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EAN : 9782752911742
160 pages
Phébus (10/01/2019)
2.74/5   27 notes
Résumé :
Les écrivains, on le sait, ne prennent jamais de vacances. Aussi, à peine arrivée en Grèce, Sigrid s'apprête-t-elle à composer l'un de ces récits à l'eau de rose dont elle a le secret. Hélas ! Sitôt installée devant l'écran blanc de son ordinateur, la romancière se laisse distraire par son entourage : un directeur d'hôtel onctueux, deux Anglaises distantes et laconiques, un couple de pharmaciens désoeuvrés et surtout une jeune fille à l'élégance théâtrale... Gertrud... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Si je vous dis « eau de rose », qu'est-ce que ça vous évoque ? Un parfum très léger ? Un roman style Harlequin ? Une lotion purifiante ? Lisez la suite et vous comprendrez.


Christophe Carlier : un auteur contemporain dont j'ai lu « L'assassin à la pomme verte », très subtil et spirituel. Quand Babelio m'a proposé de lire ce roman, j'ai accepté sans hésitation.


J'ai donc suivi avec ravissement l'héroïne lors de sa venue dans un hôtel suranné d'une île grecque de la mer Egée, l'hôtel Manolis. Ambiance très début 20e siècle, fin de saison, encore de rares clients, tous assez typés. Vraiment, j'y suis entrée avec délectation.
Sigrid est une jeune écrivaine de romans à l'eau de rose, nous y voilà. C'est facile et finalement ça lui plait. « Cuisinière habile, elle mitonnait des romances et des sérénades, où seul comptait le nom des héroïnes : Stella, Gentiane ou Deborah. Des livres d'images sans photo ni illustration (...) Elle se livrait sans réticence aux clichés, qui sont plus enjôleurs que des mauvais garçons. Elle répondait à leurs oeillades, à leurs bombements de torse, à leurs rodomontades. Il faut savoir gré aux mensonges d'être savoureux ». J'ai adoré me plonger dans l'esprit d'une romancière à l'eau de rose, car Christophe Carlier n'est pas dénué d'humour et d'ironie.


Bon départ, donc. Sigrid écrit dans sa chambre face à la mer, se repose sur la terrasse en compagnie des autres clients (tous assez typés, vous vous souvenez ? ), mange au restaurant en les observant d'un oeil discret. Et surtout, surtout, Sigrid se laisse emporter par la magie d'une jeune fille mystérieuse qui l'aborde de façon directe puis qui l'abandonne... Voilà notre Sigrid toute déconfite.
Et c'est là que se grippe l'histoire avec des événements qui ne m'intéressent plus du tout, à la fois anodins et complètement déjantés, invraisemblables même. Quelle déception !
Heureusement que par moments, nous pouvons lire des extraits du nouveau roman que Sigrid est en train d'écrire...je peux même vous dire que ce roman-là – à l'eau de rose ! – m'intéresse davantage que ce roman-ci. Et pourtant, vous me connaissez, n'est-ce pas ?


Bref, je ne suis pas là pour vous parler de moi, mais de Christophe Carlier qui m'a déçue. N'empêche qu'il écrit bien ! Il jongle avec les mots pour les assembler en images et en clichés détournés, tout en ayant le sens de l'atmosphère : désuète, nostalgique, qui rappelle ces moments où les femmes détenaient précieusement sur leur table de toilette un flacon d'eau de rose.


Merci aux éditions Phébus et à Babelio pour leur envoi.
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C'est toujours un grand plaisir de trouver dans la boîte aux lettres un petit paquet dont on connaît le contenu , certes , mais qu'on ouvre avec délectation.
Cette fois c'est "L'eau de rose " de Christophe Carlier qui m'est offert par Babelio et les éditions Phébus que je remercie chaleureusement.
J'ouvre mon paquet et je trouve un petit livre dont la couverture , je l'avoue , ne me laisse pas insensible . On y voit une très belle silhouette , de dos ,très élégante , vêtue de rose des pieds à la tête et on s'imagine suivant cette personne dans la rue ,envoûté par son parfum suave....
Bon, on se reprend...L'héroïne de l'histoire , c'est Sigrid , une auteure de romans dits "à l'eau de rose". En mal d'inspiration , elle trouve refuge sur une île grecque , dans un hôtel au charme un peu désuet et à l'ambiance chaleureuse et familiale. Comme elle , des personnages un peu "particuliers ", voire étranges, sont venus passer ici leurs derniers jours de vacances , juste avant la fermeture saisonnière de l'établissement. Parmi ces personnages, Gertrude , superbe et secrète jeune femme dont le noir semble être la couleur de vêtements préférée . Deuil ? Souci d'élégance extrême ? Simple question de goût ? Dès lors , deux récits vont coexister, celui du séjour dans l'hôtel et celui du roman qu'écrit Sigrid......
Je ne connaissais pas Christophe Carlier et j'ignore donc tout de ses codes , de ses "manies" , de ses " petits trucs " d'auteur. Ce que je peux dire c'est que ce monsieur écrit très bien , même s'il utilise parfois un vocabulaire étrangement "alambiqué " . Ceci étant, c'est un facétieux plein de subtilité et d'humour , un écrivain qui entre facilement en contact avec son lecteur.
Ensuite , il y a l'intrigue et c'est là que je suis un peu plus dubitatif. J'ai beaucoup aimé les pages supposées écrites par Sigrid (Priscilla , Robert , Dorothée , Adriano ...un régal. ), les ai lues avec plaisir et intérêt mais , par contre , hélas pour moi ,
je n'ai pas toujours eu la finesse d'esprit d'apprécier la valse de tous ces personnages confinés dans cet hôtel et sur cette île pour profiter des derniers rayons du soleil automnal . Peut-être, sûrement même , est -ce parce que que je ne fréquente pas ces lieux décrits comme "mélancoliques ". En tout cas, l'osmose entre l'auteur et le lecteur ne s'est pas réalisée .J'espère toutefois que d'autres lecteurs la réaliseront , j'en suis persuadé du reste, car mon avis doit être pris comme mien et seulement mien.
Nous avons tous et toutes respect et admiration pour ces gens qui nous livrent leurs secrets intimes . Restons humbles mais...sincères.
En conclusion, je n'ai pas détesté (quel vilain mot !) ce livre mais il ne m'a pas vraiment séduit non plus. Sans doute me faudrait il lire d'autres ouvrages de cet auteur , ce n'est pas mon objectif prioritaire à ce jour.
J'espère ne pas avoir plagié mon amie Latina...Ah , si , bigre , j'ai mis le même nombre d'étoiles !!!! Procès en vue...
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A ne pas en douter Christophe Carlier a une prédilection pour les îles.
Dans Ressentiments distingués, il campait son intrigue dans une île battue par les vents, cette fois il nous embarque pour une île des Cyclades (dont il tait le nom), à la fin de l'été où Sigrid, écrivaine, entreprend de rédiger une « romance ».

Mais peut-on appliquer une recette?
Pour Serge Joncour, ce n'est pas un cake, il n'y a pas de recette.
Sigrid, telle une cuisinière, a son plan pour mitonner son histoire «  Prendre une idée en l'air. L'enfourcher comme un cheval sauvage qui se cabre avant de s'élancer »,« privilégier les amorces aguicheuses ». Pour personnage : choisir « une femme jeune et jolie, prête à souffrir pour être heureuse ».
Pourra-t-elle mener à bien son récit ?

Comme dans L'assassin à la pomme verte, Christophe Carlier met en scène toute une galerie de personnages, « une cohorte étrange », en vacances à la Villa Manolis. Comme dans Ressentiments distingués, les personnages se croisent lors des repas ou sur la terrasse, s'observent, conversent, s'espionnent même, d'autres s'apprivoisent, tombent amoureux !
L'auteur confirme son talent à croquer ce microcosme réuni dans cet «  hôtel anachronique ». Parmi les estivants Sigrid remarque deux Anglaises, un couple de pharmaciens, un archéologue contemplatif, un amateur d'insectes.
Mais celle qui l'hypnotise sur le champ, c'est cette « jeune fille en noir », gothique, à l'allure de «  Sylphide », « yeux clairs, peau diaphane, traits harmonieux », à la « grâce énigmatique », «  à la voix sûre ».
Une Italienne, cantatrice arrivée plus tard, apporte une diversion avec le vol de son émeraude. Leandros, le plagiste bronzé, émoustille les jolies baigneuses.
Des liaisons se nouent, souvent éphémères, parfois adultères, mais qui contribuent à resouder un couple ancré dans l'ennui, la lassitude.
Leurs journées de farniente ( plage, baignade, sieste, excursions) sont ponctuées par le rituel de l'apéro en compagnie du perroquet de Manolis. Ce volatile qui, lui aussi, observe «l‘étrange zoo » humain qui l'entoure, le protégé de Sigrid, aurait pu être croqué par Sempé !

L'auteur ausculte en particulier la relation amoureuse de ses deux protagonistes Sigrid &Gertrude. Sigrid a-t-elle succombé à un coup de foudre ? La voilà obsédée, habitée par cette inconnue qui la fascine par ses tenues excentriques, qui lui donne l'impression de jouer un rôle. Pourquoi une telle attirance, une telle aimantation ? Elle scrute le moindre de ses gestes, toujours aux aguets pour capturer l'apparition de « l'aimée », pour s'en approcher, pour l'amadouer.

La présence de cette femme mystérieuse, magnétique, intrigante, dont elle sait si peu, a cette vertu merveilleuse de transcender le moment, de transfigurer le lieu, ce que Bobin traduit pas « l'enchantement simple ».


Un dîner ensemble qui ne se prolonge pas puisque Gertrude prend la tangente plonge Sigrid dans un vrai maelstrom. La voilà taraudée par cette fuite inexpliquée, ressentant la morsure du manque : « Son absence est douloureuse comme une piqûre de guêpe ». Pourquoi s'est-elle évanouie soudainement, se demande aussi le lecteur.

L'auteur dissèque au jour le jour la passion dévorante de Sigrid pour «  sa merveille, son fer de lance, son idole ». Deux facettes cohabitent. La romancière vampirisée par Gertrude, à qui elle voue une dévotion insensée, un amour fou, mais à sens unique, « redevient une adolescente ». De l'autre Sigrid, adulte, qui tente de se raisonner devant l'absurdité de cette attraction incontrôlable. Comment sortir de cet envoûtement ?
Se libérer de cette emprise ? La jalousie la tenaille de voir l'aimée, déjà si courtisée, flirter avec le plagiste.

Pour Mario Rigani Stern «  Chaque événement de notre vie est lié à d'autres faits qui consciemment ou non, dans l'écoulement du temps, s'enchaînent et se rattachent à des personnes et à des lieux », et d'ajouter que «  l'endroit où l'on a passé une période sereine demeure dans la mémoire ».
Pas surprenant que Sigrid convoque des souvenirs heureux d'il y a quinze ans, sous le soleil grec : entre alors en scène Clara, cette fillette qui l'avait adoptée, se plaisait à l'accompagner dans la découverte de l'île. Complices inséparables.Même si elles s'étaient quittées sans échanger d'adresses, Clara avait caressé l'espoir de la retrouver. Sa vie nous est retracée, à 16, 18, 20 ans. Suspense et coup de théâtre.

On suit donc Sigrid dans sa solitude de romancière, de femme amoureuse qui cède aux avances de Gertrude, un abandon, une fusion, les corps se fondent.Une tornade qui exacerbe leurs sens. Un embrasement. le masque tombe. Une révélation de Gertrude provoque une onde de choc chez Sigrid, «  un séisme » et sidère le lecteur. Quel impact cet aveu aura -t-il sur sa vie ?

En parallèle, on assiste à la rédaction du début du roman de Sigrid comme si on en était le premier lecteur. Une love story qui réunit Priscilla et Robert, qui se connaissent depuis l'enfance, se sont aimés à l'âge de l'insouciance, se sont perdus de vue, puis retrouvés pour finir par célébrer leurs noces prochainement. La narratrice s'intéresse aux liens entre ces fiancés chez qui le désir de s'appartenir ne semble pas réciproque. Elle distille du suspense en annonçant le plan nocturne de Priscilla ! Serait-elle nourrie par F.Cheng pour qui «  La passion charnelle reste la plus haute forme de quête spirituelle » ?

Si on retrouve Priscilla métamorphosée, épanouie après sa «  nuit d'amour », d'étreintes, la réalité est consternante, Cupidon ayant mélangé les cartes ! Un twist de la narratrice va créer des rebondissements en chaîne.

La romancière en vient à superposer la fiction et la réalité. Attendait-elle comme L'écrivain national (1) «  que la vie lui serve des idées » ?
On plonge dans ses interrogations, dans ses fantasmes. Est-elle victime des hallucinations dues à l'excellent pain au pavot de l'hôtel quand elle croise le diable?
Le choix d'une romancière comme protagoniste permet à Christophe Carlier de montrer combien la lisière réalité/fiction peut être poreuse. Quand Sigrid passe par la phase d'invisibilité comme si elle avait endossé le manteau d'Harry Potter, quand elle se transporte dans le temps, dans l'espace, fait un saut à son domicile parisien, elle agit comme si elle était un personnage de roman et disposait d'un super pouvoir sur lui.

Le récit prend des allures hitchcockiennes même si ce ne sont pas des corbeaux, ni des moustiques qui envahissent le site paradisiaque ! Cette invasion de papillons devient un vrai cauchemar, et oblige les pensionnaires à se cloîtrer.

Les objets jouent un rôle particulier : Sigrid se confie à son miroir ou à ses trois amulettes, Priscilla se confiait à son ours. le médaillon que porte Gertrude, «  prénom en forme de malle aux trésors », intrigue. Les jumelles achetées permettent à Sigrid , «  la fiancée illégitime , «  des heures extatiques de contemplation dévote et d'adoration morfondue » tout comme la photo prise de l'élue.

Dans ce récit est soulevée la question du lieu d'écriture, variable selon les écrivains. de toute évidence, cette île grecque ( que l'auteur ne nomme jamais) n'a pas nourri suffisamment Sigrid. Ne faut-il pas laisser du temps pour que cela infuse ?
N'a-t-elle pas réussi à trouver la condition d'ascèse nécessaire ?
Pourtant sa rencontre avec Gertrude a irrigué l'épilogue de son roman.
Comme le fait remarquer une lectrice dans L'écrivain national (1) : «  Tout part donc du réel ? Il faut donc vivre avant d'écrire ? »
Quant au point final, pas facile de savoir si l'histoire est définitivement achevée, Sigrid y revient à deux reprises et nous bluffe par sa pirouette finale.
Ce roman est traversé par de nombreuses références mythologiques, mais rappelons que l'auteur a commis un essai intitulé : Des mythes à la mythologie. Mais aussi par des références cinématographiques ( Lubitsch), littéraires ( Manon Lescaut).

Le narrateur titille notre sens olfactif. Divers parfums s'exhalent : de cire, de sel, d'eau de rose, de jasmin, d'eau de Cologne, odeurs des pins.
Tel un peintre, il offre de multiples tableaux . Paysages variés de l'île brossés avec précision : «  le littoral âpre, sauvage, déchiqueté », «  une côte ourlée de récifs » ou une crique aux eaux turquoises ; « la mer rosissant sous le soleil couchant », la beauté de la nudité de l'amante révélée dans la toile magnifique «  Gertruda desnuda » ; massifs de bougainvilliers roses et mauves .

L'écrivain souligne la guerre des genres, s'offusquant de voir la littérature sentimentale considérée comme «  un genre mineur », sous -estimé, pourtant prisé par les lecteurs,taclant au passage ces « auteurs qui campent à la télévision ».

Christophe Carlier signe un roman gigogne, avec l‘histoire en cours de rédaction, «  ce work in progress, imbriquée dont il déroule le making of, ce qui permet de voir comment la propre vie d'une écrivaine peut irriguer son écriture.

Il explore la relation filiale, les affres sentimentales, la complexité des intermittences du coeur, livrant des passages empreints de sensualité.
On retrouve avec plaisir son art consommé du portrait, nourri par une observation hors pair de ses semblables. Son esprit facétieux entrelace les destins des estivants dans le huis clos de la villa Manolis au décor suranné et aborde la question de la sérenpidité.
Il tient en haleine avec le vol de bijou, le secret de Clara, l'énigme du médaillon, le mystère des chambres visitées.

Sous la plume de « la cuisinière » Sigrid, l'auteur a mitonné un roman, baigné de lumière, émaillé de touches roses, servi par une langue riche, soignée, précise, poétique, sous les auspices des dieux, le souffle du meltem et la protection de l'oeil bleu grec ! Une couverture chic pour voir la vie en rose ! « Charming » !

( 1) L'écrivain national de Serge Joncour

Toute ma gratitude aux éditions Phébus, à Babelio qui m' ont permis ce séjour en Grèce sans la nuisance des papillons mais avec les vocalises de la cantatrice, m'ont offert tant de rencontres avec des êtres atypiques, car comme le dit Serge Joncour:" Les autres on les croise toujours de trop loin."et " de plonger au coeur d'inconnus" qui m'ont livré "tout de leurs intimes ressorts.." Et il y a de quoi voir la vie en rose!
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L'eau de rose Christophe Carlier Chez Phébus, janvier #LeauDeRose #NetGalleyFrance
Une couverture attrayante , un résumé plaisant et surtout une bonne maison d'éditions, il ne m'en a pas fallu plus pour créer l'envie de découvrir ce roman.
Sigrid, écrivain habituée des romans "à l'eau de rose" se pose à la Villa Manolis pour un séjour studieux sur cette ravissante île grecque. La première personne dont elle croise le regard est une beauté longiligne toute de noir vêtue. Gertrude ...Mystère, énigme, attirance
La vie s'organise , les pages s'écrivent et Sigrid vit une aventure hors norme .
L'écriture de Christophe Carlier se prête bien à cette thématique à la fois légère, agréable, sentimentale juste ce qu'il faut. Un roman sentimental tel est son titre tel est son rôle. Si je n'ai pas été enthousiasmée par cette lecture je reconnais y avoir pris un certain plaisir , mes lectures précédentes sombres et désespérées ne sont certainement pas étrangères à cette sensation de bien-être confortable. Si le genre littéraire de L'eau de rose est fort éloigné de mes lectures habituelles je ne peux que remercier les éditions Phébus pour ce partage et souhaiter que ce roman trouve son lectorat il le mérite.
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La Feuille Volante n° 1311

L'eau de rose – Christophe Carlier - Phébus.

Sigrid est ce genre d'auteure qui ne peut écrire un livre qu'en dehors de chez elle. Elle arrive donc dans une île des Cyclades pour écrire l'un de ces romans à l'eau de rose si décriés mais qu'elle affectionne. On y rencontre le même prince charmant, les mêmes héroïnes évanescentes, le même scénario à base de serments, de longs baisers langoureux, d'amours idylliques, d'attentes passionnées, de frivolités, d'illusions, de souffrances, de jalousie et de pleurs… sans oublier les fadaises, les clichés, les niaiseries incontournables dans ce genre de littérature. Elle est donc a l'écoute de l'inspiration, ne doutant pas que les mots viendront animer ses doigts sur le clavier de son ordinateur. Après tout le cadre s'y prête et la clientèle de l'établissement est là pour nourrir son écriture. Ainsi deux romans se déroulent-ils sous nos yeux de lecteur, celui de Sigrid, avec son héroïne, la superficielle Priscilla, et celui de Christophe Carlier, avec la sienne, cette même Sigrid, qui dans une atmosphère de fin de saison estivale, véritable microcosme digne d'Agatha Christie où tout peut arriver, mène son travail littéraire. Cela, prend de plus en plus des accents de thriller, avec le vol d'un bijou de grande valeur, des idylles qui se font et se défont, le départ précipité d'un client et l'attitude équivoque d'autres résidents qui à l'occasion s'érigent en détectives. Parmi l'aréopage original de cet hôtel, Gertrude une jeune femme énigmatique, de quelques années sa cadette, attire bizarrement l'attention de la romancière qui semble éprouver pour elle des sentiments amoureux.
Il y a beaucoup de personnages dans ce roman. Celui de Sigrid me paraît intéressant à plus d'un titre. Elle est timide, réservée et vit l'amour à travers ses romans, des situations forcément décalées par rapport à la réalité. Elle regarde Gertrude de loin vivre sa vie amoureuse sans oser y pénétrer malgré son brûlant désir, comme si elle laissait au hasard le soin de décider à sa place, se contentant de la prendre en photo à son insu et de remodeler son aspect sur papier glacé, une autre façon de se l'approprier. L'écriture, qui dans son cas est une activité de substitution, lui tient lieu de boussole, la fiction qu'elle est en train de créer, nourrie de ses propres fantasmes, semble suffire à meubler sa solitude. Ses romans sont des bulles où elle entretient cette vision décalée de la vraie vie, mais sa rencontre avec Gertrude fait ressurgir des souvenirs d'enfance, ce qui lui permet de revisiter sa vie avec ses échecs et ses vides, de remonter le temps mais le concept d'invisibilité devient carrément surréaliste. Ainsi remet-elle en cause les apparences, introduisant l'image du masque déjà suscitée dans l'exergue d'Oscar Wilde, où les mirages s'évanouissent et se révèlent les vraies personnalités .
Mais l'écriture est un phénomène facétieux et les personnages du roman de Sigrid reprennent en quelque sorte leur liberté, modifiant son idée de départ, sans doute à cause de ce qu'elle vit au quotidien dans cet hôtel avec notamment la transformation de la pharmacienne qui, déçue par sa vie, s'érige en détective mais surtout perd la tête pour l'archéologue. le moins que l'on puisse dire est que Christophe Carlier sait mesurer son effet, distiller le suspense et embrouiller les choses puisque le fameux « roman à l'eau de rose » n'est pas vraiment là où on l'attend. Les choses s'inversent quelque peu et si dans son roman, le mariage de Priscilla, si longtemps désiré, est compromis par une passade de dernière minute, à l'inverse, ce que vit Sigrid avec Gertrude , ses états d'âme, ses projets fous, ses fantasmes amoureux, les attitudes volontairement provocatrices, ses espoirs, la nostalgie et les départs annoncés, connaît carrément l'ambiance d'un de ses ouvrages. Dans ce microcosme, des idylles se font et se défont, amours de vacances ou simple passades d'un moment, retrouvailles quasi-miraculeuses auxquelles on a un peu de mal à croire même si on se persuade que le monde est petit, que le hasard fait bien les choses ou qu'il y a un Cupidon qui veille sur le destin des amoureux, un retour d'affection de deux époux après un épisode adultère, le tout sous l'oeil inquisiteur d'observatrices inhibées, bref une vraie ambiance à « l'eau de rose ». La différence d'âge et de goûts entre Sigrid et Gertrude et le temps qui passe annoncent l'épilogue ; Pour autant, je veux bien que nous soyons dans une fiction, mais cette rencontre entre des personnages qui n'avaient à priori aucune chance de se croiser me laisse dubitatif. On peut y voir une pirouette de Carlier, une volonté d'embarquer son lecteur dans un autre univers, de jouer sur des situations improbables, de conclure sur le mode « happy end », pourquoi pas ? C'est tout juste si on ne nous prononce pas à la fin la traditionnelle phrase « Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants » comme dans les pires romans à l'eau de rose. Je suis peut-être passé à côté de quelque chose mais ce livre ne m'a pas vraiment convaincu, même si par ailleurs je n'ai pas détesté de nombreuses autres qualités de ce roman .
Je remercie Babelio et les éditions Phébus qui m'ont permis de découvrir cette oeuvre. J'ai quand même retrouvé avec plaisir le style fluide et poétique de cet auteur qui ne m'était cependant pas inconnu puisque ses romans ont déjà fait de ma part l'objet de nombreux commentaires (La Feuille Volante n° 1058-1083-1103-1210).
©Hervé GAUTIER – Janvier 2019.http://hervegautier.e-monsite.com
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critiques presse (2)
Actualitte
16 mai 2019
Surprenant et inattendu, cet ouvrage réinvente véritablement le genre du roman rose, souvent tributaire des préjugés que nous en
Lire la critique sur le site : Actualitte
Culturebox
05 février 2019
Un roman parodique, peuplé d'une galerie de personnages pittoresques, où l'eau de rose vire parfois au vinaigre. Réjouissant.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
De tous les services que peuvent rendre une chaise et un bureau, le plus précieux est sans doute, à certaines heures interminables, de maquiller l'attente en activité.
Elle posa devant elle un pétale qu'elle avait ramassé sur le chemin, un caillou bistre et diapré, une pomme de pin tiédie par le soleil. Dans cet hôtel dénué de bibliothèque, ces trois amulettes remplaçaient les livres et recréaient son univers.
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En général, lorsqu'elle était installée dans un nouveau lieu, pour peu qu'il soit lesté d'irréalité, de déraison, comme l'était cet hôtel anachronique, une phrase se formait en elle.
La première phrase d'un roman dont elle ne savait rien.
Imprévisible, banale en apparence, mais enfermant en elle une chimère, une vibration. Si insipides qu'ils puissent paraître aux néophytes, ces mots-là remonteraient un ressort dont la détente la propulserait à coup sûr vers une fin heureuse.
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Les langues étrangères la fascinaient autrement. L'allemand lui plaisait comme un bois hirsute, l'anglais comme une plaine venteuse le latin comme une citadelle invincible. L'étude la protégeait des questions d'autrui.
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Sigrid se savait plus tenace qu'un chien courant. Il suffisait que le hasard lance, d'une main invisible, une balle en l'air et elle filerait, oreilles baissées, la rattraper.
Une fois qu'elle tiendrait son accroche, tout deviendrait facile. Elle écrirait avec ardeur, à la diable, sans se retourner, renvoyant à plus tard les hésitations et les repentirs, les relectures et les ajustements.
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Depuis plusieurs années, elle s'était vouée à la littérature sentimentale. Faute d'appartenir à la race dorée des auteurs à succès qui collectionnent les prix et campent à la télévision, elle se cantonnait à un genre mineur, le roman rose, décrié mais indispensable à notre époque où le rêve est rare.
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