Montalbano est égal à lui-même dans cet excellent opus de la série. Fatigué, vieillissant avec quelques douleurs qui apparaissent, il savoure un sommeil quelque peu agité par un rêve, dans sa belle maison donnant sur la plage de Marinella. Dehors, un orage sévit accompagné de forte pluie. Montalbano se réfugie dans le confort de son lit où il dort, nu. Surgit Catarella, et ses pitreries, qui annonce la découverte d'un cadavre.
Livia, la fiancée du commissaire - il n'est pas tout à fait célibataire -, se manifeste par téléphone, comme la plupart du temps. Elle vit dans le nord de l'Italie et n'apparait que rarement. le couple se dispute toujours, mais Livia joue tout de même souvent un rôle secondaire qui permet de débloquer certaines situations.
Mimi Augello, l'inspecteur collaborateur de Montalbano est aussi un ami. Mais il a ses humeurs. Et les deux hommes sont plutôt en froid. Bien que marié à Beba et père d'un jeune enfant, Mimi reste un incorrigible coureur de jupon – l'archétype du mâle italien -, ce qui lui complique quelque peu l'existence. Alors qu'il semble incapable de communiquer avec son supérieur et ami, le roman bascule par moments dans l'épistolaire, avec des échanges entre Mimi et Montalbano, mais aussi des écrits de Montalbano qu'il s'adresse à lui-même pour éclaircir ses pensées.
Salvo Montalbano, la cinquantaine passée, apparaît vulnérable. Facilement débordé par ses émotions, à plusieurs reprises dans le récit, il pleure – et ce n'est pas seulement devant un bon repas.
L'action se passe en 2001. Les actualités télévisées mentionnent l'attaque des Twin Towers et les conséquences du passage à l'Euro. C'est l'été, et après l'orage, Montalbano constate les effets navrants de la pollution sur la plage.
Andrea Camilleri ancre ses récits dans la réalité de son temps et de son pays, avec la présence de la Mafia qui continue de défier la loi, ou plutôt qui dicte toujours sa propre loi. Il semble que le cadavre, trouvé en morceaux, très abimé, dans un sac poubelle, soit justement une nouvelle oeuvre de la Mafia...
L'humour de l'auteur, qui imprègne sa langue si bien traduite par
Serge Quadruppani, sauve heureusement ses romans du sordide. Il égratigne certaines strates de la société sicilienne, comme par exemple les banquiers. Mais il met aussi en avant, par le truchement d'un Montalbano bon vivant, les plaisirs culinaires du pays, ainsi que la beauté de ses paysages. La cuisine d'Adelina réconforte le commissaire, et le touche, à lui faire monter les larmes aux yeux. Et la scène de dégustation de cannolos dans un silence quasi religieux, réconcilie presque Montalbano avec le rétif légiste Pasquano.
Le titre,
le Champ du potier, fait référence à un passage de l'évangile de St Matthieu. Camilleri adresse par ailleurs quelques clin d'oeil littéraires, dont un vraiment malicieux, pas le moindre, à lui-même. En effet, Montalbano se plonge un moment dans un roman de l'auteur, jusqu'à ce que ses yeux fassent " pupi pupi".
Les aficionados de Camilleri peuvent se réjouir. Ce roman s'inscrit dans la liste des meilleurs, pour son humour, toujours, mais aussi pour la tendresse que l'auteur porte à ses personnages.