En 1928, à San Francisco, en pleine Prohibition, Samuel
Dashiell Hammett a lâché son job de détective chez Pinkerton pour tenter de vivre de sa plume. Il est en train d'écrire "
La moisson rouge" quand Vic
Atkinson, un ancien collègue et ami, engagé par un comité de notables de la ville pour mettre fin à la corruption au sein de la police, vient le solliciter pour reprendre du service à ses côtés.
Hammett refuse tout net, préférant passer ses nuits devant sa machine à écrire et avec une bouteille de whisky à portée de la main ou à regarder des matches de boxe sur lesquels il parie en compagnie de sa charmante et jeune voisine Goodie. Relancé par le détective qui l'appelle à l'aide, l'écrivain aura même ces mots terribles : "J'espère qu'ils fracasseront ton sacré crâne". Depuis il remâche ses remords car
Atkinson a été retrouvé mort, tabassé à coups de batte de baseball, dans un coin sombre de la gare de Southern Pacific. En compagnie des membres de l'équipe de Vic
Atkinson et avec l'aide d'un gang chinois qui ne recule devant aucune violence, il va se lancer dans une enquête pour venger son ami, enquête qui le conduira de speakeasie où l'alcool de contrebande coule à flot en bordel de luxe, de ferme délabrée en maison victorienne et de garage louche en tripot enfumé de troisième ordre pour faire le ménage au sommet de la pyramide du vice, de la corruption et de la dépravation.
Joe Gores. J'avoue que je ne connaissais pas cet auteur de roman noir, fan de
Dashiell Hammett, qui aime nommer ses personnages d'après le nom de ses potes auteurs de polar comme par exemple
Pronzini en l'occurrence. Et pourtant il a été par trois fois lauréat du Prix
Edgar-Allan-Poe dans les années 70. Un honneur que seul deux autres écrivains peuvent revendiquer :
Donald Westlake et
William L. DeAndrea. Je ne connais pas non plus ce dernier mais c'est normal car ses oeuvres ne sont pas publiées en France. Donc Gores, romancier et novelliste, est quelqu'un qui compte et cela à juste titre. Comme son illustre prédécesseur, grand maître et fondateur du roman noir, Gores a été détective et il sait de quoi il parle. Avec "
Hammett" il nous plonge dans l'histoire de l'auteur grand et maigre du "Faucon Maltais" qui a révolutionné le roman policier et dont on connait le penchant pour l'alcool mais aussi dans une intrigue qui reprend tous les codes de la Hard Boiled School : des personnages violents et sans morale dans une société corrompue où le vice et la mafia tiennent le haut du pavé, une femme fatale ivre de haine et une ingénue douce et tranquille, une action qui se déroule de préférence de nuit et dans laquelle la brume de "The City By the Bay" contribue grandement à l'ambiance sombre et poisseuse du récit. Une belle réussite donc même si je regrette que la version que j'ai lue, publiée dans la collection "Carré Noir" n° 449 soit amputée de plusieurs chapitres, ce qui nuit sans doute à la continuité de la compréhension de l'intrigue mais je me réjouis que
Wim Wenders se soit saisi du roman de Joe Gores pour en tirer un film noir que je verrai avec plaisir dès que l'occasion se présentera.