Voici un auteur que je côtoyais pour la toute première fois, attirée vers son oeuvre par l'entremise du toujours perspicace réalisateur
John Huston, qui avait signé l'adaptation de
Quand La Ville Dort avec, entre autres,
Marilyn Monroe à l'affiche dans un rôle secondaire.
Et bien je n'ai vraiment pas été déçue et c'est avec grand plaisir que j'ai fait la connaissance de la plume de
William R. Burnett. C'est un vrai bon polar de la fin des années 1940 que je catégoriserais volontiers parmi les romans noirs bien qu'il y ait par moments des côtés thriller très palpitants, notamment au moment de l'exécution du casse de la grande bijouterie Pelletier.
L'auteur ne mentionne pas le nom de la ville où se situe sa narration bien qu'il soit tentant d'y reconnaître Saint-Louis dans l'état du Missouri car il nous parle de " la grande ville du Midwest ", " au confluant du Mississipi ", " à 6 ou 7 heures aller-retour de Cleveland ", non trop éloignée de Chicago. Si en plus on se souvient d'une part que lors de la grande dépression des années 1930, Saint-Louis fut la ville qui connut le plus grand bidonville (Hooverville) des États-Unis et d'autre part que l'auteur est originaire de Springfield (avant même l'avènement des Simpson), qui se situe à une portée de fusil de Saint-Louis (une portée de fusil américain, bien sûr, soit quelques centaines de kilomètres), cette ville parait bien répondre au portrait-robot attendu.
Mais si Burnett cite le nom d'autres villes et pas de celle où se situe l'action, c'est tout simplement parce qu'elle est, selon toute vraisemblance, une combinaison, un assemblage composite destiné à faire sentir au lecteur l'ambiance de certains quartiers de ces villes du centre des États-Unis à cette époque-là, notamment le monde de la nuit et des petits malfrats.
Roman noir en ce sens que c'est la température générale, l'atmosphère, la psychologie des personnages qui est le moteur du livre, pas l'enquête en elle-même ni son dénouement.
Ce qui est intéressant, c'est la manière dont se combine le casse, les motivations diverses de chacun des personnages-clés ainsi que des satellites qui gravitent autour.
Très intelligemment,
William R. Burnett nous positionne ses protagonistes côté face, dans leurs occupations légales, dans leurs vies familiales, dans la manière dont ils appréhendent la vie, puis côté pile, lorsque tout devient obscur, que la bride est lâchée et qu'ils peuvent se livrer à leurs activités pas très clean ni très avouables.
L'auteur semble sans parti pris (même si, bien sûr, cette affirmation est sotte, en soi), nous rend attachants ou détestables tant des malfrats que des policiers ou des avocats, dresse des portraits de personnages non monolithiques et pose le doigt sur certaines de leurs faiblesses, qui les poussent à agir parfois contre nature.
Au final, c'est surtout le fatalité des quartiers, les faibles espoirs d'amélioration que ses habitants éprouvent et leurs rêves un peu futiles qui leur font de temps en temps passer les bornes et perdre les pédales que Burnett nous dépeint.
La traduction qui date de 1951 est agréable à lire mais a un peu vieilli par endroits, notamment parce que certains termes n'étaient pas encore utilisés en France à l'époque et qu'ils sont devenus maintenant si communs qu'on ne comprend pas qu'ils ne soient pas choisis (je pense notamment aux mots parking, planche à voile, Halloween, etc.). Qualité de l'oeuvre et vieillissement de la version française, deux bonnes raisons qui justifieraient amplement une nouvelle traduction ou bien une révision de celle existante qui, par ailleurs permet bien de saisir le talent d'écriture de
William R. Burnett, auteur notamment du scénario du mythique film Scarface.
Pour toutes les raisons énoncées, j'attribue largement 4 étoiles en hésitant même à passer à 5 et vous encourage vivement à découvrir cet auteur si ce n'est déjà fait, mais, comme toujours, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.