AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Pivoine57


On a beaucoup parlé de l'erreur éditoriale d'André Gide à l'encontre de Marcel Proust. Ce ne fut pas son seul aveuglement. Il a reconnu avoir littéralement laissé filer l'Olivia de Dorothy Bussy (née Strachey, soeur de Lytton et de James Strachey, et épouse du peintre Simon Bussy). Il s'en excuse longuement dans sa correspondance avec Dorothy Bussy qui fut une amie fidèle et la traductrice de plusieurs de ses livres en anglais.

Le roman, traduit et co-écrit avec Roger Martin du Gard, a été édité chez Stock, après l'édition en anglais à la Hogarth Press.

Magistral petit roman (dans le sens de court...), Olivia s'inscrivait dans la veine de romans classiques français, dont l'issue etait fatale. Exemple, Adolphe, de Benjamin Constant. On pourrait citer aussi La princesse de Clèves.

Dorothy Bussy s'inspire, dans ce roman, de son année passée aux Ruches, un élégant pensionnat à Fontainebleau (le bâtiment existe toujours), où son héroïne, Olivia, âgée d'une quinzaine d'années, s'éprend de la directrice, Mlle Julie, qui est aussi professeur, à l'occasion. L'amour éclot d'ailleurs lors d'une lecture à voix haute de l'Andromaque, de Racine. Olivia entre toute vive dans les affres de la passion racinienne, prise entre des émotions intenses et des émois contradictoires.

Amie de la répétitrice d'italien de l'Institut, "Signorina", elle suit le drame personnel qui oppose les deux directrices, Mlle Julie et Mlle Cara, légèrement névrosée et souvent malade. Jusqu'à l'issue fatale. Peu avant leur séparation programmée, Cara meurt des suites d'un empoisonnement médicamenteux. L'histoire est authentique. Julie est en réalité Marie Souvestre, qui fut en effet directrice des Ruches, eamie de lady Strachey, (la mère de Dorothy Bussy) mais ne mourut pas en exil. Elle ouvrit une nouvelle école en Angleterre, à Allenswood, où enseignèrent plusieurs des soeurs Strachey. Et où la future Eléonore Roosevelt fut élève.

Olivia est un très beau roman, qui connut un succès certain. Il aborde le même thème que Jeunes filles en uniforme, de Christa Winsloe, mais écrit par une Anglaise et se passant en France. Dans ces deux romans, l'amour de l'adolescente pour son professeur est payé de retour, mais, naturellement, connaît une fin tragique. Sauf qu'Olivia ne se suicide pas (ce qui est le cas de Manuela von Meinhardis dans Jeunes filles en uniforme.) Elle relate les événements de son adolescence longtemps après ceux-ci, quand elle semble être une dame âgée. Et de fait, Dorothy Bussy était âgée lorsqu'elle publia son best seller...

Ce thème de la relation amoureuse entre l'élève et le professeur, entre le maître et le disciple, du même sexe, a également inspiré la Confusion des sentiments à Stefan Zweig. On peut imaginer que Dorothy Bussy suivit, avec ce roman, les conseils que Virginia Woolf lui avaient donnés sur une écriture romanesque et autobiographique. le roman lui est d'ailleurs dédié, "à la très chère mémoire de Virginia W." Les Woolf, les Strachey et les Bussy étaient fort proches. Léonard Woolf, les frères Stephen, les jeunes Strachey et bien d'autres, avaient fait leurs études à Cambridge... et furent à l'origine du mouvement des écrivains et des artistes dit de Bloomsbury.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}