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En attaquant cette trilogie, je m'attendais à une lecture décalée et plutôt originale et je n'ai pas été déçu.
Pour parler de l'atmosphère, il y a du Tim Burton ou encore un peu de "Famille Addams" dans ce récit, c'est gris et "so British" avec un humour un peu grinçant que j'apprécie beaucoup, c'est une histoire dont on peut dire d'une certaine façon qu'elle est en noir et blanc, oui côté ambiance c'est plutôt réussi.
Les Ferrayor ont le monopole des détritus de la ville de Londres et de ses environs et il s'agit d'une dynastie autoritaire et impitoyable, on naît et l'on meurt ferrayor.
Chaque enfant reçoit à sa naissance un objet dont il ne devra jamais se séparer et devra obéir aux rituels de sa famille dont celui du passage à l'âge adulte.
L'auteur nous propose un univers fantasmagorique et résolument fantastique assez original et passionnant à découvrir car très cohérent.
Ajoutons une intrigue subtilement amenée ainsi qu'un lourd secret jalousement gardé et nous avons là une histoire à laquelle on n'a aucun mal à s'intéresser, pour ma part je suis convaincu ;)
A noter également une superbe illustration pour chaque chapitre, ce qui est un vrai plus pour se transporter dans le récit.
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Peut-on se définir par un objet ? C'est une question intéressante pour des citoyens d'une société de consommation, qui entassent toujours plus d'objets inutiles en en achetant de nouveaux, persuadés que ceux-ci les représenteront mieux que les précédents, vous ne trouvez pas ? Entasser, c'est précisément ce qui se produit chez ces ferrailleurs anglais du 19ème siècle : Leur royaume est une décharge à ciel ouvert, leur métier, de génération en génération : trier. Leur demeure : un château fait de bout de bâtisses londoniennes récupérées, déplacées et réassemblées en patchwork.


Les objets et ce qu'ils représentent pour l'Homme, aussi bien que notre manie de les thésauriser, sont des sujets qui semblent tenir à coeur à cet auteur : Dans son premier roman l'Observatoire, il explorait déjà cette thématique, ainsi que celle de la solitude et du rapport à l'autre. Au fond, les objets peuvent-ils combler cette solitude ? Est-ce le rôle que nous leur prêtons, ou l'un des rôles, ajouté à la représentation, comme un totem ? Un nouveau sac à main qui représente mieux mes goûts actuels, de nouvelles fringues qui me mettent plus en valeur, des tas de livres que je n'aurais jamais le temps de lire, et tout ce petit monde qui vient habiter mon univers, masquer ma solitude, occuper mon espace vital et mes pensées… Privilégier les objets aux humains est un mal contagieux, de nos jours. On ne devrait jamais laisser les objets prendre le dessus sur nous… Au final, ils seront peut-être tout ce qu'il reste de nous, mais même eux peuvent se briser et disparaître.


Si je devais chercher au fond de mon coeur l'objet qui parle le plus de moi, ce serait je crois une luciole, que le père noël avait accroché au sapin quand j'étais toute petite et qui m'a suivie toutes ces années : machouillée, recollée, perdue, retrouvée, mais jamais oubliée, comme les souvenirs qui s'y accrochent. Et puis cette lumière qui vous tient compagnie et vous éclaire aux moments les plus sombres : quel symbole ! Si elle pouvait parler, elle raconterait certainement quelques secrets. Elle nous dévoilerait peut-être son petit nom, elle aussi, si nous pouvions l'entendre. Ce qui est impossible n'est-ce pas, parce les objets, ça ne parle pas… Si ? Ah, vous aussi vous les entendez chuchoter à leur passage, murmurer à vos oreilles qui possèdent encore la conscience pure des enfants ! Vous me rassurez, je croyais que j'étais folle.


Vous êtes donc comme Clod Ferrayor : A lui aussi les objets lui parlent. Particulièrement les objets de naissance. Vous savez, cet objet qu'un proche vous offre à votre venue au monde, et qui vous suivra toute votre vie, vous représentera aux yeux des autres : un arrosoir, une pince à épiler, un napperon, une poignée de porte, un robinet, ou encore une bonde universelle… La bonde de Clod s'appelle James Henry. Mais Clod connaît aussi les noms de tous les objets de naissance des gens qui l'entourent, puisqu'ils les entend se nommer à tout bout de champ. Un don rare et perturbant, qui sera mis à contribution lorsque Alice Higgs, la poignée de porte de la tante Rosamund, disparaîtra : Il est indispensable de la retrouver rapidement car, sans son objet de naissance, un Ferrayor n'est plus rien et dépérit ! C'est la règle : on ne se sépare jamais de son objet de naissance. Pourquoi ? A vous de le découvrir ! Des objets comme des talismans, à qui l'on pourrait aller jusqu'à prêter une âme… Alors quand des objets et des personnes commencent à disparaître dans le château, c'est le début d'une chasse au trésor géante… et dangereuse !


Dès les premières pages, on se laisse prendre au piège de cette ambiance steampunk très réussie, et de cet univers original et inventif à souhait à la Alice au pays des merveilles. Les pages se tournent toutes seules, au rythme des portraits de chaque personnages qui nous sont physiquement dessinés au crayon, avant de nous être mentalement brossés par les mots. L'histoire nous est racontée tour à tour par Clod Ferrayor puis par Lucy Pennant, la nouvelle servante un peu rebelle qui refuse de perdre son identité en se fondant dans la masse des domestiques et, pour ça, cherche un objet à s'approprier et auquel se rattacher - quitte à le voler, ce qui la mettra en fâcheuse posture. J'ai été émerveillée ou plutôt admirative de cet univers original. Mon bémol, c'est peut-être qu'à vouloir instaurer la solitude et le formatage, j'ai lu l'histoire à petite distance de mes personnages au début, avant de m'y attacher au fil des pages. Ajoutez à cela un enfermement total du début à la fin dans une demeure gémissante croulant sous des tonnes étouffantes d'objets divers et bruyants : Autant vous dire que les claustrophobes peineront peut-être à avancer dans cette histoire, tant l'enfermement de ce huis clos se resserre de plus en plus jusqu'à la fin : on est enfermés dans ce château, par tradition mais aussi à cause d'une tempête d'objets, qui nous ensevelissent de plus en plus jusqu'à ne plus pouvoir ouvrir les fenêtres ni bientôt respirer… ! Etant moi-même condamnée à l'enfermement en ce moment, j'avais hâte de sortir de cette maison de fous ! Aussi, je ne sais pas si je poursuivrai avec les deux tomes suivants mais j'ai apprécié la découverte (merci Yaena !).


Et vous, chers babélionautes, quel est cet objet de naissance qui vous caractérise, et que j'entends déjà murmurer à mon oreille...? Approchez, là, encore plus près, que je saisisse son petit nom…
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« Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ? »
Non, je ne vais pas ce soir vous déclamer du Alphonse de Lamartine, mais plutôt du Edward Carey.
Approchez, venez, entrez chers amis, que je vous fasse visiter le lieu.
Ici c'est bien un château, le château des Ferrailleurs.
Il sera dit qu'un dieu facétieux m'aura jeté un sort, celui d'être condamné à passer de maison en maison durant mes lectures estivales, ce qui sera d'ailleurs le cas aussi pour la toute prochaine à venir...
Nous voici aux confins de Londres, en plein XIXème siècle. Sur un océan formé par tous les immondices de la capitale jaillit non pas une île, mais un château, la demeure des Ferrayor. Oui c'est le nom de cette terrible dynastie qui règne en maître depuis des générations sur un superbe dépotoir et qui n'a rien à envier à la famille Adams.
Sur cet océan de gravas et de rebuts, il est difficile voire impossible de pousser une barque. Alors il faut y aller presque en apnée.
On pourrait se demander, en contemplant ce dédale de détritus, où commencent les fondations de cette étrange demeure faite de bric et de broc, construite à partir de morceaux de maisons prélevées dans la capitale, assemblés selon une logique qui rendrait fou tout architecte digne de ce nom.
Autre caractéristique de cette famille : chaque Ferrayor, à la naissance, se voit attribuer un petit objet appelé l'objet de naissance, qui l'accompagnera partout et toujours.
Ainsi, voici surgir dans le texte une bonde universelle à chaînette, un robinet, une poignée de porte en cuivre, une pince coupante, une tasse repose-moustache, un sifflet en forme de groin, un chausse-pied en écaille de tortue... J'en oublie forcément.
Il y a les Ferrayor d'en haut, les maîtres et il y a les Ferrayor d'en bas, ceux qui servent les maîtres. Ici on ne mélange pas les robinets et les crachoirs en argent... Quand on entre dans cette maison, on devient Ferrayor...
Tout commence le jour où la poignée de porte appartenant à Tante Rosamud disparaît ; les murmures des objets se font de plus en plus insistants ; dehors, une terrible tempête menace ; et voici qu'une jeune orpheline se présente à la porte du Château… Elle s'appelle Lucy Pennant. Elle semble sortir tout droit d'un récit de Charles Dickens.
Et voici que Clod Ferrayor, quinze ans et demi, petit-fils de celui qui règne sur cette dynastie, va être ébloui, troublé par la présence de Lucie Pennant, cette jeune fille fragile et lucide, déterminée...
Pour son malheur et pour notre bonheur, Clod Ferrayor a reçu un don singulier : il est capable d'entendre parler les objets, qui ne cessent de répéter des noms mystérieux…
Plus rien ne sera comme avant...
Il est souffreteux, elle a les yeux verts, ils vont s'aimer. Ce sont eux qui vont nous lier à cette histoire, nous faire traverser la maison, traversant le récit, traversant notre coeur au passage, franchissant les zones qu'ils n'ont pas le droit de transgresser... Ces deux-là, on imagine que Shakespeare les aurait adorés, sorte de Roméo et Juliette de la ferraille, des décombres et du gothique.
Voici un conte fantasmagorique à la poésie baroque, mêlant délire fantastique et lucidité grinçante.
Au fil des pages, de nombreuses questions se posent sur ces mystérieux objets, qui ne sont peut-être pas si inanimés que l'on voudrait le croire, et leur lien avec les habitants des lieux.
J'ai posé mes bras, mes mains sur les murs de cette maison. Je l'ai étreinte. J'ai entendu sa respiration. Elle m'a secoué de ses convulsions. J'entendais les bruits métalliques et les cris des objets. J'entendais des voix remonter des ordures et de la puanteur. Je sentais ses odeurs. J'entendais les battements de coeur de Lucie Pennant, crasseuse, souilleuse, mais si lumineuse et la course des pas douloureux de Clod Ferrayor à sa recherche effrénée.
Il y a dans ce texte que j'ai adoré pour son enchantement quelque chose de cruel et de dérangeant, car on se dit qu'il y a un côté absurde et monstrueux de notre monde à la dérive qui ressemble peut-être à cela.
Et puis, objet parmi tous les objets, il y a ce livre, l'objet papier avec des dessins fabuleux réalisés par Edward Carey lui-même, ouvrant de manière magique et ténébreuse chaque chapitre.
Bon, je vous laisse, je suis à la recherche de ma tasse repose-moustache, pas question de trouver le sommeil sans avoir remis la main dessus...
Quoi ? On me dit qu'il y aurait deux autres volumes à lire, car c'est une trilogie ? Alors, j'y cours, j'y cours... Vite, mon chausse-pied en écaille de tortue...
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Entrez, entrez, gentils lecteurs.Venez visiter le château des ferrailleurs. Pénétrez dans son antre et découvrez ses pièces grinçantes, grouillantes. Écoutez le respirer, chuchoter, sentez son coeur qui palpite, mais prenez garde ! Restez discret car seuls les Ferrayor de sang peuvent en arpenter les couloirs. Je doute que vous en soyez ! Car dans ce château, amalgame de vieilles bâtisses, bric à brac de grandes demeures et de bicoques vivent les Ferrayor. Des résidents aux allures de Famille Adams pour qui l'ordre, la hiérarchie et l'hérédité sont essentiels. Ouvrez l'oeil, vous les repérerez facilement, ils sont toujours accompagnés de leur objet de naissance. Bonde à baignoire, robinet, crachoir de poche, chaussure esseulée…, non vous n'êtes pas dans une quincaillerie.

Ce château aux allures Victorienne trône au milieu d'un océan de de détritus, une gigantesque décharge : le trésor des Ferrayor. Drôles de gens n'est-ce pas ?En effet, peu sympathiques avec leur allure d'aristocrates des poubelles ils sont craints et respectés. Parfois au milieu des ordures se cache un trésor. Ici c'est Clod. Un jeune Ferrayor qui accompagné de son cousin Timmus dénote étrangement. Clod a un petit truc en plus. Sous ses airs d'oisillon gringalet se cache un petit gars déterminé. Alors quand sa route croise celle d'une orpheline rebelle l'ordre séculaire qui régnait entre les murs du château en prend un sacré coup dans l'aile !

Ces Roméo et Juliette à la sauce Tim Burton vont mettre leur nez partout et tenter de découvrir quels sombres secrets abritent la vieille demeure. Mais tout cela a un prix !

Edward CAREY dés les premiers mots entraîne le lecteur dans un univers sombre et fantasmagorique aux accents steampunk. Un conte ténébreux, parfois cruel qui happe le lecteur entre ses griffes et ne le lâche plus. Les dessins en noir et blanc sont un vrai plus qui renforce le sentiment d'immersion. Quand arrive la dernière ligne il n'y a pas d'autre choix que de se plonger dans le tome II. Mais attention cher lecteur c'est à vos risques et périls...
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Après avoir lu « L'observatoire », c'est avec beaucoup d'empressement que j'ai retrouvé l'univers d'Edward Carey dans le premier tome de la trilogie des Ferrailleurs.
On y retrouve tous les ingrédients que j'ai pu apprécier dans « L'observatoire », à commencer par une imagination débordante, un monde original et excentrique, une ambiance gothique empreinte de magie, une écriture sombre et mélancolique, une famille décadente et des personnages bien marqués.

L'auteur nous immerge dans un monde qui rappelle Londres à l'époque Victorienne mais également un monde futur déprimant dans lequel nous serions noyés dans nos propres déchets. Cet anachronisme m'a particulièrement plu.

*
Le rôle principal a été donné aux objets usés, cassés, oubliés, abandonnés, perdus, jetés qui se sont accumulés au fil des décennies, formant des montagnes de déchets instables et dangereux qui affluent, débordent, se meuvent, ondulent, formant un océan d'immondices en mouvement.
La toile de fond que constitue Londres sous cette gigantesque décharge à perte de vue est saisissante. Elle nous amène à réfléchir aux conséquences environnementales de nos modes de consommation et de production et de notre culture du jetable.

Au milieu de ce paysage de grisaille formé de vagues de décombres, s'élève le château des Ferrayor, un ensemble architectural étrange et bizarre. Cette habitation labyrinthique est la demeure d'une famille qui s'est enrichie au fil des générations, grâce à la collecte des déchets de tout Londres : les Ferrailleurs.

« le répugnant et le malodorant, le brisé, le fêlé, le rouillé, l'usé, l'endommagé, le puant, le laid, le toxique et l'inutile, nous les aimions tous, avec quel amour nous les aimions ! Il n'est pas de plus grand amour que celui des Ferrayor pour les rebuts. Tout ce que nous possédons est grisâtre et terreux, poussiéreux et malodorant. Nous sommes les rois de la pourriture et de la moisissure. Je pense que nous les possédons, oui, vraiment. Nous sommes les nababs de la putréfaction. »

*
On découvre ce monde peu à peu, avec ses règles, ses interdits, ses mystères, ses secrets.

La particularité de chaque membre de la famille des Ferrailleurs, nous l'apprenons dès les premières lignes du roman, est qu'ils sont liés, dès leur naissance, à un objet dont ils ne doivent absolument pas être séparés. J'ai eu très vite, envie d'en savoir plus sur cette famille étrange, sur leurs objets de naissance qui parlent.

L'immense maison des Ferrailleurs est tenue par une armée de domestiques. Privés de leur nom de famille, leur mémoire et leurs souvenirs s'effacent peu à peu. Ils font partie de la maison et sont presque assimilés à des objets.

*
Le récit alterne deux voix narratives : celle de Clod, un jeune Ferrailleur, né avec le don rare d'entendre les voix des objets de naissance ; et celle de Lucy Pennant, une jeune orpheline du monde extérieur qui travaille au château depuis peu comme servante. L'arrivée de la jeune femme dans le château va coïncider avec la survenue d'étranges évènements qui vont bouleverser le monde de Clod.

Les deux histoires s'entrelacent, révélant dans une alternance, le monde du bas, celui des serviteurs, et le monde d'en haut, celui des maîtres. Leur rencontre va tout changer.

« Je t'ai donné une bonde, Clodius Ferrayor, ton objet de naissance, pour que, sang de mon sang, tu fasses un choix entre deux choses. Tu nous contiendras, telle une bonde, tu nous garderas en sécurité, tu seras une barrière entre nous et l'inquiétant trou d'évacuation. Ou bien, inversement, telle une bonde qu'on retire, tu nous laisseras tomber, nous écouler vers le rien, nous réduire à néant, nous noyer, nous épancher, dégoutter, ruisseler, tu nous détruiras tous ! »

*
J'ai été immédiatement happée par le monde qu'a créé Edward Carey, à la fois étrange et si crédible. L'écriture de l'auteur imaginative, foisonnante, captivante, nous plonge dans les méandres de ce château mystérieux, impénétrable qui semble avoir une âme.

J'aime beaucoup les histoires de maisons. Sa construction est originale, faite d'un assemblage de maisons collectées, démantelées, insérées, assemblées, à l'architecture existante, créant un ensemble difforme et extravagant.

« Notre château était une mosaïque de cabanons et de palais. C'était une énorme bâtisse, faite de beaucoup d'autres. Mais la structure d'origine, presque impossible à retrouver maintenant, abritait notre famille depuis des siècles. »

En y regardant de plus près, la château des Ferrayor dégage aussi plusieurs impressions : elle apparaît comme un phare au milieu de l'océan, à la fois refuge et soumise aux éléments extérieurs. Elle semble également, tour à tour, majestueuse et imposante, mystérieuse et secrète, fragile et vulnérable par ses fondations qui se craquellent, sombre, dangereuse, ou funeste.

« La maison parlait ; elle chuchotait, jacassait, gazouillait, criait, chantait, jurait, craquait, crachait, gloussait, haletait, avertissait et grognait. Des voix jeunes, hautes et gaies, de vieilles voix, brisées et tremblantes, des voix d'hommes, de femmes, tant et tant de voix, et pas une seule qui vînt d'un être humain, mais des objets de la maison qui s'exprimaient, une tringle à rideaux par-ci, une cage à oiseaux par-là, un presse-papiers, une bouteille d'encre, une latte de plancher, … »

*
Edward Carey révèle tout son talent d'illustrateur en incérant au début de chaque nouveau chapitre, des portraits saisissants des occupants du château avec leurs objets de naissance. Les illustrations donnent l'impression de traverser une galerie de portraits de famille.

Le monde étrange d'Edward Carey rappelle celui de Tim Burton, par son esprit décalé et gothique, par les illustrations en noir et blanc, les personnages dont l'aspect apparait un peu maladif.

*
Pour conclure, ce roman est très différent de ce que j'ai pu lire jusqu'à présent.
Edward Carey a su créer un récit intrigant et prenant, une atmosphère fascinante et menaçante.
Ce premier tome m'a emportée dans le monde des Ferrailleurs et l'épilogue particulièrement bien réussi, totalement inattendu, ne peut qu'inciter le lecteur à poursuivre avec le second tome.

Si vous pouvez envisager une histoire surprenante où les objets ont des noms et chuchotent, où la mer est faite de détritus, alors ce beau roman ne peut que vous séduire.
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Dépaysement total, imagination débridée dès les premières pages! le jeune Clod vit avec sa noble famille, les Ferrayor, dans un château construit sur une décharge, dont ils vivent. Dans les soubassements travaillent les Ferrailleurs, chargés au risque d'être englouti par cet océan de déchets, de récupérer des objets exploitables. L'intrigue se passe en pleine industrialisation anglaise, au 19ème siècle.
Les Ferrayor possèdent chacun un objet de naissance qu'ils ne doivent perdre à aucun prix: une bonde pour Clod, une poignée de porte pour tante Rosamud - par qui tout commença. Mais Clod est un enfant particulier: il entend les objets qui répètent, sans arrêt, leur nom. La bonde de Clod s'appelle James Henry Hayward.
Le jour où la poignée de porte de tante Rosamud disparaît, une jeune orpheline, qui a vu ses parents se prétrifier, arrive au château pour y travailler. Elle s'appelle Lucy Pennant, et très vite, Clod la préfère à Pinalippy à qui il est promis. C'est aussi le jour que les objets ont choisi pour se révolter...

J'aimerais vivement vous conseiller ce premier tome à l'esprit gothique dont certains passages sont d'une grande beauté lyrique: l'océan d'ordures qui se déchaîne, le Rassemblement d'objets, le château lui-même et tous ses personnages aussi étranges les uns que les autres, MAIS... Soyez conscients que votre vie ne sera plus jamais la même.
Je ne dors plus depuis que j'ai compris que mon matelas - Mathieu Leroy - me donnait sournoisement des coups dans le dos la nuit, que ma bouilloire s'approche subrepticement de ma main lorsqu'elle brûlante - elle s'appelle Louise Monger - que mes clés, enfin, - Lucio et Monica Ruiz - se glissent subrepticement au fond de mon sac à main - Michelle - dès que je suis en retard. Je dois bien avouer, depuis que j'ai commencé ce livre, d'étranges phénomènes ont lieu autour de moi et je pense que ce livre est maléfique... je vous aurai mis en garde!

Je remercie vivement, et malgré tout, Babelio et le Livre de Poche pour ce beau roman illustré.
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Les Ferrayor habitent un château qui culmine au milieu d'un océan d'immondices. Les membres de cette famille ont fait fortune grâce aux ruines des Londoniens, aux rebuts d'une société qui jette et consomme à tout-va. Ils sont pour la plupart laids, crasseux, pâles, difformes, sinistres, impassibles, et surtout fiers de leur race pure de Ferrayor.

Dans les étages supérieurs trône cette aristocratie des poubelles. Dans les sous-sols et dans la décharge, triment les serviteurs, les orphelins, les misérables, tous de rang inférieur. Ceux-là n'ont pas de noms, ils sont juste Ferrayor. Déshumanisés, sans souvenirs, comme des objets ternes, des travailleurs de l'ombre, invisibles, ils déambulent dans les couloirs, le dépotoir, les dortoirs.

Clod a quinze ans et est un Ferrayor de pure race. Mais il ne ressemble pas aux membres de sa famille. Il a un don particulier, celui d'entendre parler les objets.
Une intruse se glisse dans ce château des Ferrayor aux règles nauséabondes bien huilées. La révolution s'annonce alors, les secrets secouent leurs couches de poussière et murmurent les larmes de cendres. Et tremblent les Ferrayor sur leurs fondations de ruines.

Dans ce roman fantastique couleur gothique, l'océan de rebuts emporte le lecteur dans une tempête judicieusement orchestrée. Ça crisse, ça craque, ça grommelle, ça rouille. On suffoque, on se noie, on déraille. Mais surtout on voyage dans un univers qui nous aimante, nous rassemble sur une vague d'idées improbables mais pas si déconnectées de la réalité qu'on pourrait le croire.
J'aurais aimé poursuivre avec les tomes suivants. Il me faudra attendre…

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J'ai l'honneur de vous présenter mon 1er coup de coeur 2016 ! Je dirais même plus : Les Ferrailleurs vient d'entrer dans mon top 10 de tous les temps.

Commençons par l'objet-livre : un très beau poche agrémenté des illustrations de l'auteur lui-même. Des illustrations que Tim Burton ne renierait pas : à l'encre noire, gothiques à souhait, à l'image de ce très surprenant récit. Deux illustrations double-page, l'une en tout début de roman et l'autre en toute fin, permettent au lecteur de se situer un peu dans le château labyrinthique des Ferrayor.

Le récit se construit autour de chapitres, de longueurs inégales. A chaque début de chapitre un portait de l'un des personnages dont il sera question dans les pages suivantes. Un titre qui correspond toujours à un objet dont il sera question également par la suite. le titre est toujours suivi d'un sous-titre qui explique un peu plus de quoi il va être question mais tout en restant très mystérieux.

Il me faut maintenant vous expliquer un tant soit peu le récit, car toute l'originalité du livre vient de là. Clod Ferrayor, quinze ans, a une sorte de don très particulier : celui d'entendre les objets parler. Ceux-ci se contentent habituellement de répéter leur nom à l'envi. Clod fait partie de la famille, réputée et crainte, des Ferrayor. Toute la famille vit dans un château immense fait de bric et de broc, construit au beau milieu de la décharge, du Grand Dépotoir, une mer immense de déchets abandonnés. Pour les servir, tout une tripotée de Ferrayor inférieurs, qui n'ont pas le sang pur et sont relégués en bas du château et ne sortent que la nuit pour nettoyer le haut. Chaque membre de la famille Ferrayor possède, dès sa naissance, un objet qu'il se doit de garder toujours sur lui. Mais un jour, la poignée de porte de Tante Rosamud disparaît... Et ce jour coïncide avec l'arrivée de la servante Lucy Pennant.

Vous m'excuserez d'avoir été un peu longue mais l'univers est si unique et particulier qu'une explication s'imposait. La plume de l'auteur, extrêmement imagée et savoureuse, complètement délurée par moment, se met au servir d'un univers très noir. Elle rend beau le laid, le sale, le puant dans un lyrisme à peine voilé. Mais surtout elle questionne le lecteur sur divers sujets de société : la lutte des classes et la servitude, la société de consommation et le poids des traditions... Il y a aussi un fameux mystère à résoudre et une idylle à suivre (d'ailleurs je vous préviens : il s'agit du 1er tome d'une trilogie alors ne vous attendez pas à tout voir résolu dans ce tome-ci).

Je vais m'arrêter là car je pourrais porter ce livre aux nues jusqu'à la fin des temps. Un univers gothique unique, une imagination débridée, une écriture imagée, percutante et savoureuse : jetez-vous dessus sans tarder ! Et je remercie les éditions du Livre de Poche et Masse Critique pour cette découverte marquante.

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Quelle étrange maisonnée que ce château des Ferrailleurs! La riche famille Ferrayor y vit au milieu d'un gigantesque dépotoir dont elle vit depuis des générations. Ses membres paraissent d'emblée très bizarres et les domestiques le sont tout autant.

L'histoire nous est d'abord racontée par Clod Ferrayor, quinze ans et demi, malingre et qui possède une capacité qui lui vaut bien des soucis avec ses congénères : il entend les objets prononcer leur nom. Pas commun, non? Comme les autres Ferrayor, Clod a reçu à sa naissance un objet dont il doit prendre le plus grand soin toute sa vie et dont il ne doit pas se séparer, en l'occurrence une bonde de métal munie de sa chaînette. Pas terrible à première vue mais comme d'autres ont reçu un extincteur, un manteau de cheminée en marbre ou un poêlon, il ne s'en sort pas si mal.

Ses chapitres alternent avec ceux de Lucy Tennant, orpheline amenée au château pour travailler comme domestique. Forcément, on se dit que les deux narrateurs vont converger.

Le premier tome de la trilogie des Ferrailleurs, le Château, est un ouvrage à l'image de ses personnages. Edward Carey illustre lui-même son récit et le moinsquon puisse dire, c'est que ça ne respire pas la joie de vivre. En même temps, vivre au milieu de kilomètres carrés d'immondices et de rebuts, avec les risques qu'ils finissent par engloutir la demeure, ça ne prête pas forcément à la grande rigolade. Pas plus que d'être astreint à des coutumes familiales bizarres et confrontés à des oncles et cousins particulièrement tordus et mauvais pour certains.

Avec son univers singulier, Edward Carey signe un roman original et assez déroutant au départ. Mais je me suis laissée emportée non par les détritus mais par la poésie gothique et morbide des péripéties de Clod et de Lucy. J'y ai retrouvé un côté Tim Burton dans les personnages aux yeux cernés, au teint blafard et mélancolique.

De plus, alors que la lutte contre le gaspillage et les affreuses conséquences du plastique sur continents et océans sont plus que jamais à l'ordre du jour, Les Ferrailleurs posent la question du rapport que l'on a avec les objets. Les montagnes de déchets dont la famille Ferrayor prospère indiquent bien la propension à jeter tout et n'importe quoi dès que c'est abîmé, plus à la mode ou parce qu'on s'en est lassé. de quoi réfléchir à travers ce récit fantastique à l'ambiance victorienne à nos comportements de consommateurs contemporains.

Enfin, il s'en passe de drôles au château, d'époustouflantes révélations défilent au gré des chapitres et la conclusion de ce premier tome incite vivement à lire la suite.
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Ce que j'ai ressenti:…Un univers incroyablement fascinant!…

Dès les premières pages, j'ai été envoûtée par cette ambiance sombre et originale…Tous ses mystères autour de ses objets qui parlent, ses deux adolescents qui se racontent, tour à tour, au sein de cette décharge, la puissance de l'imagination de l'auteur…Bienvenue dans une nouvelle saga : les Ferrailleurs! En plein dans un Londres revisité et très empreint de dangers grisâtres, on explore un lieu atypique fait de bric et broc. Totalement dépaysant et surprenant, on se perd avec un certain plaisir dans cette avalanche d'immondices, de montagnes de noms, de destins parlants qui régissent les Ferrayor.

« Nous étions comme des puces, des abeilles, des moucherons ou des scarabées bourdonnant, des cancrelats, des fourmis-scarabées, des phalènes cornues, qui tous vivent peu de temps, battent des ailes, s'affolent, rampent, mangent, vivent, aiment puis meurent, un petit tour et puis s'en vont, tout ce petit monde périt, et il n'en reste qu'une salissure. »

J'ai lu ce livre en plein mois de décembre, autant dire que j'étais dans l'ambiance de noël, et voir une bonde ou encore un sofa murmurer, ça force la magie…Il y avait ce qu'il faut de gothique et de féerie pour que je sois emportée dans cette tempête bien particulière, que je veuille découvrir tous les recoins sombres du Château, et que je m'émeuve devant la naïveté touchante de Lucy et Clod. Clairement, il y a des rendez-vous réussi, et cette lecture en périodes de fêtes, c'était le bon timing…

"As-tu jamais désiré jouer le rôle principal dans ta propre histoire?"

Je suis d'ors et déjà impatiente de poursuivre les aventures de ces lieux lugubres, et de ressentir les envolées lumineuses de nos deux héros maladroits et voir s'épanouir les paraboles de Edward Carey. J'ai été très touchée par la sensibilité que l'auteur met dans cet océan de vies et de déchets, enchantée par l'étincelle qu'il peut faire jaillir pour ses vies effacées, troublée par la douceur candide de cet amour naissant.

"Mais elle, c'est une pensée, la plus belle des pensées. Les meilleures pensées que j'aie jamais eues sont mes pensées pour Lucy Pennant."

Le petit Plus: Les illustrations de l'auteur en début de chapitres.


Ma note Plaisir de Lecture 9/10
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