AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,8

sur 45 notes
5
5 avis
4
10 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
0 avis
En 1976, la Soufrière s'est réveillée, menaçant la population de Basse-Terre. Les avis contradictoires des scientifiques qui avaient fait le déplacement depuis la métropole pour sonder les abords du volcan, ont contribué à semer le doute parmi les habitants. Pourtant sur ses flancs, Eucate ne répondra pas aux injonctions d'évacuations. Sa vie est là et elle ne croît pas à l'imminence d'une éruption.

La réalité de cet épisode marquant permet à l'autrice de raconter l'histoire d‘une famille martiniquaise, complexe, précaire, dispersée au gré des exils vers la métropole. Dès les premiers pages, on est transporté dans l'ambiance chaude et humide de l'île, bercé par la langue créole, touché au coeur par la violence subie génération après génération.

Le récit évoque d'autres auteurs Patrick Chamoiseau, Maryse Condé, qui ont su si bien nous faire voyager simplement en tournant les pages.

208 Liana Levi 4 janvier 2024
Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          520
Le premier livre, que j'ai lu de cette autrice, "Là où les chiens aboient par la queue", j'avais beaucoup aimé, donc c'est tout naturellement que j'ai plongé dans Basses terres de Estelle-Sarah Bulle. Un moment très agréable à la Guadeloupe, au milieu de la fratrie Bévaro, les secrets de famille, la langue créole, la colonisation. Un passé doux-amer.

En piochant au hasard, c'est mon deuxième livre où l'histoire se déroule sur ces îles. J'ai eu l'impression d'une continuité. Plus d'esclavage mais ce sont toujours les Béké qui dominent, des bananeraies immenses, beaucoup de main d'oeuvre, mais payé au lance pierre ou pas du tout. Les femmes sont obligées de se soumettre au patron pour ne pas perdre leur travail et le résultat, des métisses encore une fois, pas reconnus et mal vu par les autres. "La famille Vincent, étaient l'alpha et l'oméga de la vie sur l'île. Une présence à la fois familière et menaçante, déroulée en archipels de familles discrètes et bancales, aux racines fichées dans la terre grâce au négoce, mais étrangères aux palpitations profondes de l'île."

Deux époques sont essentielles dans cette histoire, 1967 et 1976, Eucate qui fait partie des Bévaro, vit près du volcan de la soufrière et n'a jamais voulu quitter sa case, même quand tout le monde fut évacué en urgence, une éruption était attendue, Haroun Tazieff et Claude Allègre, n'étaient pas du même avis, complexe d'ego. Personne ne savait quoi faire et personne n'était d'accord. Pour Tazieff, dédaigneux, c'est à peine un volcan, un tumulus plein de petits halètements, "une montagnette à la mesure des Antilles, ce chapelet de rochers cousus sur un doigt d'océan", rien à voir avec le Krakatoa ou l'Etna.

Trois générations de Bévaro nous est conté, que de rires, de chagrins, de souffrances, d'amour, d'aventures, en compagnie de la grand-mère Eucate, sa petite-fille, Anastasie, Ange, Daniel, Berthe, Elias, leur père. Une histoire magnifiquement racontée, on ne se perd pas, on n'a pas envie de les quitter. Tout est bien décrit autant les personnages, que la nature, leur façon de vivre, leur langue est tellement ensoleillée que c'est un régal.
Commenter  J’apprécie          4532
Un été 1976 en Guadeloupe

Dans son nouveau roman, Estelle Sarah-Bulle explore le destin d'une famille guadeloupéenne. Alors qu'en cet été 1976, on craint une éruption de la Soufrière, les Bévaro se retrouvent. de génération en génération, la romancière explore leurs secrets de famille.

Nous sommes en juillet 1976 en Guadeloupe. C'est le moment choisi par Daniel pour retrouver son pays natal après 17 ans d'absence. Il arrive de Châteauroux, où il vit désormais, accompagné de son épouse Marianne et de ses enfants Diego et Adèle. À l'aéroport l'attend son père Elias et son cousin Francelette que tous sur l'île appellent Gros-Yeux. Chez Elias, la famille retrouvera les cousins, les frères et les soeurs et les amis, venus voir quelle tête avait désormais Daniel et à quoi ressemblaient sa femme et sa progéniture.
Après les retrouvailles et la première nuit, Daniel cherche à se repérer, «il réapprend le paysage, bouche les trous des souvenirs. Les distilleries s'effondrent désormais en ruines rouillées au coin des chemins, les ponts de son enfance disparaissent sous la végétation, la plage a été éventrée par un promoteur immobilier. Les villes côtières se gonflent de touristes couverts d'huile bronzante. Et lui, il ne sait plus comment l'aimer, son île.»
Durant les trois semaines de son séjour, il ira aussi rendre visite à son frère Ange, interné en asile psychiatrique, du côté de Basse Terre où vulcanologues et scientifiques débattent sur les risques d'éruption de la Soufrière. Après une expédition durant laquelle Haroun Tazieff et Claude Allègre ont failli perdre la vie, ordre est donné d'évacuer la zone sud, celle où vit Eucate. La vieille femme avait choisi de construire sa case sur les pentes du volcan et était bien décidée à rester là et à braver les jets de lave et de soufre. Il faut dire que jusque-là, elle avait déjà surmonté bien des épreuves, perdant notamment l'un de ses fils, emporté par la rivière un soir de tempête. Anastasie, sa petite-fille, était la seule à être restée à ses côtés, avec l'envie de comprendre ce qui était arrivée à sa famille, à dévoiler les parts d'ombre qui l'accompagnait.
Génération après génération, Estelle-Sarah Bulle va lever le voile sur les secrets de famille, explorant par la même occasion l'héritage de l'esclavage, puis du colonialisme et enfin du post-colonialisme. Entre la métropole et le département d'outremer, on comprend aussi que les principes de la République ne sont toujours pas appliqués, à commencer par l'égalité de traitement.
Eucate «accepte enfin ce que la vie lui a donné puis repris, heureuse de retourner au volcan et d'y gratter encore un peu l'humus vivifiant, heureuse de survivre au mal, comme chacun sur cette Île sans cesse secouée par les ouragans, les famines, le progrès, l'avidité et l'incroyable sentiment de supériorité des Blancs.»
Le hasard des parutions fait qu'en cette rentrée ce roman entre en résonnance avec La vie privée d'oubli de Gisèle Pineau qui paraît simultanément chez Philippe Rey. Ce roman analyse lui aussi «les conséquences des traumatismes des générations précédentes sur les suivantes.» Deux voix qui s'inscrivent en dignes héritières de Maryse Condé et Simone Schwarz-Bart.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024».Enfin, en vous y abonnant, vous serez par ailleurs informé de la parution de toutes mes chroniques.

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          360
J'avais beaucoup aimé le premier livre d' Estelle-Sarah Bulle, alors j'ai pris un billet "retour en Guadeloupe...". Et cette fois-ci , nous remontons le temps jusqu'en 1976.
C'est l'été où, pour la première fois , l'île a fait la une du JT de Roger Gicquel et pour cause, la Souffrière fait des siennes ( explosions, cendres..), tout porte à croire qu'il faut évacuer la population de Basse-Terre vers Grande-Terre, afin d'échapper à la colère du volcan. Les scientifiques se succédent ( Terzieff puis Claude Allégre) et ne sont pas d'accord, peut-être une légère concurrence, une légére condescendance du plus âgé vers le plus jeune ? Qu'importe, la décision a été prise au plus haut : il faut évacuer...
Nous ferons connaissance de quelques destins, quelques personnages dés le début du roman, de 1949 à 1976, nous verrons leurs routes converger, se croiser ou leurs points de chute être les mêmes, en ces jours extraordinairement volcaniques qu'ils prendront avec flegme et presque indifférence, après tout , ils en ont tellement plus bavé avant....
Que ce soit Eucate qui, jeune, a fui un patron blanc, qui se comporte comme si l'esclavage était encore en cours et qui désormais vit avec sa petite-fille en pleine forêt
Daniel qui est parti en métropole il y a dix-sept ans, et qui revient pour la première fois sur son île avec femme et enfants, chez son père pour un mois de vacances.
Estelle- Sarah Bulle se sert de cette histoire de volcan, qui"pét' bien qu'oui , pét' ben qu'non, pétera , pétera pas", comme d'un prétexte à raconter la "vraie" histoire, de cette île, celle des gens, des anonymes, de ceux qui, eux, ne font pas de bruit, souffrent en silence. Milles violences cachées, mises sous le tapis. Ses malaises : les viols qui n'en ont pas le nom..., les Békés, ses humiliations quotidiennes mais non conscientisées, le racisme, sa désinvolture face aux liens du sang, ses paternités ignorées , le tourisme de masse qui ne fait que commencer , mais aussi la générosité, les repas qui s'ouvrent à qui débarque chez vous, sa nourriture, la nature colorée qui explose, les cases minuscules qui s'aggrandissent à l'infini pour y faire entrer les gens qu'on aime, la vie dehors ...
Comme une sociologue , elle brosse des portraits plus vrais que nature, on sent qu'elle a dû en écouter des histoires, des confidences.
Ça a le goût de la vérité, beaucoup de dignité et de la couleur partout.
Avec ces romans, Estelle-Sarah Bulle en fait plus pour la Guadeloupe que tous les offices de tourisme réunis. Loin, très loin des hôtels de luxe, des formules "all inclusive" et tous ces pièges à touristes.
Authentique...
Commenter  J’apprécie          345
Estelle-Sarah BulleBasses Terres – ed. Liana Levi – Novembre 2023 – 195 pages

« Elle accepte la main de Rony sur son épaule come elle accepte la pluie, les effleurement de l'herbe sur ses mollets dans la rivières ou le goût de son propre sang. »

Cela se passe en Guadeloupe, sui subit les assauts réguliers de mère nature. Pourtant sans cesse, tel que moi (le Phoenix), la végétation et la vie reprend toujours son cours. Parfois même de plus belle.

C'est en 1976 que la volcan devient genre vraiment pas content et le fait payer à la Guadeloupe.

Juillet 1976 une saison volcanique.

Je n'ai pas de connexion internet au moment où j'écris ça mais (surtout en comparaison de a lecture juste avant) (C'est à Dire - Darling In the Fran XX) donc je ne sais pas si les gens partagent ma vision des choses et puis le SF//FF est difficile à traiter. Désolé mais je me suis ennuyé j'ai passé les pages très vite donc j'imagine que c'est un Taulé pour moi !

Ecoutez mon avis, mais surtout, écoutez le vote ! ;-) …

***/5
Phoenix
++
Lien : https://linktr.ee/phoenixtcg
Commenter  J’apprécie          252
Guadeloupe, juillet 1976. Alors que la terre tremble et qu'une pluie de cendres tombent en continu depuis plusieurs jours, le destin de certaines familles de l'île se relie, se tend ou se brise. le passé les a réuni et alors que les secrets et les silences pesaient sur un quotidien chaotique, la colère du volcan fait à nouveau vibrer les tensions…

Je découvre Estelle Sarah Bulle avec ce roman. L'histoire de ces familles, sur un temps relativement court, où passé et présent se mêlent, est un voyage coloré sur l'autre facette de la Guadeloupe. Bien loin des images de carte postale, on fait la connaissance de Eucate, Elias, et leur famille.

L'écriture de l'auteur dépeint avec justesse une vie rude, tournée vers le travail, les injustices, le racisme. On sent le mépris, on vit la colère…

Les femmes sont malmenées par les hommes, les patrons, les traditions, les rumeurs. On les désigne comme des êtres faibles alors qu'elles sont souvent les piliers du quotidien.

La Soufrière tient le rôle central. Et c'est à son image que l'histoire se déroule : si les secrets sont enfouis, il suffit d'une petite flamme pour que tout s'embrase, que les langues se délient et qu'on commence enfin à panser ses blessures…
Commenter  J’apprécie          210
Premier coup de coeur pour ce livre qui m'a fait vibrer du début à la fin et découvrir une conteuse impressionnante. J'ai eu la joie immense de le recevoir parmi une première série de douze romans publiés au premier trimestre 2024, suite à ma sélection pour le jury de la 16e édition du Prix Orange du Livre, catégorie roman français. le jury est composé cette année de 17 membres : auteurs, libraires et lecteurs. Il est présidé par Jean-Christophe Rufin de l'Académie française.

Guadeloupe, 1976, cette année particulière lorsque la Soufrière, volcan depuis longtemps en sommeil, semble se réveiller… Toute la famille Bévaro quitte la Basse-Terre pour se réfugier chez l'aîné Elias en Grande-Terre. Seule Eucate, dont on apprend les liens avec les Bévaro plus tard, refuse de partir et reste sur les flancs du volcan, attendant avec sa petite-fille Anastasie la décision du destin. Chronique d'une famille, chronique d'une époque, plongée dans l'histoire d'une île « papillon » coupée en deux par une rivière d'eau salée, deux ailes reliées par le Pont de la Gabarre placé opportunément sur la carte succincte en fin de volume.

Mais comment fait Estelle-Sarah Bulle pour nous permettre de circuler aussi librement entre les nombreux membres de cette famille, aux histoires si diverses et compliquées. Je n'ai même pas eu à noter les personnages, une présentation discrète ici, plus loin une indication sans ralentir la lecture… La classe, cette autrice ! J'ai envie de parler d'équilibriste puisqu'elle navigue aussi avec les époques, n'hésitant pas à sauter des dizaines d'années dans un sens ou dans l'autre pour brosser le portrait de trois générations. Elle a cet art du mot exact qui forme immédiatement une image. Style épuré, musicalité de la langue, empruntant au créole de temps en temps comme un métissage sans appuyer le trait, pimentant et inventant peut-être des mots, comme quand elle dit : Marianne s'est adaptée « toutafètement » à la vie à la campagne, ou bien la « peupacité » ou « veupacité » des syriens qui ne peuvent pas ou ne veulent pas échanger des objets achetés contre des biens plus utiles dans les circonstances actuelles.

La force de cette saga est amplifiée par la narration des faits réels de cette année 1976. le roman prend racine et crédibilité dans la géographie des lieux et les évènements, dans les déplacements et rivalités entre Haroun Tazieff et Claude Allègre, jusqu'à cette explosion du volcan qui surprend les scientifiques, blessant Tazieff.

Chaque personnage est décrit précisément en quelques mots bien choisis. Caractères, défauts, qualités, l'autrice ne juge pas et garde toujours un peu d'amour en réserve. Les circonstances font que chacun est ce qu'il est sans invoquer cette nature humaine bouchant l'horizon, trop souvent rencontrée dans des romans. Les difficultés de chacun tracent un chemin dont s'extraient les plus forts, tels des Elias et Eucate. La jalousie, l'égoïsme, le poids de la domination des békés sont présents, la générosité et l'amour aussi. Une sensibilité palpable jaillit des mots pour parler d'Elias et de son fils Daniel qu'il revoit enfin, longtemps après son départ en France, revenu voir son père avec femme et enfants, aussi la belle histoire d'amour entre le petit neveu d'Elias, Rony, et Anastasie, la petite fille d'Eucate. Les circonstances des rencontres entre Eucate et Ange, un des fils d'Elias Bevaro sont un magnifique fil conducteur du récit, Ange qui se réfugie par hasard dans la case de cette dame bien plus âgée, nouant alors une connivence qui ne s'explique pas et qui durera.

Estelle-Sarah Bulle est née à Créteil en 1974, d'un père guadeloupéen et d'une mère ayant grandi à la frontière franco-belge. Après des études à Paris et à Lyon, elle travaille pour des cabinets de Conseil puis pour différentes institutions culturelles. Elle a reçu le prix "Stanislas du premier roman" pour son ouvrage "Là où les chiens aboient par la queue". Cette autrice a tout d'une « grande », elle l'est peut-être déjà. Je lirai son premier roman après ce Prix Orange qui va me prendre beaucoup de temps, parenthèse enchantée me donnant un panorama des thèmes et des auteurs de ce début 2024.

Un roman qui réalise la prouesse de trouver la juste position entre l'intime et le social, sans mièvrerie et sans haine. A travers « une saison volcanique » on effleure l'universel. J'y ai vu une belle parabole de l'accueil à partir d'une petite île coupée en deux avec ce pont reliant les hommes. Autant dire que je compte bien le défendre à la prochaine sélection des vingt livres au mois de mars puis, j'espère, dans les cinq finalistes à choisir au mois de mai, la remise du Prix Orange du Livre ayant lieu le 13 juin. Je vous ferai part de mes coups de coeur au fur et à mesure de cette belle aventure. Avez-vous lu Basses terres ou le premier roman d'Estelle-Sarah Bulle ?
******
Chroniques avec photos sur blog Bibliofeel ou page Facebook Clesbibliofeel, lien direct ci-dessous

Lien : https://clesbibliofeel.blog/..
Commenter  J’apprécie          161
Une saga familiale sympathique à la Guadeloupe en 1976, lors de l'apparition des signes d'activité volcanique inquiétants de la soufrière située sur Basse-terre. L'incertitude plane sur un réveil dévastateur possible de la montagne assoupie. Haroun Tazieff, célèbre volcanologue et Claude Allègre de l'Institut de Physique du Globe ont des avis différents, le premier ne signale aucun risque et l'autre pense qu'il y a risque d'irruption. Dans le doute, le préfet décrète le déplacement des populations à risque, mais « eucate », la femme forte du roman décide de rester accrochée au flanc de sa montagne, fût-elle dangereuse. Une narration agréable, des personnages représentatifs du lieu (outre mer) et de l'époque (rattachement de la Guadeloupe à la France) et une belle écriture fluide contribuent au plaisir de lecture de l'ouvrage.
Commenter  J’apprécie          120
Estelle-Sarah Bulle est d'origine guadeloupéenne et depuis qu'elle se consacre à l'écriture, elle s'est « rapprochée » de la culture créole. C'est peut-être pour cette raison que son dernier roman se situe à la Guadeloupe.
C'est en 1976, au moment où le volcan « La Soufrière » menace la Basse Terre que l'auteur situe son récit. Par l'intermédiaire de plusieurs personnages (dont certains font penser à ses parents, notamment lorsque son père est revenu après une longue absence), on visite plusieurs coins de l'île. Les habitants de Grande Terre accueillent ceux qui fuient Basse-Terre, comme on leur a demandé, à cause d'une possible éruption. Les logements, des cases, ne sont pas grands et le quotidien s'en ressent. Et que dire de ceux qui arrivent de France, qui ne retrouvent rien de leur « vie moderne » et son pour quelques-uns, parachutés dans un univers nouveau qui les ravit et les déroute à la fois ?
Une femme, Eucate, refuse de quitter sa maison, pourtant située dans une zone dangereuse. Elle est « enracinée » dans le lieu, dans les traditions, dans le passé et on comprend aisément son refus. Attachée au folklore, elle a parfois des réactions surprenantes, à la limite de la superstition et de la crédulité. C'est très intéressant de « l'écouter ».
Pour Marianne qui vient ici pour la première fois (son mari avait fui l'île) avec son époux, qui lui retrouve sa famille, c'est un contraste perpétuel. Loin des clichés « carte postale », elle découvre des demeures sans réfrigérateur, sans confort, où tout le monde s'entasse, sans beaucoup d'intimité. C'est un gouffre par rapport à ce qu'elle vit en France. Ce qui semble « normal », facile à un endroit reste un privilège rare à un autre. La pauvreté est encore très présente en Guadeloupe.
Sur l'île, c'est la nature qui décide. Pourtant Haroun Tazieff et Claude Allègre (c'est un fait réel, habilement glissé dans le roman), se disputent sur la dangerosité du site et sur l'obligation ou pas d'évacuer certains villages potentiellement menacés. Pour information, les deux hommes sont restés fâchés, campant sur leurs positions et ça a duré longtemps. Il ne faut pas oublier que la nature décide, c'est elle qui nourrit, qui « bouge », qui « prête » ses terres….
Ici, c'est difficile de connaître une « pleine réussite », comme on en voit en France. Alors quelques-uns partent là-bas dans l'espoir de jours meilleurs, d'un travail plutôt que le chômage. Mais à quel prix ? Que laissent-ils derrière eux ? Il y a eu également ces femmes confrontées à des grossesses difficiles, voire non désirées et dont les enfants se questionnent encore sous l'oeil goguenard de certains voisins.
Cette lecture est une vraie « peinture » d'une époque et d'un lieu, avec toutes les difficultés, les joies, les relations qui se nouent. C'est une excellente représentation de ce microcosme avec tout ce qui s'y joue.
Estelle-Sarah Bulle a une écriture très agréable liant descriptions précises, visuelles et événements marquants ainsi que les ressentis et émotions des uns et des autres. Son style est accrocheur, on s'attache aux protagonistes, on les accompagne un bout de chemin en voulant connaître leur devenir. Leurs portraits sont délicats, emplis d'humanité, de réalisme. Cette histoire sert à aborder de nombreux thèmes : les liens familiaux, les choix pour l'avenir, la résilience, le poids du passé, la vie dans toute sa complexité et sa beauté….

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
Commenter  J’apprécie          80
"Cependant, le souvenir de la peur et le grand déménagement de l'île s'imprimèrent dans l'esprit des habitants comme si l'éruption avait bien eu lieu. de loin en loin, l'un disait : « Tonton est parti l'année 1976, juste avant l'éruption de la Soufrière"

[...]

C'est ainsi que la ville de Basse-Terre, pluricentenaire, qui ne connut aucun dégât matériel, fut profondément blessée par le volcan."

Basse-Terre  juillet 1976, Eucate, ne quittera pas sa case malgré les injonctions préfectorales et l'évacuation décrétée. Case qu'elle a construit de ses mains  au flanc du volcan et qu'elle occupe avec sa petite fille fantasque,  Anastasie

"La case d'Eucate était une aberration, le béton ne l'ayant même pas effleurée."

Sur Grande Terre, Elias attend son fils qui vient lui présenter sa femme et ses enfants après une longue absence en métropole. En son honneur, il construira une maison qui va être bien utile...

C'est un bien joli roman qui met en scène plusieurs générations, les anciens gardiens des traditions, les jeunes, citadins et vacanciers. Personnalités contrastées, saveur du parler créole (mais pas trop) ...

Sur le cas du volcan se pencheront les spécialistes : Tazieff

Tazieff peut prendre la pose devant un trou fumant à deux mille mètres d'altitude, c'est qu'un autre type est là à le filmer. Ce type prend tout autant de risques, mais lui, personne ne le considère comme un héros.

[...]
Tazieff déclare qu'il ne se passera rien. Il parle de la Soufrière avec une désinvolture presque dédaigneuse : pour lui, c'est à peine un volcan, un tumulus plein de petits halètements, une figurante en comparaison du Krakatoa ou de l'Etna. Une montagnette à la mesure des Antilles, ce chapelet de rochers cousus sur un doigt d'océan."

et 

le nouveau venu, Claude Allègre, l'agace avec ses lunettes de professeur, son ton alarmiste et ses cravates bariolées.


Contre l'avis de Tazieff, les autorités joueront la prudence et évacueront la région de Basse-Terre pour éviter à tout prix la tragédie de la Montagne Pelée. 

Il sera finalement peu question de vulcanologie, j'aurais aimé en apprendre plus.

Si le volcan n'a pas explosé, une autre catastrophe est évoquée dans le livre : le cyclone de 1928 resté dans les mémoires des Guadeloupéens. 

Un beau voyage en livre!
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (126) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5276 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..