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Voici un hymne à la vie sauvage. le style de l'auteur peut paraître un peu mou au départ mais rassurez-vous, il monte en puissance au cours de la lecture.

Le narrateur, un musicologue, s'ennuie ferme dans sa vie d'intellectuel New-yorkais. Les gens qu'il y rencontre sont superficiels. Par hasard on lui confie une mission pour le compte d'une université : aller chercher des instruments de musique primordiaux au fin fond de la forêt équatoriale.

Pas très chaud au départ, il se dit que finalement, le billet lui est payé et que cela fera une espèce de distraction dans sa vie. Il arrive au Venezuela (ce n'est pas dit textuellement mais on le devine très bien) pile au moment où un putsch est en cours dans la capitale qu'il est obligé de quitter manu militari avec sa maîtresse New-yorkaise qui s'appelle Mouche et parle le français.

Après avoir un temps songé à seulement passer des vacances et acheter chez le premier marchand de babioles les instruments qu'il était venu chercher, il décide finalement de se rendre en forêt pour essayer d'en trouver de vrais.

Peu à peu il se trouve envoûté par la nature et par les gens qu'il rencontre : nature très rude mais belle, gens très rude mais vrais. Son acolyte devient une véritable gène. Dans le même temps, il rencontre une indigène envers laquelle il ressent de plus en plus d'attirance. C'est bientôt la fin de son histoire avec la New-yorkaise et le début d'une autre avec l'indigène, de plus en plus profond dans la forêt, avec de rudes explorateurs et des amérindiens.

Je vous laisse ici sur la pirogue, si vous souhaitez découvrir la fin de l'histoire. Notez simplement que le titre original " Los Pasos Perdidos " est plus évocateur et plus subtil que le titre français. le traducteur a renoncé à le transcrire directement sous la forme " Les Pas perdus " car le terme " paso " signifie aussi " passage " et les deux sens sont importants (aspect temporel et aspect spatial).

La morale de l'histoire pourrait être " saisir l'instant avant qu'il ne disparaisse à jamais ", du moins c'est ma vision sortie des eaux, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Fruit de ses excursions dans la grande savane vénézuélienne et champ d'expérimentation de son réel-merveilleux, ce roman d'Alejo Carpentier relate les aventures d'un musicologue qui fuit la grande ville déshumanisée et découvre un prometteur continent vierge et idéalisé, véritable voyage introspectif dans l'espace et le temps. le monde américain primitif y est magnifié pour les potentialités qu'il recèle.
L'écriture hautement érudite, le mystère du récit, les références mythologiques enlacent le lecteur pour mieux le déstabiliser et l'emmener dans une quête orphique. La langue narrative est incroyablement caribéenne, faite de dérives baroques et de distorsions, rythmée par la répétition de motifs telle une respiration.
Ce voyage aux confins de l'humanité, du temps et de la musique s'effectue par étape, chacune spatialisée, dont l'histoire, la géologie et la culture semblent cristallisées et dont la composition romanesque devient la métaphore d'un temps mythique. Ces étapes sont autant de caps existentiels que le voyageur franchit. Lui-même enchâssé dans un temps comme suspendu, il revient en lui-même sans échapper à l'échec, notamment sentimental, mais poursuit ses « pas perdus ».
Ce voyage qu'Alejo Carpentier nous invite à partager nous signifie que nous sommes contemporains de tous les temps de l'homme et que l'opposition entre civilisation et barbarie est vaine. Ce monde des « pas perdus – pasos perdidos » où le temps, l'espace, les valeurs, le progrès sont bousculés raconte un univers latino-américain résolument hybride, remettant en cause la solidité d'une modernité univoque, orpheline de ses origines.
Le partage des eaux a contribué à installer la notoriété internationale d'Alejo Carpentier. A très juste titre.
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Après avoir terminé la lecture de ce livre, je n'ai tout d'abord pas su comment l'interpréter. J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'un hymne à la vie sauvage, dans la mesure où le lecteur est, après un début un peu lent, plongé au coeur de la forêt amazonienne, avec sa sauvagerie mais aussi ses curiosités remarquables, puis les choses sont devenues progressivement plus claires dans mon esprit.

Le titre original de l'ouvrage est « Los pasos perdidos » ce qui signifie « les pas perdus », expression que j'interprète à la fois comme « la perte du passage » (l'auteur ne parviendra en effet pas, à bord de sa pirogue, à retrouver « la porte », c'est à dire le passage qui lui permettrait de rejoindre sa compagne, la belle Rosario) mais aussi comme « le temps perdu » (l'auteur, pétri de civilisation occidentale, se rend compte que, depuis des années, il vit en mode « décalé » par rapport à la réalité et au sublime qui lui sont offerts par la forêt primitive).

Dans un style fouillé, constellé de références littéraires, musicales et historiques, Alejo Carpentier, nous fait toucher du doigt ce qui est pour lui une bien triste évidence : la réalité de la vie occidentale est sale, décevante, terrifiante et incompréhensible, alors même qu'il existe à portée de mains un monde beau et vrai, primordial, sans artifices. Ce monde mythique ne nous est accessible qu'au prix d'épreuves : les chapitres du récit sont l'occasion de voir passer notre héros (l'auteur) d'événements en événements jusqu'à une ultime tentative de renaissance en un homme nouveau, pur et vrai. Mais cette tentative ne sera pas couronnée de succès et, tel Sisyphe, notre héros (l'auteur) devra recommencer depuis le début et redoubler d'efforts : mais ce sera peine perdue, et Alejo Carpentier nous montre que l'homme occidental est victime d'une forme supérieure d'aliénation.

Dans ce livre, le voyage n'est qu'un prétexte : les épreuves constituent une étape obligatoire dans ce processus de renaissance. La forêt amazonienne est la matrice originelle d'où la vie est issue : pour renaître, encore faut-il s'oublier au coeur de cet espace sauvage où le temps perd de sa linéarité (que sont le passé, le présent et le futur dans la moiteur et l'éternité de la forêt primitive ?) et gagne en épaisseur (l'air n'est-il pas chargé de poussières, d'insectes et d'odeurs ?). le personnage principal est anonyme : il n'est en effet nul besoin de donner un nom à cet homme qui est en recherche de la vérité, de la beauté et de lui-même, car derrière cet homme c'est en fait chacun d'entre nous qui se cache. La musique joue un rôle important dans ce livre : l'auteur, comme notre héros, est musicologue, et il resitue l'évolution musicale (de l'origine du son brut aux richesses de la musique contemporaine) dans son contexte et dans sa dimension universelle, s'agissant de traduire au final des émotions intemporelles : joie, peur, désir, mort … Or, s'agissant de provoquer des émotions, la forêt primitive n'est pas en reste ! Elle est même capable de toutes les prouesses, quitte à recourir à la magie : d'ailleurs, notre musicologue n'hésite pas à entreprendre la composition d'un thrène pour faire en sorte que ressuscite enfin l'homme primordial et qu'il soit comme Adam et Eve avant le pêché, au pays du réel merveilleux, au « pays de l'Immuable » comparable au Quatrième jour de la Genèse.

D'aucuns trouveront peut-être le style d'Alejo Carpentier un peu mou, mais, dans la chaleur et l'humidité constante de la forêt amazonienne, pouvait-il utiliser un style dur, incisif et rapide ? En guise de conclusion, voici un livre qui oppose la vie de l'homme urbain et la vie de l'homme véritable : la vie du premier est caractérisée par des artifices (la ville est un simulacre où chacun agit, comme Ruth, actrice, derrière un masque), la routine désespérante , la solitude, l'errance, la violence, la perte de sens (que d'autodafés au début du 20ème siècle) et l'emprisonnement, quand celle de l'homme véritable, nettoyé de ses oripeaux, est caractérisée par la pureté de la forêt primitive, un monde beau et vrai, primordial, sans artifices. Une utopie ? Certes. Mais ne nous faut-il pas rêver de temps en temps ?
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Le partage des eaux d'Alejo Carpentier
Un homme revient dans une maison à colonnes blanches après plusieurs années. Sa femme est une actrice très occupée, lui fait un boulot qu'il trouve sans intérêt, elle part en tournée, il a deux mois devant lui suite au succès de son film, quand il rencontre fortuitement le responsable du musée organographique lui demandant où en sont ses recherches, il ne sait pas qu'il a tout abandonné depuis longtemps. Il lui propose un travail sur les instruments de musique indigènes. Il part avec Mouche sa maîtresse dans un pays indéterminé où la révolution explose le lendemain de leur arrivée. Ils entreprennent une odyssée à la lisière de forêts vierges à la recherche d'instruments de musique indigènes originaux alors qu'ils avaient envisagé de simplement profiter d'être payés pendant deux mois et ramener n'importe quels objets. Au son de la neuvième symphonie de Beethoven ils arrivent dans un lieu qui s'était développé sur le pétrole « vaste danse de flammes qui claquaient au vent ». Une auberge remplie de prostituées, Yannès, un homme chercheur de diamants, et dans un exotisme exubérant, Carpentier nous mène dans une danse folle et musicale en un délire d'une érudition étourdissante. La descente du fleuve continue laissant place à des villes fantomatiques. Mines abandonnées, pulsions sexuelles. Mouche malade du paludisme, il repart puis s'enfonce dans la forêt avec Rosario sa nouvelle amante. Yannes cherche toujours des diamants dans une humidité prégnante. Ruth pendant l' absence de son mari a prévenu la presse de sa disparition avec prime à qui le retrouverait.
Roman foisonnant par Alejo Carpentier, l'homme par lequel arriva le réalisme magique. On passe de New York au Venezuela dans une sorte de conte initiatique au fur et à mesure que le héros retrouve la nature vierge. On est au coeur du mythe de l'Amérique latine avec cette langue si particulière qui peut facilement rebuter. Mon livre préféré chez cet auteur.
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Je ponds très peu de compte-rendus post lecture sur Babel.
2 en quelques semaines, c donc étonnant. Étonnant surtout de constater que les deux bouquins mettent en scène la même idée. le retour aux sources, vers un paradis perdu où le langage - hyper-structure dérisoire - n'a pas encore montré son insignifiance.
But mieux atteint par Jean Hegland, très probablement parce que son texte transporte une époque plus en adéquation avec la mienne. Mais là on parle d'efficacité et ce n'est pas raisonnable. Parce que "Le Partage des eaux" est une oeuvre impressionnante, un travail d'orfèvre, énorme tant sur son style et sa forme, pour ce que j'ai réussi à en percevoir.
Ce qui m'a chouïa rebuté : les longues digressions de l'auteur, mais n'est-ce pas ça la littérature ?
Grand intérêt pour moi : l'auteur, et aussi le principal protagoniste, sont musicologues.
Aussi ai-je pu déguster une nouvelle vision de l'intérieur, d'un de ces "musiciens de tableau noir", musiciens classiques d'alors, un peu pompeux... Initiés à des choses élevées ;-) Alors qu'ils ne faisaient trop souvent qu'ânonner des machins pré mâchés par les maîtres précédents, et ainsi consolider la musique d'archive, les "conservatoires", etc...
Sentiment qui transparaît un peu plus lorsque qu'Alejo tente d'expliquer d'où vient l'art musical et pense avoir trouvé sa source dans une tribu d'Amazonie, pour ainsi dire isolé le point de départ de la Messe en Si de JS Bach. Exercice littéraire où on sent bien que Carpentier ne se prend pas si au sérieux que cela et où on peut surtout admirer les analogies qu'ils développe, la recherche sur une forme de verbalisation de la musique, musique qui me semble être plus appréciée aujourd'hui comme une mathématique des sons, des rythmes et des intervalles, moins sacralisée qu'alors.
Tout ceci a vieilli, fait penser à Rebatet, aux "élitismes" d'alors...
Là, aujourd'hui, maintenant, tout de suite... je ne puis m'empêcher de ressentir un peu cela comme la réverbération de ces prétentions anthropomorphiques de "La Belle Epoque", suffisances qui ont conditionné le monde d'aujourd'hui. Celui d'hommes devenus virus d'une planète isolée, faibles lueurs surgies pour un instant du néant de l'inconscience... Et qui se ruèrent vers l'existence matérielle. Pour paraphraser Sakharov et aller dans le même sens que le message que l'on peut percevoir dans "Le partage des eaux". le jardin d'Eden à de beaux jours devant lui.

D'autres extraits ci-dessous
Lien : https://filsdelapensee.ch/
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Le narrateur étouffe dans sa petite vie, entre un travail purement alimentaire, sa vie conjugale avec une comédienne qu'il ne fait que croiser, et sa maîtresse qu'il n'aime pas vraiment. Musicien de formation, il se voit proposer par son ancien maître, Conservateur du musée organographique une expédition en Amérique du Sud, afin de trouver des instruments primitifs, qui permettrait de vérifier une théorie musicologique sur l'origine de la musique. Sa maîtresse, Mouche le décide à accepter, dans le but de se faire payer le voyage à deux, la recherche des instruments ne figurant pas vraiment dans le projet du couple. Notre duo arrive dans une ville d'Amérique du Sud, une révolution intervient, pour la fuir ils se dirigent dans une plus petite bourgade. Chemin faisant, aussi grâce aux rencontres qu'il fait, le narrateur se décide à aller chercher pour de bon les fameux instruments, ce qui se révélera finalement pas trop difficile. Mais ce n'est pas là que prendra fin le périple du narrateur : il va aller dans une ville fondée tout récemment dans la jungle par des courageux explorateurs, un lieu qui n'existe sur aucune carte, quelque chose en train de se construire à partir de rien. Il a abandonné Mouche en chemin, et fait la rencontre de Rosario, amour bien différent de ceux qu'il a connu jusqu' à maintenant. Mais la civilisation qu'il a fuit se rappelle à lui. D'abord dans le désir de composer, qui revient dans le désert, et pour lequel il manque de papier. Ensuite, sous la forme d'un avion venu le chercher. Il revient à la civilisation, de façon temporaire pense-t-il. Mais le retour dans le paradis perdu est-il possible ?


Roman baroque, foisonnant, dans lequel les thèmes et les motifs s'entrecroisent, comme dans la cantate que veux composer le narrateur. Impossible de les citer tous. La vie dans une grande ville moderne s'oppose à la vie dans la jungle, où tout ce qui compte est ce qui permet de survivre d'une façon quasi physique, et le reste est superflu. Mais où s'arrête l'essentiel et où commence le superflu. Où finit la nature et où commence la culture. Où s'arrête la liberté et où commence la contrainte. le partage des eaux est le roman de la complexité des aspirations humaines, de leurs contradictions, de leur éternel inassouvissement. Un très beau voyage, dans l'espace et dans les méandres des âmes humaines.
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Avant d'entamer la lecture de « Le partage des Eaux », j'ai dû me documenter, car de prime abord cette lecture me paraissait trop cryptique, trop complexe.
Une fois le roman mis dans un certain contexte, j'ai vu nettement plus clair : Carpentier fût un grand voyageur, musicologue, écrivain, immiscé de plein dans le surréalisme à Paris entre 1928-39 tout en étant fasciné par le baroque; il résida à Caracas (Vénézuela) pendant plusieurs années, a fait deux voyages d'exploration en Amazonie; il fût initié à l'Anthropologie par son amitié avec Levy Strauss et surtout Michel Leiris; il possédait une immense culture générale, surtout musicale. A noter que ce roman été écrit pendant la période sombre du début des années 50.
Il était très lié à Robert Desnos et au mouvement des surréalistes qui, entre autres choses, cherchaient le réel merveilleux; Carpentier expliquait que ce concept, de réel merveilleux, existait de façon intrinsèque dans toute l'Amérique Latine.
Lors de son séjour au Venezuela, il a fait 2 voyages en pirogue, avec 2 amis, au coeur de l'Amazonie, afin de s'approcher de quelques tribus primitives et d'étudier leur approche à la musique.
Cette expérience l'a marqué de façon très forte; il a d'ailleurs écrit que cette rencontre avec la Nature a été digne du quatrième Jour de la Création, un jour complètement baroque nécessitant un langage tout aussi baroque pour pouvoir être décrit. Carpentier affirmait que dans la profondeur de la jungle il avait entendu tous les sons déjà connus par l'Homme.
L'un des sujets de ce livre aborde la confusion entre le réel et la fiction, entre le naturel et l'artificiel, entre la vérité et le mensonge, entre l'authentique et le faux, entre visage et masque.
Mais le grand thème est le métissage culturel, et cette idée, selon les experts, a permis d'élargir le genre littéraire en Amérique Latine.
« Le partage des Eaux » est un roman d'apprentissage avec un voyage initiatique qui est écrit comme un journal de bord. le protagoniste, sans nom, part à la recherche, tel un Ulysse américain, d'une musique primitive et de ses instruments. Pour cela, cet homme va s'éloigner de la tradition occidentale; après une prise de réalité avec l'Amazonie, il fera un retour en arrière, vers les origines du Monde, vers la Genèse.
Comme dans la Genèse, le texte s'articule en 6 grands chapitres divisés en 39 séquences qui vont donner une entité cyclique. L'axe structurel du roman est la réversion du temps, car le protagoniste fait un voyage qui l'éloigne, peu à peu, du temps réel.
D'autre part, le réel merveilleux est au centre de l'oeuvre de Carpentier, un concept qui lui permet une mise à distance avec l'Occident; c'est le syncrétisme des cultures américaines, résultat d'une perception du temps différente.

LE PARTAGE DES EAUX: un protagoniste sans nom, musicien, est un homme malheureux, un artiste frustré dont la vie monotone s'écoule entre une épouse (Ruth) qu'il n'aime plus, et une maitresse (Mouche) avec laquelle il n'a que des ébats physiques.
A l'occasion d'un congé de 3 semaines on lui demandera de partir au coeur de la forêt amazonienne à la recherche d'instruments de musique au sein des peuplades primitives.
Il partira avec Mouche, une femme exubérante qui se prend pour une intellectuelle en Astrologie, surréalisme et happenings. Mouche ne résistera pas physiquement au voyage.
Au cours de cette traversée, le protagoniste connaitra et aimera Rosario, une métisse ( c'est le personnage inspiré d'une indienne de la tribu piaroa que Carpentier a photographiée et qui a servie pour la description physique de Rosario), une femme de la jungle, sensuelle, en parfaite harmonie avec le paysage et le mode de vie au sein du village fictif de Santa Monica de los Venados. Rosario synthétise le métissage culturel et physique de l'Amérique Hispanique, ce que Carpentier appelle « le paysage culturel du réel merveilleux ».
A chaque étape du voyage, le protagoniste rétrocède dans le temps : du contemporain, il passe au temps de son enfance et plus loin, il va se situer des siècles en arrière par un procédé d'analepse, travaillant la mémoire avec une mise en abîme.
C'est une fabuleuse aventure, mais dangereuse, que le protagoniste-musicologue décrit comme une symphonie avec pléthore de sons en même temps qui évoque les grands thèmes de l'Apocalypse.
Il y a d'autres personnages qui symbolisent plutôt des idées, Carpentier n'étant pas intéressé par l'étude psychologique ni par les descriptions physiques détaillées.
Au fond de la jungle, le protagoniste trouvera un vrai foyer, une vie naturelle, le bonheur d'aimer et la liberté de créer sa musique (Carpentier nous livre sur un plateau l'idée rousseaussiste du « bon sauvage »?).
Mais le destin a décidé autrement.
Un retour temporaire à la civilisation prend un ton nettement surréaliste, utilisant le flux de conscience et l'écriture automatique.

Quel roman complexe, riche, symbolique, faisant état de l'immense culture de l'auteur.
J'ai été frappée par la surabondance dans le texte du chiffre 3. Si je ne me trompe, au moins 14 fois ce chiffre est attaché à l'action ou à l'énumération de quelque chose. Ceci a-t il une connotation maçonnique, comme par exemple les 3 degrés qui mènent aux 3 Lumières ?
Alejo Carpentier a réalisé une triple fonction en tant qu'écrivain américain : il a été romancier, chercheur et historien.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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C'est une lecture difficile que j'ai peut-être abordée à la légère. Mon impression est mitigée. D'un côté, j'ai le sentiment d'avoir eu entre les mains un texte formidablement intelligent, de l'autre je me suis quand même ennuyée ferme. Trop érudit, de nombreuses références m'ont échappé. le texte est beau mais exigeant et les digressions et les descriptions interminables. J'ai failli l'abandonner à plusieurs reprises et j'ai piqué du nez tous les soirs. Il faut être un fin mélomane pour apprécier les nombreux passages sur telle ou telle pièce de musique, les listes d'instruments etc. et si vous ne connaissez pas le latin, dommage car cette édition de 1956 n'a pas prévu d'éclairer le lecteur. Alors, que dire… Oui, l'écriture de Carpentier (et de son traducteur) est poétique et savante, et je n'ai certainement pas saisi où il voulait m'emmener, mais aucun moment je ne me suis réjouie de reprendre ma lecture et l'histoire ne m'a pas passionnée. Il me reste un sentiment d'échec, car j'ai finalement laissé tomber à 100 pages de la fin.
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Je connais peu la littérature sud-américaine. Une amie espagnole me l'a conseillé et j'ai été conquise par le rythme lent et suave, les images qui prennent le temps de se dessiner et de s'ancrer. J'ai voyagé, loin de chez moi, mais aussi dans une façon d'être au monde inconnue pour moi.
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Un musicologue et compositeur hispano-américain évoluant dans un milieu très civilisé et cultivé, quitte la ville anonyme pour s'en aller dans les immensités solitaires de la forêt vierge du Venezuela, afin d'étudier pour le compte d'une université les instruments de musique indigènes et primitifs


Le partage des eaux est le roman le plus autobiographique d'Alejo Carpentier. Cette plongée dans un présent immuable, loin du simulacre social de la civilisation moderne est l'occasion pour le personnage du récit d'une révision de son sens des valeurs par le retour à la vie primordiale. Ce roman qui prend la forme d'un récit de voyage parle dépaysement qu'il entraîne et aussi un roman de formation par le changement progressif du regard et de l'attitude du personnage plongé dans un univers qui ne lui est pas coutumier.
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