Superbement conduite et joliment surprenante, la chasse policière à un tueur d'enfants, dans un Lyon populaire de 1898 hanté par une poussée bourgeoise revancharde et antisémite qui ne s'arrêtera pas là.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/08/18/note-de-lecture-
la-republique-des-faibles-gwenael-bulteau/
Lyon, 1898 : tandis que des élections approchent et que les forces de droite extrême, répugnant toujours à accepter la République, déploient leur anti-sémitisme viscéral et leur patriotisme revanchard exacerbé face à tous ces gueux et ces rouges qu'ils détestent, une série d'assassinats d'enfants, particulièrement horribles, semble prendre forme sous les yeux incrédules d'une brigade criminelle en cours d'émergence, péniblement, au sein de la vieille police réactionnaire de la ville. Trois policiers sont sur l'affaire, chacun avec ses particularités, ses petits secrets, ses biais et ses éventuels agendas cachés, jusqu'à la manifestation de la vérité… si elle existe réellement.
Dans une veine de romans policiers historiques « IIIème République », jouant de cette période faussement pépère et véritablement riche en failles et en méandres qui s'étend de 1870 à 1914, période où se sont déjà joliment illustrés par exemple le Hervé le Corre de « L'homme aux lèvres de saphir » ou de « Dans l'ombre du brasier », ou bien le
Patrick Pécherot de «
L'homme à la carabine » ou de «
Une plaie ouverte »,
Gwenaël Bulteau nous offre, avec ce premier roman publié en 2021 à
La Manufacture des Livres, une manière bien personnelle et très réussie de parcourir l'Histoire pour jouer avec les intempéries du temps présent.
Si l'on admirera certainement cette jolie façon de titiller en vrai-faux police procedural les prémisses des Brigades du Tigre qui apparaîtront à Paris quelques années plus tard (et l'on peut vite glisser ainsi de Jules Soubielle à Jules Sébille, qui fut bien commissaire à la sûreté de Lyon avant de prendre la direction en 1907 des toutes nouvelles Brigades régionales de police mobile), et si l'on se régalera d'évocations lyonnaises justes et savoureuses, c'est sans doute par sa façon d'assumer en beauté la centralité du socio-politique (on songera sûrement au
Philippe Huet des « Émeutiers », mais le
Valerio Evangelisti de «
Briseurs de grève » n'est pas si loin non plus) et par sa rare capacité à donner très vite de l'épaisseur humaine et intime à ses enquêteurs – dont les fêlures joliment surprenantes font une bonne part de la richesse du roman -, que l'on sera si séduit de cette découverte.
Lien :
https://charybde2.wordpress...