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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

C'est grâce à la récente liste sur Babelio des ouvrages sur la Rafle du Vel d'Hiv de mon amie Pecosa que j'ai eu connaissance de l'album avec les dessins de Cabu relatifs à cette tragédie humaine, sorti le 10 juin dernier.

Ce sont la veuve du célèbre dessinateur, Véronique Cabut, et l'historien Laurent Joly qui sont à l'origine de cette publication qui commémore le 80e anniversaire de cette catastrophe historique à Paris, les 16 et 17 juillet 1942.

La Saint Barthélémy des Juifs de Paris constitue un sujet qui m'a horrifié depuis longtemps. Ainsi, le 1er septembre 2021, j'ai rédigé un billet du livre de Jean-Marie Dubois et Malika Marcovich "Les bus de la honte" concernant les 3.600 autobus chargés d'acheminer les Juifs au Vélodrome d'Hiver et de là au camp de Drancy et finalement, par wagons à bestiaux des chemins de fer, vers Auschwitz.

Il est frappant de constater que Jean-Maurice Cabut - son nom de naissance - qui a exprimé par des dessins son abomination de la violence a été victime lui-même de la violence, lors de l'attentat terroriste contre la rédaction de "Charlie Hebdo" le 7 janvier 2015. Cinq jours avant ses 77 ans.

Cet album de 55 pages commence par un avant-propos émouvant de Véronique Cabut et contient 16 dessins grand format de Cabu, qui illustrent tour à tour l'arrestation brutale des hommes, femmes et enfants juifs, leur transfert vers et leur installation au Vel d'Hiv.

La grande valeur de ces dessins réside dans la qualité exceptionnelle de la représentation des sentiments dans l'expression faciale de chaque victime : la résignation, la peur, l'effroi, la perplexité, l'abattement...

Certains dessins sont si poignants qu'ils mettent le lecteur mal à l'aise. Cela est notamment le cas du dessin de Chawa Cynober qui se jette avec ses 2 bambins du 4ème étage de son appartement, rue Lesage dans le XXe arrondissement de Paris (pages 24 et 25) et du dessin de la petite Lisa Fajnzylberg qui, arborant une étoile jaune, se cache avec sa poupée dans les bras au moment où la milice vient arrêter son père Viktor, un invalide de guerre et mort à Auschwitz (pages 22-23 et sur la couverture).

Cabu a fait ces dessins en 1967 à l'occasion de la parution de l'ouvrage de base de Claude Lévy et Paul Tillard "La Grande Rafle du Vel d'Hiv" et sur l'arrestation de 12.844 Juifs, dans une opération cautionnée par le maréchal Pétain.

Il aura fallu 53 ans, avant que le Président Chirac reconnaisse, le 16 juillet 1995, la responsabilité de l'État français dans cette catastrophe.

J'aimerais attirer votre attention sur l'exposition qui a lieu au Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy l'Asnier, Paris 75004 du 1er juillet au 7 novembre 2022 *, et où vous pourrez admirer de près l'oeuvre inoubliable de Cabu.

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* Renseignements au numéro +33 1 42 77 44 72.
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Cabu, jeune dessinateur surdoué, a vingt-neuf ans lorsqu'en ce début d'année 1967 il lit le livre de Claude Lévy et Paul Tillard - La Grande Rafle du Vel d'Hiv -, "un livre qui fait parler de lui et à paraître le 5 mai chez Robert Laffont... Dès le 20 février, L'Express donne le ton : " Pour la première fois depuis la Libération, les responsables du génocide, du plus petit jusqu'au plus grand, seront nommément mis en accusation."
La lecture du livre bouleverse Cabu.
Le Nouveau Candide, magazine de droite un tantinet racoleur a acquis l'exclusivité de la publication-présentation de ce "récit caché aux Français pendant vingt-cinq ans".
Le 24 avril " la première livraison s'ouvre sur un dessin puissant représentant un bus parisien chargé de victimes. Il est de la main d'un jeune dessinateur, Jean Cabu, dit Cabu.
Quinze dessins au total, répartis dans quatre numéros du Candide vont être publiés jusqu'au 15 mai 1967."
C'est cet album des dessins de Cabu paru chez Tallandier et préfacé par Véronique Cabu, son épouse, préfacé et commenté par l'historien Laurent Joly que j'ai le privilège d'avoir entre les mains.
Quelle(s) émotion(s) suscitent ces dessins que l'on peut regarder à l'envi !... car un bref coup d'oeil serait une insulte au talent de Cabu, à ses oeuvres et au thème traité... de même que serait une nonchalance ou une négligence le fait de ne les regarder qu'une seule fois.
Pour chaque "dessin" ( ce sont davantage que des dessins ) il faut se donner le temps, s'imprégner de l'atmosphère, du graphisme, détailler chacun des éléments constitutifs de l'oeuvre : une attitude, un regard ( surtout les regards !), le mouvement, le décor, les vêtements, les objets, le contraste entre le clair et l'obscur etc etc...
Entre le 16 et le 17 juillet 1942, la police française pour "complaire" aux nazis rafla 12 884 Juifs dont 4000 enfants. La plupart de ces malheureux transitèrent entre le Vélodrome d'Hiver, Drancy, Pithiviers, Beaune-la-Rolande, avant d'être envoyés dans des wagons à bestiaux à Auschwitz où la plupart d'entre eux furent exterminés.
C'est cette rafle, cette complicité génocidaire de la police et de l'État français incarné par Pétain, Laval, Bousquet, Amédée Bussière, Hennequin, , Jean François, Jean Leguay, Louis Darquier de Pellepoix et autres que Cabu restitue à travers ces dessins coups de poings, coups au coeur, coups à lâme et à la conscience.

-Le premier dessin qui introduit l'album a pour titre - Les équipes d'arrestation -
Il a pour décor une rue entourée d'immeubles, un camion en arrière-plan, et sur le devant de la scène, on voit s'avancer de dos cinq sinistres silhouettes dont les ombres funestes se profilent sur le bitume et vont au-devant d'un Juif portant étoile... Juif qui va être raflé par l'équipe d'arrestation. le dessin fourmille de détails ( une femme au deuxième étage d'un magasin de tissus qui observe la scène, dissimulée derrière le rideau de sa fenêtre...) que vous découvrirez au fur et à mesure que vous prendrez possession de ce dessin... comme des autres...

Le second s'intitule - Aux portes des victimes -.
D'une très grande force, il montre un toit et un vasistas.
Sur le toit s'enfuient un père tirant par le bras sa fille, la mère portant un enfant. À travers le vasistas, toute proche, une équipe d'arrestation constituée de trois hommes, dont un garde mobile avec un fusil, et un homme en uniforme, botté qui tambourine à la porte des fuyards.
Les personnages, le contraste entre les lumières et les zones assombries sont saisissants.

Le troisième, - Les raflés sous escorte policière -
est un angle de rues en vue plongeante. Un groupe de Juifs raflés se rejoignent devant la façade d'une boulangerie. Ils emportent avec eux leurs quelques biens les plus précieux", encadrés par des gardiens de la paix en uniformes et des policiers en civil. Une des forces de ce dessin est le soin méticuleux qu'a pris Cabu à donner à chaque visage une expressivité. Tous portent une étoile à l'exception de la petite fille au premier plan qui tient d'une main celle de sa maman, de l'autre qui porte un sac ou une peluche... quoi qu'il en soit, il est difficile de trop s'attarder sur ce dessin... les yeux se mouillent vite...

Le quatrième - La petite fille - sert de couverture à l'album... il est facile de comprendre pourquoi. Lorsque vous lirez l'histoire qui a donné naissance à ce dessin à la puissance esthétique et émotionnelle exceptionnelle, votre émotion en sera a minima décuplée. Un dessin coup au coeur !!!

Le cinquième - La rumeur de la mère suicidée avec ses enfants -
C'est un dessin qui trouve son origine dans ce qui a été rapporté dans un premier temps sur les suicides par défenestration des Juifs que l'on venait rafler, puis corrigé par les historiens. Il n'en reste pas moins qu'il y a bien eu une madame Chawa Cynober, mère de quatre enfants, qui a tenté de se donner la mort en ouvrant le gaz de sa cuisinière. Son geste a sauvé ses enfants. Cette mère, après avoir été ranimée a été inculpée par un juge pour tentative d'homicide sur ses enfants. Envoyée à Drancy, elle a été déportée à Auschwitz le 14 septembre 1942 pour y être assassinée. le dessin de Cabu rapporte bien le désespoir de ces mères.

Le sixième - Les centres de rassemblement -
montre un groupe de Juifs raflés, résignés,, entassés sur un banc. En arrière- plan, le visage à demi dissimulé du fonctionnaire de police chargé de la partie administrative liée à ces raflés. Au dessus-de lui, un portrait du maréchal Pétain veille...
Sur le côté gauche la silhouette massive d'un gardien de la paix, mains dans le dos et énorme matraque à son flanc droit.
Ces centres servaient de lieux d'identification et d'enregistrement avant de diriger les Juifs vers le Vel d'Hiv ou Drancy.
Il y avait au moins un centre par arrondissement.
Un dessin très expressif et explicite.

Le septième est - L'autobus -, un des plus connus et pour cause !
On y voit, à l'intérieur d'un autobus de la STCRP ( ancêtre de la RATP... se rapporter au livre de Jean-Marie Dubois et Malka Marcovich - les bus de la honte - que j'ai chroniqué ici-même ) des juis raflés, entassés dans le véhicule. Sur la plateforme arrière un homme armé et en uniforme, sur le garde-boue de la roue avant-droite un gardien de la paix en uniforme, le pied gauche en appui sur ou contre la portière dudit bus.
"Chaque visage semble exprimer un sentiment propre, de résignation, d'effroi, d'abattement, de perplexité..." Un dessin magistral !

Le huitième - L'enfer du Vel d'Hiv -
Un dessin à couper le souffle. Un dessin sur lequel vous pourrez passer des heures tant Cabu s'est attaché à faire vivre une foule de détails qu'on en finit pas de découvrir.
C'est l'intérieur du Vel d'Hiv où ont été parqués les malheureuses victimes, dans des conditions inhumaines. Les internés n'avaient pas accès au terre-plein central réservé à la Croix-Rouge et aux brancards... il n'empêche que Cabu s'était rendu au Vélodrome d'Hiver lorsqu'il avait quinze ans... Sa mémoire visuelle était excellente et la restitution qu'en fait son coeur est bouleversante.

Le neuvième - Sur la piste -
Un gendarme, de dos, parade seul sur la piste tandis que les internés sont entassés autour dans les gradins.
Souci du détail, comme pour chaque dessin. Détails qu'il faut recenser pour s'en imprégner. La silhouette du flic suscite un sentiment de colère... rétrospectivement impuissante...

Le dixième - L'enfant qui court -
Une scène qui restitue à travers la course-poursuite sur la piste d'un gendarme chargé d'empêcher les enfants d'aller jouer sur le terre-plein central.
Minutie des nombreux détails dans les gradins.
Un dessin qui raconte "le contraste que font les jeux d'enfants sur la piste avec l'angoisse des parents."Percutant !

Le onzième - L'épicerie en face du Vel d'Hiv - est un des dessins parmi les plus forts et les plus touchants.
Il a pour origine l'histoire vraie de Lazare Pytkowicz, 14 ans.
Au Vel d'Hiv, ce jeune Juif raflé avec ses parents et sa soeur, convainc ces derniers de le laisser tenter sa chance : il est persuadé de pouvoir s'évader.
Il descend les gradins, découd son étoile et attend le bon moment.
En face du vélodrome se trouve une épicerie. Plusieurs mères qui n'ont rien depuis le matin pour nourrir leurs enfants, s'en rendent compte, se massent devant l'entrée et protestent bruyamment. Les gardes chargés de la surveillance du Vel d'Hiv refusent de les laisser sortir, menacent de sévir. Mais ils sont fébriles, peut-être taraudés par la mauvaise conscience, et finissent par céder sous la pression. Les femmes se précipitent dans le magasin pour acheter du lait ou de l'eau en bouteille. Débordés, les gendarmes laissent faire. Cabu parvient à transcrire le désarroi agacé de ces agents qui, on le voit, n'ont pas eu le coeur de pointer leurs armes sur les malheureuses. Lazare de son côté a pu s'échapper..."

Le douzième - Marjem Lichtsztejn et sa fille Sarah -
a pour décor le métro aérien, derrière un pilier duquel la mère de Sarah, qui a pu s'échapper du Vel d'Hiv avec sa fille, se retrouve dehors, à l'air libre, soulagée et apeurée.
Moment que retranscrit avec force Cabu.

Le treizième - Deux clandestines à Paris -
est la suite du précédent. Sarah et sa mère sont à l'intérieur d'un wagon de première classe du métro. Elles ont enlevé leurs étoiles. Elles sont entourées d'un voyageur assis et de deux Allemands, un soldat et un officier en uniformes. Dehors, on aperçoit la rafle qui se poursuit. Intensité...

Le quatorzième - L'évacuation du Vel d'Hiv : de la gare d'Austerlitz vers les camps du Loiret ( 19-22 juillet 1942 ). Un des "meilleurs" dessins parmi les chefs-d'oeuvre de Cabu.
À la gare d'Austerlitz, les juifs victimes de la rafle sont entassés dans des wagons à bestiaux. Sur les quais une foule dense, des gardiens de la paix, sur les passerelles des sentinelles allemandes armées jusqu'aux dents. de l'autre côté du quai un agent de la SNCF, "isolé et impassible" consulte sa montre, davantage préoccupé à veiller à la ponctualité des trains qu'au drame qui se déroule sous ses yeux qui ne veulent pas voir.
Un dessin à "décortiquer"... Tous les détails sont remarquables de vie et d'authenticité.

Le quinzième - le convoi parti de Drancy, le 19 juillet 1942 -. Un moment et un dessin bouleversants.
Les "déportables" quittent Drancy.
À ce "troupeau" qu'on envoie à la mort, des internées lancent par les fenêtres leurs rations de pains.
L'expressivité des regards, des gestes des malheureux est glaçante.
Celle des flics français... affligeante !

Le seizième ( il y en avait quinze à l'origine, un seizième a été rajouté...) - le convoi des femmes : Pithiviers, le 3 août 1942 -
Dans un wagon à bestiaux, des femmes sont entassées. de dos un garde mobile français dont on ne voit que le col, la nuque et le casque. de côté un soldat allemand en train de refermer la porte du wagon sur l'Enfer.
Chaque femme dit tout de l'horreur qu'elle est en train de vivre...

L'album se clot sur une planche de Cabu pour Charlie Hebdo le 26 avril 1971,
On y voit sur trois dessins la silhouette sinistre de Philippe Clay chantant – Mes universités – sur trois des dessins de l'album,
- Mes universités -, pour ceux qui n'étaient pas nés, est une chanson réac que je connais par coeur,,, mon père avait acheté le disque et nous le passait en boucle...
- "Mes universités,
C'était pas Jussieu, c'était pas Censier, c'était pas Nanterre
Mes universités
C'était le pavé, le pavé d'Paris, le Paris d'la guerre
On parlait peu d'marxisme
Encore moins d'maoïsme
Le seul système, c'était le système D
D comme débrouille-toi
D comme démerde-toi
Pour trouver d'quoi
Bouffer et t'réchauffer
Mes universités
C'était pas la peine d'être bachelier
Pour pouvoir y entrer
Mes universités
T'avais pas d'diplômes
Mais t'étais un homme
Quand tu en sortais
Nous quand on contestait
C'était contre les casqués
Qui défilaient sur nos Champs-Elysées
Quand on écoutait Londres
Dans nos planques sur les ondes
C'était pas les Beatles qui nous parlaient
Mes universités
C'était pas Jussieu, c'était pas Censier, c'était pas Nanterre
Mes universités
C'était le pavé, le pavé d'Paris, le Paris d'la guerre
Pourtant on tenait l'coup
Bien des fois entre nous
On rigolait comme avant ou après
Mais quand ça tournait mal
Fallait garder l'moral
Car y avait pas de came pour oublier
Mes universités
C'était mes vingt ans pas toujours marrants
Mais c'était l'bon temps
Mes universités
Si j'en ai bavé je m'f'rais pas prier
Pour y retourner
Bien sûr l'monde a changé
Tout ça c'est du passé
Mais ce passé faut pas vous étonner
Il est tellement présent
Qu'on n'comprend plus maint'nant
C'qui n'tourne pas rond dans vos universités"

Il y avait encore un long chemin à parcourir - cette chanson le montre - avant que le 16 juillet 1995, sur les lieux de l'ancien vélodrome, Jacques chirac reconnaisse la tache dont nous portons la responsabilité :
- "Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'État français. La France, patrie des Lumières et des Droits de l'homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à ses bourreaux."

Étrange destin de celui de Cabu mort d'avoir vécu pour défendre cet idéal des Lumières, des Droits de l'homme dont la liberté est un pilier existentiel fondamental.
Pour garder la mémoire de tous ces Juifs trahis et livrés à leurs bourreaux. Pour garder la mémoire de Cabu, artiste génial, homme libre, être d'exception, il faut avoir ce magnifique album dans sa bibliothèque.








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UNE OeUVRE COUP DE POING : LES DESSINS DE LA RAFLE DU VEL D'HIV PAR CABU EN 1967.

Cette année c'était le triste anniversaire de l'été 42 qui pour la France - donc non seulement à Paris mais aussi dans de nombreuses régions- avait marqué le début des grandes déportations. le Mémorial de la Shoah voulait donner à la commémoration toute l'ampleur qu'elle nécessitait. Un petit miracle s'est alors produit : Laurent Joly, spécialiste de cette période, et Véronique Cabut sont venus proposer au musée d'organiser une exposition avec les dessins que Cabu avait effectués en 1967 pour illustrer la parution des bonnes feuilles du premier ouvrage à être consacré aux journées du 16 et 17 juillet 1942 : « La Grande Rafle du Vel d'Hiv' » de Claude Lévy et Paul Tillard, dans l'hebdomadaire : « le Nouveau Candide ». Ce sont ces 17 dessins, jamais exposés depuis leur parution et « contextualisés » par Laurent Joly, que l'on peut découvrir au Mémorial de la Shoah de Paris (depuis le 1er juillet jusqu'au 7 novembre) et dans un livre paru aux éditions Tallandier.

CABU DESSINATEUR DE PRESSE

Quand l'hebdomadaire d'obédience gaulliste fait appel à lui en 1967, Cabu a déjà une carrière établie en tant que bédéaste et dessinateur de presse. Il a publié ses premiers dessins dans « Hara-Kiri » depuis le n°3 jusqu'en 1960 et lorsque ce dernier est interdit par la censure en 1961 pour cause d' «outrage aux bonnes moeurs », Cabu développe un côté moins satirique en rejoignant l'équipe de « Pilote » et en créant le personnage du Grand Duduche. Il poursuivra sa collaboration au journal satirique à chaque fois qu'il renaîtra de ses cendres et couvrira également pour « Le Figaro » le procès Ben Barka en 1966. Dès ses débuts on voit donc qu'il manie aussi bien la satire que l'émotion et la tendresse.

LE LIVRE CHOC A L'ORIGINE DU PROJET

Le livre de Lévy et Tillard retrace, 25 ans après les faits, grâce à des documents et surtout des témoignages, le déroulement de la rafle des Juifs de Paris et de banlieue : plus de 13 000 personnes, adultes et enfants, sont arrêtées les 16 et 17 juillet 1942. C'est un choc pour beaucoup puisque comme l'indique Laurent Joly « Jusque-là, la vision de la rafle du Vel d'Hiv est extrêmement parcellaire, quand elle n'est pas erronée » : nombre de Français pensent alors qu'elle était le fait de la Gestapo et des autorités allemandes. Mais les deux auteurs anciens résistants déportés démontrent dans leur ouvrage qu'il n'en est rien : le gouvernement de Vichy et la police française ont tout orchestré dans cette funeste entreprise d'épuration, qui mena la plupart des déportés à la mort. Préfacé par Joseph Kessel, il imprime l'expression « Rafle du Vel d'Hiv' » dans la mémoire collective et impressionna l'opinion par ses récits émouvants portés par la plume de Tillard romancier talentueux primé à de nombreuses reprises.

Cabu lit donc « La Grande rafle du Vel d'Hiv » et en sera durablement ébranlé. Il découvre l'horreur de l'événement avec, sous-jacents, le tri des « fichiers juifs » de recensement, la mobilisation de 4 500 policiers, le parcage des familles, la séparation des enfants… dans ce lieu qui avait été pour lui synonyme de jours heureux. Il choisit anecdotes et scènes marquantes pour réveiller son lecteur et également faire oeuvre de pédagogie. Grâce à sa mémoire photographique, il reconstitue de façon ébouriffante un lieu détruit dix ans auparavant où ce natif de Chalon en champagne ne s'est rendu que deux fois seulement durant son enfance et son adolescence.

DU GRAND ART

Grâce à la virtuosité de Cabu que nous sommes émus et emportés. En effet, nous retrouvons les différentes facettes de son talent : le trait oscillant entre tendresse et empathie pour les victimes (il privilégie d'ailleurs la représentation des enfants) et satire des forces de l'ordre puisqu'il fait le choix militant de ne présenter que des policiers français mais aussi de la France silencieuse : toutes les scènes se déroulent sans témoins extérieurs comme si les gens se désintéressaient par avance du sort réservé aux prisonniers…

Il faut d'ailleurs signaler que les reproductions des oeuvres dans le catalogue d'exposition bénéficient d'une très belle qualité d'impression. D'un format BD, Il reprend les explications historiques fournies par Laurent Joly, les photos des personnes dont nous est racontée l'histoire en regard des illustrations courant sur une page voire une page et demie. Il bénéficie également d'un façonnage soigné : vernis sélectif sur la couverture, papier à l'épais grammage, c'est vraiment un bel objet qu'ont réalisé les éditions Taillandier pour un prix somme toute modique (18€).

Cette grande qualité d'impression nous permet d'admirer pleinement le sens de la composition et du détail de ce grand caricaturiste qui est surtout un immense dessinateur.
Cadrages variés, plongée pour montrer la fatalité écrasante ou au contraire contre-plongée pour souligner la force brutale. Individualisation de tous les personnages même ceux du troisième plan comme son maître Dubout, expressivité des traits et des regards et magnifiques jeux sur la symbolique de l'ombre et de la lumière d'une du Rembrandt qu'il admirait tant tout en flirtant parfois avec l'Expressionisme.

Hormis « le départ des autobus », il n'y a pas de photos de la Rafle du Vel d'Hiv. Mais le stylo isographe habité de Cabu comble ce vide. Habilement mis en valeur, ses dessins font office de « coup de poing dans la gueule » et nous rappellent une histoire pas si lointaine en nous questionnant sur la notion de « désobéissance civile ».
Parallèlement aux débuts de l'exposition au mémorial était inauguré un nouveau lieu de mémoire : l'ancienne gare de Pithiviers d'où partirent six convois vers les camps de la mort transformée en musée. Pour que les jeunes générations n'oublient pas ou découvrent cet épisode noir de l'Histoire de France, je recommande l'achat de ce superbe catalogue d'exposition à tous les CDI de collèges et lycées de France et de Navarre et je rêve de voir cette exposition tourner dans les écoles…
Chronique augmentée et compte-rendu de l'exposition sur le blog :
www.bulles2dupondt.fr

Lien : https://bulles2dupondt.fr/20..
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En 1967, Cabu illustre quatre articles du magazine Nouveau Candide, hebdomadaire de droite cherchant à faire du « buzz », comme on dirait maintenant, lors de la publication des travaux de Claude Lévy et Paul Tillard sur La Grande Rafle du Vel D'Hiv. Jean Cabut, âgé de 29 ans, dit Cabu, a créé quinze dessins et un inédit, reproduit ici.

Comme de nombreux français, Cabu découvre, grâce aux travaux de Lévy et Tillard, le récit de cette opération orchestrée par la police française qui a arrêté 12 884 juifs, hommes, enfants et enfants en moins de deux jours, les 16 et 17 juillet 1942.

Au préalable de ce document, le résumé de cette opération est précisé avec l'évacuation de vélodrome d'Hiver vers les camps d'internement de Pithiviers et de Beaune-la-Rollande. Puis, vient la déportation vers le camp d'Auschwitz, d'abord des adultes puis les premiers convois d'enfants qui partiront de Drancy. Dès le 16 août 1942, un premier convoi s'ébranle avec à son bord 583 enfants dont 526 nés en France, mêles avec 417 adultes qu'ils ne connaissaient pas.

Depuis 1964, Cabu collabore au Nouveau Candide. Et lorsque les dessins paraissent, il jouit d'une certaine réputation. Néanmoins, ils vont contribuer à faire connaître au grand public ce fait historique si longtemps ignoré.

Chaque dessin est présenté sur une page entière. Sur l'autre, les explications historiques de Laurent Joly, chercheur au CNRS spécialiste de l'antisémiste durant le régime de Vichy, viennent renforcer le dessin proposé et éclaire les intentions du dessinateur.

Le Mémorial de la Shoah à Paris propose ces dessins, rares de précisions et d'empathie durant ce troisième trimestre de l'année 2022. Ce document en est le catalogue.

La rafle du Vel d'Hiv, vu par le dessinateur Cabu, révèle, au delà des mots écrits de Lévy et Tillard, l'horreur de cette exaction commise par l'administration de Vichy durant la seconde guerre mondiale, afin de satisfaire les objectifs nazis du régime allemand de l'époque.

Un document rare et essentiel.
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Les mots manquent pour décrire cet ouvrage. Un s'impose : indispensable. Tableaux psychologiques, dessins photographiques, Cabu met en 1967 un talent brut et une émotion rare à... illustrer - le mot est faible et un peu déplacé - à restituer, cette page si sombre de notre histoire. Laurent Joly présente chacun des dessins et chacun des destins saisis et emportés dans cette tragédie. On plonge avec eux, saisis par le vertige du totalitarisme, de la haine, de leurs bourreaux et de leurs alliés. le noir et blanc nous prend aux tripes. Et la censure aussi quand on revit l'histoire d'une pénible prise de conscience et lente repentance. Sans parler du destin de Cabu... Indispensable.
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En cette commémoration de la Rafle du Vel d'Hiv', je vous conseille cet ouvrage publié chez Tallandier, ouvrage qui reprend les dessins de Cabu, réalisés en 1967. Les illustrations ont été créées à l'origine pour un magazine (le nouveau Candide) à l'occasion de la sortie du livre de Claude Lévy et Paul Tillard « La Grande Rafle du Vel d'Hiv ». Elles sont remises à l'honneur et exposées actuellement au Mémorial de la Shoah à Paris. Laurent Joly, grand historien et auteur de plusieurs ouvrages sur la France de Vichy, les explique et les remet dans leur contexte. le trait de Cabu est précis et poignant, c'est à lire.

"Cabu est mort le 7 janvier 2015 sous les balles de l'islamisme, dans les locaux de Charlie Hebdo à Paris. Il a dessiné le pire du XXe siècle et a été lui-même la victime du pire du XXIe siècle. Ce destin confère à ses dessins une charge émotionnelle particulière, et pour tout dire vertigineuse." (Laurent Joly)
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1967. Cabu, Jean Cabut, a 29 ans. Depuis déjà 10 ans, il est connu dans le milieu du dessin caricatural et des journaux illustrés, dont Hara-Kiri. le journal le nouveau candide lui propose d'illustrer quelques feuilles extraites du livre de 2 auteurs (anciens résistants et déportés) Claude Lévy et Paul Tillard : La grande rafle du Vel d'hiv. Cabu est bouleversé à la découverte du livre. Il dira « livre terrible qui me donnera des cauchemars en l'illustrant… ». Son épouse et veuve, Véronique qui a écrit l'avant propos du livre témoigne : « Cabu en restera marqué toute sa vie, comme par son service militaire obligatoire de vingt sept mois pendant la guerre d'Algérie ».
Alors, dans les 15 dessins commandés, avec toute la maitrise de son art et sa poignante sensibilité, Cabu a redonné vie de façon bouleversante à cet épisode tragique et monstrueux de notre histoire. L'étoile jaune des victimes, leur visage épouvanté ou soumis face à l'attitude méprisante et autoritaire de la police française en arme qui les domine. Dans l'enfer du Vel d'hiv, les scènes reproduisent l'horreur dans l'inquiétude de l'attente, les pleurs des enfants, la douleur des malades, et les questions lancinantes : pourquoi et où ?
Les travaux de Serge et Beate Klarsfeld, les témoignages des rescapés plus nombreux depuis les années 80, auront enfin libéré la parole du politique en 1995 lors du discours de Jacques Chirac sur les lieux de l'ancien vélodrome, reconnaissant la folie criminelle de l'occupant, secondée par l'état français, accomplissant l'irréparable. La participation de la police française étant jusqu'alors omerta absolue !
Laurent Joly, 46 ans, directeur de recherche au CNRS et spécialisé dans l'étude de l'antisémitisme durant le régime de Vichy a commenté chaque dessin de Cabu.
Un très bel ouvrage de mémoire adressé à chaque victime, par la victime elle-même d'un autre terrorisme. A méditer…
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“Le danger n'est plus qu'on ne parle pas de la Shoah, mais qu'on en parle à mauvais escient. ” #simoneveil

#cabu journaliste et dessinateur de talent à pour un journal dessiné les croquis représentants les différentes étapes de la rafle du Vel d'Hiv.

Pas besoin de mots, les traits de crayons, les illustrations témoignent de l'ampleur terrible qu'à été cette opération de l'horreur !

Travaux impressionnants ayant marqué la vie de Cabu d'après le témoignage de sa femme #veroniquecabut, nous pouvons facilement comprendre que mettre des images sur l'horreur puisse laisser une trace indélébile !

#16&17juillet1942 - N'oublions jamais ♥
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