TU DISAIS
pourquoi je n'aime pas les dimanches ?
parce que l'orchestre est bleu
que mes rêves urgents se traînent
posés vides sur des trottoirs vides
que la modération est consommée avec abus
que les revendeurs de mains perdues transpirent
avec les marchands de barbe à papa
que les colleurs d'affiches sans papier
remontent à la surface
parce que la pluie gagne par forfait
et que mon derviche se cache
peut-être dans un tronc malade
peut-être sous les feuilles mortes
qui tournent et retournent solidaires
et que le temps se perd
comme une clé à l'égout
que le blanc du dimanche
donne un gris d'arbre mort
sans un mot sans un parfum
avec pour dernier hommage un pipi de chien
p.67
« Le néant peut-il augmenter ? »
II. MURAKAMI
C'EST UN GRAND TROU NOIR
où tous les gants et poissons perdus
où tous les mots mis à la porte des livres
se retrouvent
c'est un gourbi un fatras
une décharge publique
un nid d'encres une réserve alimentaire
le tricot se mêle au papier
les arêtes et les poils se mélangent
les écailles détournent les phrases
inversent le cours du temps
enrayent les bourses
et le cours du dollar s'effondre
un dégradé de mots envahit les plateformes financières
un bouchon de gants provoque inondation
dans la capitale des mains perdues
les nerfs s'affichent les organes se perdent
p.21
J'AURAIS PU TOMBER AMOUREUSE D'UNE CHAISE
mais tu t'es assis
sous l'horloge en fémur
tu as pris mes yeux pour des portes
mes fantômes ont fondu avec la pluie
restaient quelques pierres lentes
qui dansaient et tournaient
tu n'avais pas l'éternité à tous les étages
J'aurais pu tomber amoureuse d'une chaise
mais tu t'es assis
sous l'horloge en fémur
j'ai classé les pluies par couleur
tranche d'âge et température
j'ai laissé tes yeux et tout espoir avec les valises
au comptoir de la compagnie
je suis rentrée dans le ventre du diable
en suivant la lune verte des grandes occasions
tu m'as demandé le chemin sans couleur
le chemin pour la contagion
alors par un trou de serrure antique
je t'ai montré la vraie vie d'après
de l'autre côté des gravats et des tessons du fleuve
chargé d'âmes et de jus d'ange de tous les pays
unis pour faire tomber les mots et les têtes
à pile ou face
J'aurais pu tomber amoureuse d'une chaise
mais tu t'es assis
58-59
Je pense ailleurs
maraudeur du dimanche
tu traînes peut-être dans le dernier bar ouvert du rêve
tu fais ma fermeture
et perces ton encrier
il pleut des mots
à travers ma vitre
je vois ton poisson
je cachète
plus rien ne bouge
la rose bleu extase
ira au premier maraudeur
l'archet entre les dents
nous jouons sur la même feuille
de cahier antique
mais pas dans la même clé
p.74
C'EST VRAI
…
j'ai troqué mon alliance
contre ta bague à poison
et je tourne et je bois les étoiles au verre
avant quelques nuages au passage
c'est vrai
je me nourris de musique grasse comme une oie
et je joue toutes les nuits
à deviner le nombre de pierres du ruisseau
c'est vrai
un géant unijambiste et célèbre me conduit
à la frontière du vide
je m'étrangle de vie
c'est vrai…
p.45