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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Premier coup de coeur pour ce livre qui m'a fait vibrer du début à la fin et découvrir une conteuse impressionnante. J'ai eu la joie immense de le recevoir parmi une première série de douze romans publiés au premier trimestre 2024, suite à ma sélection pour le jury de la 16e édition du Prix Orange du Livre, catégorie roman français. le jury est composé cette année de 17 membres : auteurs, libraires et lecteurs. Il est présidé par Jean-Christophe Rufin de l'Académie française.

Guadeloupe, 1976, cette année particulière lorsque la Soufrière, volcan depuis longtemps en sommeil, semble se réveiller… Toute la famille Bévaro quitte la Basse-Terre pour se réfugier chez l'aîné Elias en Grande-Terre. Seule Eucate, dont on apprend les liens avec les Bévaro plus tard, refuse de partir et reste sur les flancs du volcan, attendant avec sa petite-fille Anastasie la décision du destin. Chronique d'une famille, chronique d'une époque, plongée dans l'histoire d'une île « papillon » coupée en deux par une rivière d'eau salée, deux ailes reliées par le Pont de la Gabarre placé opportunément sur la carte succincte en fin de volume.

Mais comment fait Estelle-Sarah Bulle pour nous permettre de circuler aussi librement entre les nombreux membres de cette famille, aux histoires si diverses et compliquées. Je n'ai même pas eu à noter les personnages, une présentation discrète ici, plus loin une indication sans ralentir la lecture… La classe, cette autrice ! J'ai envie de parler d'équilibriste puisqu'elle navigue aussi avec les époques, n'hésitant pas à sauter des dizaines d'années dans un sens ou dans l'autre pour brosser le portrait de trois générations. Elle a cet art du mot exact qui forme immédiatement une image. Style épuré, musicalité de la langue, empruntant au créole de temps en temps comme un métissage sans appuyer le trait, pimentant et inventant peut-être des mots, comme quand elle dit : Marianne s'est adaptée « toutafètement » à la vie à la campagne, ou bien la « peupacité » ou « veupacité » des syriens qui ne peuvent pas ou ne veulent pas échanger des objets achetés contre des biens plus utiles dans les circonstances actuelles.

La force de cette saga est amplifiée par la narration des faits réels de cette année 1976. le roman prend racine et crédibilité dans la géographie des lieux et les évènements, dans les déplacements et rivalités entre Haroun Tazieff et Claude Allègre, jusqu'à cette explosion du volcan qui surprend les scientifiques, blessant Tazieff.

Chaque personnage est décrit précisément en quelques mots bien choisis. Caractères, défauts, qualités, l'autrice ne juge pas et garde toujours un peu d'amour en réserve. Les circonstances font que chacun est ce qu'il est sans invoquer cette nature humaine bouchant l'horizon, trop souvent rencontrée dans des romans. Les difficultés de chacun tracent un chemin dont s'extraient les plus forts, tels des Elias et Eucate. La jalousie, l'égoïsme, le poids de la domination des békés sont présents, la générosité et l'amour aussi. Une sensibilité palpable jaillit des mots pour parler d'Elias et de son fils Daniel qu'il revoit enfin, longtemps après son départ en France, revenu voir son père avec femme et enfants, aussi la belle histoire d'amour entre le petit neveu d'Elias, Rony, et Anastasie, la petite fille d'Eucate. Les circonstances des rencontres entre Eucate et Ange, un des fils d'Elias Bevaro sont un magnifique fil conducteur du récit, Ange qui se réfugie par hasard dans la case de cette dame bien plus âgée, nouant alors une connivence qui ne s'explique pas et qui durera.

Estelle-Sarah Bulle est née à Créteil en 1974, d'un père guadeloupéen et d'une mère ayant grandi à la frontière franco-belge. Après des études à Paris et à Lyon, elle travaille pour des cabinets de Conseil puis pour différentes institutions culturelles. Elle a reçu le prix "Stanislas du premier roman" pour son ouvrage "Là où les chiens aboient par la queue". Cette autrice a tout d'une « grande », elle l'est peut-être déjà. Je lirai son premier roman après ce Prix Orange qui va me prendre beaucoup de temps, parenthèse enchantée me donnant un panorama des thèmes et des auteurs de ce début 2024.

Un roman qui réalise la prouesse de trouver la juste position entre l'intime et le social, sans mièvrerie et sans haine. A travers « une saison volcanique » on effleure l'universel. J'y ai vu une belle parabole de l'accueil à partir d'une petite île coupée en deux avec ce pont reliant les hommes. Autant dire que je compte bien le défendre à la prochaine sélection des vingt livres au mois de mars puis, j'espère, dans les cinq finalistes à choisir au mois de mai, la remise du Prix Orange du Livre ayant lieu le 13 juin. Je vous ferai part de mes coups de coeur au fur et à mesure de cette belle aventure. Avez-vous lu Basses terres ou le premier roman d'Estelle-Sarah Bulle ?
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Estelle-Sarah Bulle est d'origine guadeloupéenne et depuis qu'elle se consacre à l'écriture, elle s'est « rapprochée » de la culture créole. C'est peut-être pour cette raison que son dernier roman se situe à la Guadeloupe.
C'est en 1976, au moment où le volcan « La Soufrière » menace la Basse Terre que l'auteur situe son récit. Par l'intermédiaire de plusieurs personnages (dont certains font penser à ses parents, notamment lorsque son père est revenu après une longue absence), on visite plusieurs coins de l'île. Les habitants de Grande Terre accueillent ceux qui fuient Basse-Terre, comme on leur a demandé, à cause d'une possible éruption. Les logements, des cases, ne sont pas grands et le quotidien s'en ressent. Et que dire de ceux qui arrivent de France, qui ne retrouvent rien de leur « vie moderne » et son pour quelques-uns, parachutés dans un univers nouveau qui les ravit et les déroute à la fois ?
Une femme, Eucate, refuse de quitter sa maison, pourtant située dans une zone dangereuse. Elle est « enracinée » dans le lieu, dans les traditions, dans le passé et on comprend aisément son refus. Attachée au folklore, elle a parfois des réactions surprenantes, à la limite de la superstition et de la crédulité. C'est très intéressant de « l'écouter ».
Pour Marianne qui vient ici pour la première fois (son mari avait fui l'île) avec son époux, qui lui retrouve sa famille, c'est un contraste perpétuel. Loin des clichés « carte postale », elle découvre des demeures sans réfrigérateur, sans confort, où tout le monde s'entasse, sans beaucoup d'intimité. C'est un gouffre par rapport à ce qu'elle vit en France. Ce qui semble « normal », facile à un endroit reste un privilège rare à un autre. La pauvreté est encore très présente en Guadeloupe.
Sur l'île, c'est la nature qui décide. Pourtant Haroun Tazieff et Claude Allègre (c'est un fait réel, habilement glissé dans le roman), se disputent sur la dangerosité du site et sur l'obligation ou pas d'évacuer certains villages potentiellement menacés. Pour information, les deux hommes sont restés fâchés, campant sur leurs positions et ça a duré longtemps. Il ne faut pas oublier que la nature décide, c'est elle qui nourrit, qui « bouge », qui « prête » ses terres….
Ici, c'est difficile de connaître une « pleine réussite », comme on en voit en France. Alors quelques-uns partent là-bas dans l'espoir de jours meilleurs, d'un travail plutôt que le chômage. Mais à quel prix ? Que laissent-ils derrière eux ? Il y a eu également ces femmes confrontées à des grossesses difficiles, voire non désirées et dont les enfants se questionnent encore sous l'oeil goguenard de certains voisins.
Cette lecture est une vraie « peinture » d'une époque et d'un lieu, avec toutes les difficultés, les joies, les relations qui se nouent. C'est une excellente représentation de ce microcosme avec tout ce qui s'y joue.
Estelle-Sarah Bulle a une écriture très agréable liant descriptions précises, visuelles et événements marquants ainsi que les ressentis et émotions des uns et des autres. Son style est accrocheur, on s'attache aux protagonistes, on les accompagne un bout de chemin en voulant connaître leur devenir. Leurs portraits sont délicats, emplis d'humanité, de réalisme. Cette histoire sert à aborder de nombreux thèmes : les liens familiaux, les choix pour l'avenir, la résilience, le poids du passé, la vie dans toute sa complexité et sa beauté….

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La Soufrière, un volcan situé en Guadeloupe dans l'île de Basse-Terre, se réveille en 1976 et déclenche une polémique entre scientifiques sur l'opportunité de déclencher, ou non, le déportement massif de la population de la partie sud de l'île, pas loin de 75 000 personnes déplacées, un beau gâchis économique et familial. Les aînés s'en souviennent, lorsqu'Haroun Tazieff, spécialiste des volcans actifs, partisan de ne surtout pas s'affoler, et Claude Allègre, spécialiste des volcans éteints D Auvergne, se sont affrontés par médias interposés après une courte visite sur place. Qui, d'après vous, a gagné ? le premier ? Eh non, le second, le futur ministre, bien en cour auprès des autorités constituées malgré sa méconnaissance totale du terrain. Avec sa maîtrise habituelle, Estelle-Sarah Bulle, cette conteuse hors pair, nous met dans les pas de deux familles dont le destin va être bouleversé par le grand dérangement. Une galerie de personnages, hauts en couleurs et représentant la diversité de la population guadeloupéenne de cette époque, vont défiler sous nos yeux ébahis. le regard est critique, notamment vis-à-vis des hommes, peu regardants quant à la morale malgré leur religiosité feinte ou sincère, mais aussi vis-à-vis des békés, ces patrons et grands propriétaires, tous bien blancs et méprisant souverainement ceux qui les font vivre de leur dur labeur…

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Merci pour ce très beau roman ! Estelle-Sarah Bulle est une styliste très sensible. Elle a une manière unique de camper ses personnages et de nous faire approcher cette famille. Ce livre permet de mieux comprendre les Antilles.
Si votre libraire reçoit cette autrice, réservez votre soirée, elle a une grande faculté de communication. Vraiment une oeuvre à suivre.
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Basses terres : Un roman de retrouvailles et de souvenirs, signé par Estelle-Sarah Bulle, lauréate du prix Stanislas... stelle-Sarah Bulle est née à Créteil d'un père guadeloupéen et d'une mère franco-belge. Elle a publié deux romans aux éditions Liana Levi
Lien : https://lapressedusoir.fr/ba..
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