La brigade chimérique : Ultime Renaissance

J'avais vraiment du mal à imaginer une suite à La Brigade chimérique qui serait à la hauteur de l'original – la fin était si puissante et parfaite que tout semblait avoir été dit. J'étais donc plutôt sceptique en me lançant dans cet opus. Mais force est de constater que Serge Lehman a encore des choses à dire sur le sujet.

La Brigade chimérique racontait le déclin des super-héros et super-héroïnes européen·nes dans les années 30. Cette suite se situe de nos jours alors que Dex, chercheur universitaire, tente de démêler le vrai du faux parmi les rares informations encore disponibles sur l'ancienne Brigade. C'est là que se déclenche une étrange invasion de rats mutants dans les couloirs du métro parisien, et que seule une Brigade nouvellement formée pourrait être en mesure d'enrayer.

Je dois avouer qu'à la lecture, j'ai d'abord trouvé que c'était bien en-dessous l'original. Jusqu'à ce que je me rende compte à quel point les deux oeuvres se répondent bien sur le plan thématique. Pour résumer, sans trop spoiler : dans la première Brigade chimérique, Lehman établissait un lien direct entre la montée du nazisme/fascisme et le fait que les super-héros et super-héroïnes ont été complètement balayé·es de l'imaginaire européen. Dans Ultime renaissance, on se situe à notre époque, alors que l'extrême-droite prolifère partout : comment, dès lors, réinventer le genre?

Le propos est abordé moins frontalement que dans la première Brigade chimérique, au point que j'ai l'impression qu'il est facile de passer à côté et de considérer cet opus comme une aventure sans trop de profondeur. C'est peut-être là que se situe le génie de Lehman : dans sa faculté de jouer sur plusieurs niveaux de lecture, grâce auxquels il peut rejoindre plusieurs publics qui ne recherchent pas la même chose.

En bref : foncez.

Dix ans après la saga La Brigade chimérique sortie chez L'Atalante (alors associé à Fabrice Colin, Gess et Céline Bessonneau), Serge Lehman a repris l'écriture chorale originale de la fameuse équipe de l'Hypermonde centré sur des surhumains européens dérivés du radium post-Première Guerre mondiale.

Réémergence des surhumains
Huit décennies ont passé depuis la fin de la Brigade chimérique formée par Marie Curie dans l'entre-deux-guerres : de nos jours, dans le métro parisien, apparaît un étonnant homme-rat, qui provoque l'effroi de la population en prophétisant l'arrivée d'un « grand maître de la terreur ». Cet événement intéresse grandement les autorités : la préfecture envoie alors Nelly Malherbe à la rencontre du chercheur Charles « Dex » Deszniak, spécialiste de l'Hypermonde, l'histoire des phénomènes surhumains. Il est alors missionné pour tenter de retrouver des membres survivants de cette Brigade chimérique qui aurait agi dans les années 1920 à 1940. L'Homme truqué, Félifax et d'autres sont autant de super-héros européens exilés aux quatre coins du monde, réémergent ainsi des surhumains que Dex compte bien rassembler en une nouvelle Brigade afin de sauver ce qui peut l'être.

Retour en force de l'imaginaire européen
Serge Lehman reprend, à l'aide cette fois de Stéphane de Caneva comme dessinateur et de Lou comme coloriste, l'écriture chorale originale de sa saga éditée dans les années 2000 chez L'Atalante. Il y montrait des super-héros européens fondés sur le radium et le traumatisme des tranchées, mais qui disparaissaient avec l'hégémonie américaine résultant de la Deuxième Guerre mondiale. de nos jours, l'écriture de cette nouvelle saga de la Brigade chimérique est une métaphore du resurgissement de l'imaginaire européen. Par de multiples mises en abîme des oeuvres de science-fiction du XXe siècle, cet épais volume de plus de 250 pages se joue des codes des comics américains, de la BD franco-belge et de la SF française pour montrer tout ce que le genre peut encore nous apporter.

Paradoxe de l'écriture
Serge Lehman peaufine et réactualise son univers de la Brigade chimérique donnant lieu à une nouvelle aventure haute en couleurs. C'est là tout le paradoxe de cette série : elle initie un retour de la fameuse Brigade de l'entre-deux-guerres, tout en annonçant la fin ; pourtant, toutes les idées initiées, tous ces personnages revus, relancés ou nouvellement aperçus, ne demandent qu'à être réutilisés dans de nouvelles aventures, mais cet opus ne nous annonce qu'une « ultime renaissance » malgré une fin plutôt ouverte. Là où ce volumineux opus relance l'intérêt sur des personnages longtemps oubliés, il gomme les lenteurs ou les hésitations de la première saga en transformant l'homme-truqué, en renouvelant Félifax et en actualisant la sorcière Palmyre par une narration forcément plus fluide puisque le tout s'imbrique dans une aventure d'un seul tenant avec un objectif unique. On gagne en clarté ce qu'on perd en crossover de plusieurs séries d'une même franchise.

En conclusion, cela fait plaisir de retrouver Serge Lehman sur la Brigade chimérique. À voir si cela se révèlera le dernier chapitre d'une étrange et belle franchise ou bien une nouvelle façon de relancer les super-héros à l'européenne.

Entre l'écriture des premiers tomes de la Brigade Chimérique (qui se déroulait dans les années 30) et celui-ci (qui se déroule de nos jours), il s'est écoulé plus de 16 ans.

Entre temps, Lehman est devenu un expert et a publié sur l'histoire de la Science-Fiction française. Et ça paraît.

Les premiers Brigade Chimérique étaient une exploration des quelques éléments connus de littérature de l'imaginaire française, et l'histoire se demandait : Pourquoi il n'y en a pas plus? Qu'est-ce qui fait que les anglos n'ont aucun problème avec les surhumains alors que les Français ne s'y intéressent pas? Il y a un potentiel littéraire inexploré.

Ce tome, L'Ultime Renaissance, basé sur les récentes recherches de Lehman, disent plutôt : en fait, cette littérature existait, proliférait et était exactement populaire. le traumatisme de la 2e Guerre Mondiale et de l'Holocauste ont juste causé un rejet puis une amnésie collective sur la conscience française.

C'est pourtant quelque chose que l'on devrait se souvenir et explorer à loisir.

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Bon avec tout ça, je vous parle des idées derrière la BD sans parler de la BD elle-même. On y suit un chercheur sur l'histoire des surhumains français, qui est possiblement une sorte de self-insert de Lehman, mais ce n'est pas dérangeant. La logique de son univers l'impose. L'idée de tout cela, c'est que les surhumains ont existé, et que les auteurs qui ont écrit des fictions à leur sujet sont en fait des biographes. le protagoniste de cette Brigade Chimérique veut écrire une biographie de la Brigade Chimérique donc, ça doit être Lehman.

Bref, un mal rôde dans les sous-terrains de Paris et il doit monter une équipe de vieux surhumains de l'avant-guerre et de plus jeunes inconnus. Et, bien sûr, le simple fait que des gens recommencent à s'afficher comme héros apaise quelque peu l'amnésie française sur le sujet et parvient à relancer le genre.

Tout ça est bien bon. Ça termine par contre sur un climax très classique/hollywoodien, ce qui est assez décevant quand on a lu les premières Brigade Chimérique et leur fin vraiment à couper le souffle.

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Aussi : c'est bourré de références à des trucs obscurs du merveilleux scientifique français et des pulps anglos. J'ai dû en rater beaucoup et je connais bien le sujet. Bref : c'est un BD de niche qui ne plaira pas à tout le monde.

Et Lehman tente d'insérer d'autres de ses BD dans le "canon" de Brigade Chimérique : Métropolis et Masqué par exemple, et d'autres que je n'ai pas lu (difficiles à trouver au Québec).

Je suis prêt pour le Lehmanverse!

Autant les 6 tomes de la Brigade Chimérique étaient parfois confus, absconts et désespérement noir,s autant nous avons ici une aventure de super héros à la française linéaire, limpide et enthousiasmante. Les détails donnés enrichissent l'histoire sans la surcharger. Dex est professeur réputé même s'il est en charge d'un programme peu académique : les super héros européens. Les crédits sont limités et ses demandes d'accès à des archives secrètes sont restés vaines. Sauf qu'il y a quelques jours un passager du métro agressé s'est transformé en rat, un énorme rat violent et tueur. Depuis les policiers lancés à sa poursuite ont disparu. du coup quand la préfecture lui délégue Nelly des RH pour avoir ce fameux accès aux archives; il est rapidement clair que l'hypothèse que ce mystérieux homme rat soit lié aux super héros. En échange de son aide, le prefet lui donne accès aux archives. Des décide de rencontrer deux super héros encore en vie. Aventures folles, pleine d'actions et de retournement, dans laquelle on retrouve Severac, le fameux créateur de la Brigade Chimérique et on découvre de nouveaux héros charismatiques tels Filofax et Nelly, petite fille de Palmyre, sorcière des années 30/
Plus lisible, pleine d'actions; allié à un dessin lisible et précis, c'est réellement un plaisir de lecture.

Je n'ai pas lu les précédents tomes de "La Brigade chimérique", mais ce tome-ci est conçu de façon indépendante et je n'ai eu aucune difficulté à le lire, même s'il y a probablement des relations que je n'ai pas faites.
L'histoire est intéressante, c'est la naissance, ou plutôt la renaissance d'une légende, celle des super-héros français.
La plupart sont devenus des super-héros suite à un traumatisme, ce qui en dit long sur la violence de ce monde.
Il y a quand même un clin d'oeil aux héros ordinaires, militaires et civils, dans les actions finales, et c'est bienvenu.
L'illustration et le propos se marient très bien. L'arrière-plan, notamment, est très travaillé, avec de nombreuses références à des pulps, romans et aventuriers en tout genre. Lehman les explicite dans une postface.
La postface m'a permis de découvrir la richesse du monde super-héroïque français. C'est un univers tombé dans l'oubli, à la façon de l'hypermonde.
Les personnages, principaux comme secondaires, ne sont ni bons ni mauvais, ni totalement pleutres ou courageux, ils subissent ou font des choix à chaque instant. C'est appréciable que les auteurs aient évité le manichéisme indigeste.
En bref, une BD riche de 250 pages, un récit bien mené avec de bons personnages et une illustration parfaitement adaptée.