Les filles au lion

Une histoire très bien construite qui bonifie au fur et à mesure de son avancement. Comme pour Miniaturiste il s'agit avant tout d'un contexte de relations dans lequel on reconnait bien la patte de l'auteure, sans qu'il n'y ait de redite.

La pluie tambourinait brutalement maintenant, mais c'était la pluie anglaise, pas la pluie de Trini. Chez moi, des chutes d'eau aériennes tombaient d'un ciel éventré, des semaines et des semaines de pluie tropicales torrentielles, des forêts détrempées, si vertes qu'elles étaient presque noires, les enseignes lumineuses éteintes, les escarpements boueux, des roses de porcelaine si rouges que les pétales semblaient avoir été peints à la main, et nous tous, à l'abri sous des auvents ou cachés dans les maisons jusqu'à ce que l'on puisse marcher sans danger sur le goudron brillant de la route. Nous disions "il pleut" pour excuser un retard, et tout le monde comprenait.

Ma mère affirmait que le mariage s'améliore avec l'expérience, a-t-il dit. Mais elle en était déjà à son deuxième essai.

Ils avaient toujours voulu ce que l'argent ne peut acheter : la légitimité, l'amour. (p. 291)

Certains affirment que ses oeuvres sont politiques, d'autres les qualifient de - tours de force- (en français dans le texte original) destinés à fuir la réalité. C'est ce qui fait leur qualité: perpétuellement interprétées et résistant en permanence à toute analyse. (p. 160)

Olivia avait utilisé des huiles ordinaires, mais elle avait également expérimenté la feuille d'or, qui scintillait dans la lumière quand elle manipulait le tableau. Elle avait toujours considéré la feuille d'or comme un rêve d'alchimiste, un rayon de soleil domestiqué. c'était la couleur des reines, des sages, de la terre chatoyante au coeur de l'été. elle lui rappelait les icônes russes orthodoxes qu'elle avait toujours envie de toucher (...) (p. 201)

A l'école, nous avions étudié les hommes comme lui: les gentlemen blancs, les gentlemen protégés, les gentlemen riches, qui prenaient le stylo pour écrire le monde que nous devions lire. (p. 28)

Mon père trouve des hommes pour travailler sur ses terres, mais il ne choisit que les plus jeunes, les plus forts, pas les plus âgés, qui ont une famille. Alors il y a encore plus de gens qui meurent de faim. Et dans ce pays, il n'existe aucune règle qui détermine le prix de votre travail, et la duquesa vous paie une misère. On a essayé de changer ça lors des dernières élections, mais c'est resté comme avant. Et si vous vous plaignez de la part de la récolte que vous recevez, ou de l'état de votre maison, la duquesa et les siens le sauront. Et vous n'aurez plus de travail.

Elle ouvrit la fenêtre pour laisser entrer la lune, alluma la lampe à pétrole et la lumière électrique à côté de son lit. Elle s'agenouilla devant sa malle tel un pèlerin devant un autel et promena ses doigts sur les tubes de peinture cachés sous le linge. En les sortant, elle sentit s'établir un lien familier, comme si son coeur s'emboîtait à sa place un instant pour respirer.

L'originalité, voilà ce qui fait la différence, disait-il. Le fait que ces artistes, n'étaient pas comme les autres. Tu peux être un brillant artisan, disait-il, mais ça ne rime à rien si tu ne vois pas le monde sous un jour différent.