Daniel Buren ? Buren l'adulé. Buren l'artiste. Buren contesté, haï, vilipendé. Buren le critique, le pamphlétaire. Buren revient souvent dans les débats sur l'art contemporain mais peu de gens connaissent vraiment Buren. Et je parle aussi bien du plasticien que de l'homme. Buren reste un inconnu, camouflé derrière ses bandes de 8.7 cm de largeur. Et cela n'empêche pas d'exposer aux quatre coins du monde, d'être présents aussi bien dans des collections aussi privées que publiques et d'avoir produit des oeuvres que personne n'oublie. Bizarrement. Il n'en reste donc pas moins un des rares artistes français à être devenu incontournables. N'en déplaise à bien des détracteurs de l'art contemporain. A cause ou grâce (c'est au choix) des « Deux plateaux » pour la cour d'honneur du Palais-Royal à Paris, Buren est devenu la bête noire de tous ces débats assez sordides (et plutôt vains) sur la légitimité d'artistes minimalistes et conceptuels, toujours qualifiés de TROP intellectuels.
Buren est donc taxé de décoratif, de mauvaise qualité, avec son motif répétitif, tristement coloré, pauvrement esthétique. Buren, reconnu dans les années 1980, reçoit des commandes officielles (les colonnes déjà évoquées ci-dessus) et est donc taxé d'artiste de gauche. Là, il faudra m'expliquer en quoi les oeuvres de Buren sont politisées … à moins que ce ne soit qu'un prétexte ? Non, ce n'est pas de la fausse naïveté, je me pose réellement la question. Et c'est donc sans aucun préjugé que
Jérôme Sans s'est confronté à l'artiste et à ses installations éphémères dans des endroits aussi différents que le CAPC de Bordeaux ou une rue de Bruxelles. Buren a beaucoup écrit, articles et essais, dont il existe plusieurs anthologies, mais qui les lit véritablement, en leur accordant toute l'attention qu'ils nécessitent ? Voilà donc une suite d'entretiens qui permettent une approche plus aisée, une compréhension plus facile de tous ces thèmes récurrents de son oeuvre (et pierres d'achoppement pour ses détracteurs) : la définition de l'art conceptuel, les institutions culturelles et leur fonctionnement, le système économique du marché de l'art, le rôle d'une oeuvre d'art (et peut-être celui de l'Art, s'il en a un !) Question après question, s'impose au lecteur la complexité et la sensibilité de la création artistique de celui qui se fit connaître au sein du groupe BMPT (Buren, Mosset, Parmentier, Toroni). Buren voudrait tellement pouvoir disparaître derrière son oeuvre, mais, au contraire de
Pierre Soulages, on ne le lui en laisse pas l'opportunité. Alors, à chaque fois, il va au charbon car l'art est très certainement une chose trop importante pour être laissée aux mains des financiers et des imbéciles. Ce livre est donc parfait pour celui qui est assez curieux (et ouvert d'esprit) pour y voir un peu plus clair, car ce qui vaut pour Buren, vaut pour d'autres :
Josef Albers, Aurélie Nemours, Gottfried Honneger, Sol LeWitt …