Le principal élément qui m'a attiré envers ce livre, c'est avant tout son contexte. Sans vouloir trop m'avancer, je trouve que peu de romans, peu de fictions abordent cette important climat de tension entre l'Algérie et la France. Certes, il y eu tout de mêmes quelques films, récemment une bande dessinée appelée Algérie, une guerre française est parue.
Avec du recul, on peut toujours trouver quelques titres de fiction autour de cette troublante période dont la haine est toujours inscrite aujourd'hui. Mais, personnellement, je trouve que ces références restent noyées et peu présentes. Je rejoint l'avis de certains historiens, critiques et journalistes considérant que cette période trouble n'est pas aussi remémorée que d'autres périodes historiques de la France.
C'est pour cette raison que je me suis attardé sur le premier roman, un roman policier de
Thomas Cantaloube, journaliste chez médiapart, et au final, pour une première oeuvre de fiction, c'est une entrée en matière assez réussie.
Ce qui m'a séduit dans ce titre, c'est d'abord ce trio de personnages marquants : l'ancien résistant corse qui fait désormais du petit trafic pour le milieu, l'ancien soldat pétainiste, devenue un mercenaire manchot doté d'une seule préoccupation dans sa vie et enfin le jeune flic un peu ambitieux, un peu intello qui compense sa méconnaissance de la vie par un caractère fort.
Bref, c'est des personnages qui, au premier abord, s'avèrent un peu caricaturale, il faut bien le dire... notamment avec le taiseux Carrega, le résistant corse silencieux par exemple ! Mais on délaisse bien vite ces étiquettes un peu drôles pour finir par apprécier ce trio de tête rocambolesque mais efficace.
Je pense que cet intéret provient aussi du fait que ce premier roman de Cantaloube me fait penser à certains romans de l'auteur américain
James Ellroy. Nous y retrouvons également certains personnages dénués de tout manichéisme, juste des électrons libres, un peu en marge de la société, qui vont résoudre ensemble ou indépendamment une même enquête. Je pense notamment au roman le grand nulle part.
Cela ne m'étonnerais pas que Cantaloube se soit inspiré des romans d'
Ellroy qui est très bon dans l'écriture de personnages atypiques.
Après, il faut reconnaître que dans ce trio, le personnage qui se détache un peu de l'histoire, reste celui de Volkstrom, l'ancien collabo. Cela reste le personnage le plus intéressant, ou, tout du moins, celui où l'auteur semble avoir le plus de plaisir à écrire. Enfin, c'est une supposition.
Ce
Requiem pour une république est une bonne suprise.
Pour en revenir au contexte, Cantaloube fournit un bon travail de recherche. Ce n'est pas un documentaire non plus mais l'auteur prend un soin particulier à fournir une intrigue révélatrice autour des méfaits de la république, autour de la haine ambiante de la part des français, de la corruption politique... le photographe Azenstarck illustre un peu ce propos révélateur qui semble incarner l'ossature de ce roman, à savoir mettre en lumière la version clandestine par delà la version officielle.
Thomas Cantaloube, au delà de l'intrigue policière, est surtout motivé par l'idée de faire tomber le voile. Et cette objectif fonctionne bien, le roman policier et historique finit par avoir également l'efficacité d'un pamphlet contre les aspects les plus sombres de la politique de la V ème république.
Revenons sur l'enquête policière proprement dite... c'est là que le bât blesse.
Le roman est divisé en trois parties, chacune centrée sur une année 59, 60 et 61. Il faut dire que la première partie est un peu tiède. L'intrigue policière n'est pas très haletante, d'autant plus quand on commence à se douter des grandes lignes de l'enquête... Il n'y a pas non plus de bouleversements majeurs par rapport à cette enquête qui viendrait nous scotcher sur place.
En fait, j'ai le sentiment que l'auteur a préféré mettre en valeurs les magouilles autour de l'enquête plutôt que l'enquête elle-même. C'est pas un défaut en soi car le roman reste palpitant sur ce dernier point mais si vous vous attendez à une enquête majeure et marquante, vous risquez d'être un peu déçu.
Cela dit, l'auteur, encore une fois, mise avant tout son intrigue sur le contexte historique et sur ces héros marginaux qui tentent de s'extirper à leur manière de ce cadre étouffant et corrompue.
Au final, l'intrigue est pleinement centrée sur ce trio de tête dont on espère que ses membres s'en sortiront indemnes...
En qualité de roman policier historique, Cantaloube s'amuse à intégrer certains personnages réels, j'emploie le verbe s'amuser car, par moment, on sent que l'auteur se fait un petit kif, notamment pour l'introduction de le Pen dans le roman qui ne sert tout simplement à rien !
Par contre, on peut saluer la menace que représente Maurice Papon dans ce livre... véritable ombre néfaste et pourrie de la France durant cette époque.
Par contre, j'ai trouvé Mitterrand insupportable ! :D
Il y a du bon et du mauvais dans cette dimension historique et le défaut provient de cette inclusion de personnages réels qui n'est pas vraiment indispensable...
Enfin, ne crachons pas trop sur ces quelques défauts un peu emportés, car
Requiem pour une république demeure une agréable surprise.
Engagé, bien documenté, l'esprit déterminé de l'auteur et son attachant réel pour certains de ses personnages rendent ce roman policier très agréable à lire et surtout, un point important si ce n'est le plus important, il vous ouvre l'esprit sur une page vraiment sombre de l'histoire de cette chère France, parfois si sainte-nitouche envers sa délicate Histoire....
Dans le même genre, je vous recommande les romans de
Romain Slocombe avec sa série sur Léon Sadorwski , inspecteur collabo et antisémite du temps de la Seconde Guerre Mondiale.