité de certaines scènes, voire le comique, conduisent à une sorte de mise à distance de cette sinistre réalité : le marché qui met Chicago à feu et à sang est le marché du chou-fleur ! dans la scène 6 Ui prend des leçons de diction et de maintien (à la manière shakespearienne) et la scène rappelle le Bourgeois Gentilhomme. Dans la scène 13, la présence de UI et de ses sbires à l'enterrement du journaliste Dullfeet qu'ils ont fait assassiner, puis le chantage exercé sur l'épouse de Dullfeet et dans la scène 14 où Ui reçoit la visite en songe de Roma, son ami depuis 18 ans, qu'il a pourtant froidement assassiné, on se croit chez Shakespeare.

En somme, l'enjeu est bien d'attirer l'attention sur le processus qui a amené Hitler au pouvoir et de démonter que cette "ascension" était "résistible". Ainsi le "Troisième gars de Chicago" alors que lui et ses collègues n'ont pas su résister à Ui, déclare aux gars de Cicero (alias l'Autriche, prochain objectif de conquête de Ui) :

"Vous entendez, vous devez

Vous défendre, les gars ! Cette peste noire

Doit être stoppée ! Faut-il que le pays

Tout entier soit dévoré par cette épidémie ?"

Mais la pièce est d'autant plus efficace qu'elle ne se borne pas à son enjeu et exploite avec éclat les diverses potentialités du genre qu'est le théâtre. Écrite en 1941 mais déjà en germe en 1934, la pièce n'a été créée qu'en 1958. J'attends avec impatience de voir comment elle sera interprétée en 2017 par Philippe Torreton (Ui) dans une mise en scène de Dominique Pitoiset.
Lien : http://www.lirelire.net/2016..
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Juste un mot : Admirable ! Je sais pourtant combien on fait dire tout et n’importe quoi à ce mot, mais s’il est bien un contexte où il se justifie, c’est dans la qualification de cette lumineuse pièce de Bertolt Brecht.

Pas facile pourtant : Brecht se propose, sous l’angle théâtral, de documenter, d’expliquer et d’expliciter toute la fine mécanique d’accession au pouvoir d’Adolf Hitler, tant en Allemagne qu’en Autriche.

Brecht joue gros et il le sait. Voilà pourquoi l’écriture de cette pièce est admirable ; admirable de justesse, admirable de simplicité, admirable d’édification, admirable d’efficacité, en un mot : admirable.

La force de l’auteur : ne jamais tomber dans la caricature ou l’exposé trop visiblement destiné à discréditer. Il prend Hitler au sérieux et ne cherche pas à le rendre ridicule, lamentable peut-être, mais pas ridicule.

Par contre, sa réussite est admirable (encore une fois, cela commence à faire beaucoup, mais vous n'avez pas fini de le lire) dans la composition d’un portrait effrayant. Brecht simplifie, certes, mais ne caricature pas. Il embrasse dans le petit volume d’une pièce de théâtre des rapports aussi vastes et complexes que ceux qu’entretiennent les organisations économiques, politiques et fascistes (ici, plus précisément mafieuse, mais la différence est mince, somme toute).

Ajoutez à cela un trait de génie, à savoir, faire le parallèle entre le savant processus de prise de pouvoir à l’échelle d’un état et celle de l'instauration de la férule d’une mafia de gangsters sur une ville telle que Chicago.

On comprend alors pourquoi les noms choisis par Bertolt Brecht ont des relents de Sicile. Adolf Hitler est le plus transformé et devient Arturo Ui, Hermann Göring devient Ermanuel Gori, Joseph Goebbels devient Giuseppe Gobbola, Ernst Röhm devient Ernesto Roma, le chancelier allemand Paul von Hindenburg devient Hindsborough, le chancelier autrichien Engelbert Dollfuss devient Ignace Dollfoot, le bouc émissaire qui porta le chapeau pour l’incendie du Reichtag Marinus van der Lubbe devient Fish, etc. Tous sont très reconnaissables. Cet exemple de translation est l'archétype de ce que Brecht appelait la distanciation.

Quand on sait que cette pièce fût écrite en 1941, au plus fort de la domination nazie, on se doit de témoigner un certain respect et même un respect certain à MONSIEUR Bertolt Brecht. Il a, ni plus ni moins, inventé un nouveau genre théâtral : la tragédie historique contemporaine.

C’est une tragédie, au sens propre, par le fond, mais aussi par la forme excessivement bien travaillée en ce sens. Tragédie historique, comme on dirait roman historique, car c’est vraiment très bien documenté malgré la pirouette du transfert dans les rues du Chicago de la prohibition.

J’ai trouvé cette pièce particulièrement intéressante car elle détaille les rouages de l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler et de l’Anschluss (annexion de l’Autriche). Car on a trop tendance à croire que cela s’est fait « comme ça ». Non, ce fut un lent processus, fortement catalysée par la crise économique mondiale du début des années 1930. De même pour l’Anschluss qui fut longuement et savamment orchestré.

Bertolt Brecht introduit ces points de repère historique par l'entremise du bonimenteur, sorte de narrateur théâtral, encore un des traits typiques du théâtre tel que l'entend l'auteur, à savoir le théâtre épique, c'est-à-dire le théâtre raconté comme une épopée.

J’ai trouvé cette pièce particulièrement intéressante également parce que pour la première fois j’ai pris conscience de la communauté de moyen entre l’instauration d’un régime de terreur d’état et d’une organisation mafieuse. Je n’avais jamais fait ce lien aussi distinctement auparavant.

Bien sûr, il me faut signaler tout de même que Brecht ne serait pas Brecht sans ses petits traits d’humour caustique et ravageur qui émaillent parfois certaines répliques ou certaines appellations. Par exemple, l’organisation mafieuse marche avec le « trust du chou-fleur », ou le brutal et sanguinaire Gori s’affuble toujours du chapeau de sa dernière victime ou au moment de procéder à un vote à main levée dit : « Les mains en l’air. »

Le message de l’auteur, outre l’extrême dangerosité de cette organisation fasciste, est que l'on peut et que l’on doit toujours et COLLECTIVEMENT résister. (Le mot le plus important est bien collectivement, pas les verbes pouvoir, devoir ou résister.) Certes, dans la pièce, certains individus se sont opposés et ont de suite été liquidés. C’est donc, selon Bertolt Brecht, que seule une réponse COLLECTIVE est efficace.

Bref, vous l’aurez compris, dans cette pièce, au sujet lourd comme des caravelles de plomb, il n’y a rien a jeter, c’est un morceau (répétez après moi ou je tire !, comme dirait Arturo Ui ou l'un de ses lieutenants) AD-MI-RA-BLE. Mais bien entendu, toutes ces menues considérations ne sont que l'ascension d'un avis, un et un seul, c’est-à-dire, quelque chose d'infiniment résistible.
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