Sylvie Brunel est une figure connue du monde du développement. Elle doit sa notoriété aux nombreux ouvrages que cette géographe de profession a consacrées depuis une vingtaine d'années au Tiers-monde en général et à l'Afrique en particulier. Elle la doit aussi autant à sa retentissante démission de la présidence d'Action contre la faim (ACF) qui lui avait inspiré en 2005 un roman à clés "
Frontières" où elle dénonçait avec humour les dérives de l'action humanitaire. Elle la doit enfin et peut-être surtout à son ex-mari,
Eric Besson, dont elle a récemment divorcé avec fracas.
On retrouve la même alacrité dans son dernier ouvrage dont le titre pouvait laisser augurer un essai sur la mondialisation du tourisme. En fait, l'auteur relate surtout un tour du monde en famille réalisé avec l'époux dont elle n'était pas encore séparé et leurs trois enfants en quarante jours de l'Australie au Brésil, en passant par la Polynésie française et la Colombie britannique. Cette odyssée est racontée avec beaucoup d'humour et de simplicité. Les situations que décrit
Sylvie Brunel nous ont à tous été familières un jour ou l'autre : les difficultés à trouver le site trois étoiles recommandé par le guide, les fouilles inutiles dans les aéroports, les enfants dont la mauvaise humeur trouve son seul antidote dans la consommation effrénée de jeux électroniques.
La narration de ce voyage laisse trop peu de place à une analyse pourtant stimulante car hétérodoxe du phénomène touristique. A contre-courant d'une critique politiquement correcte du tourisme, destructeur des espaces naturels et des cultures indigènes,
Sylvie Brunel réhabilite cette activité humaine dont l'impact économique est plus important que les flux d'aides au développement de nombreux pays du Tiers monde. Certes tout n'est pas rose : « le tourisme est une machine à niveler, qui façonne la planète » et qui « sanctuarise la machine et disneylandise la culture » (p.10). Les touristes sont brinquebalés d'un parc d'attractions à un autre où on leur vend, souvent fort cher, l'illusion d'un contact authentique avec des « forêts vierges mais aménagés », avec des « peuples primitifs mais accueillants » (p.255).
Mais – c'est le point central de l'argumentation de l'auteur – la conscience de cette disneylandisation du monde est son plus efficace remède. S'accepter comme touriste, cet « être forcément moutonnier, imbécile et dont il est convenu, entre gens biens de moquer le ridicule » (p. 259), plutôt que chercher coûte que coûte à voyager autrement, est peut être la façon la moins prétentieuse de découvrir le monde