Ayant étudié un peu la criminologie, je m'étais attendu en achetant ce livre à une investigation policière passionnante, d'un genre inédit, contenant une approche psychologique rigoureuse de la personnalité d'un tueur.
Et il y a en effet des passages intéressants, où l'on s'intéresse aux mobiles du crime à travers l'identité de la victime et le modus operandi de l'assassin.
Mais j'ai fini par être révolté par la façon dont l'auteur s'attarde, froidement et complaisamment, sur les facettes les plus sordides et les plus répugnantes de la société américaine de cette fin du 19ème siècle (notamment les scènes de prostitution qu'il semble observer au microscope). On me rétorquera qu'on ne lit pas un roman policier de ce genre si l'on n'a pas le coeur accroché... soit... mais j'estime que, dans le cas présent, le côté poisseux du récit l'emporte sur la volonté d'investigation, et que Carr aurait pu nous épargner certaines choses en mettant l'accent sur une réflexion plus centrée. L'auteur s'épand sans états d'âme sur des histoires d'injustices, de misère et d'horreurs, jusqu'à l'écoeurement, sans que cela fasse avancer l'enquête, comme s'il croyait que nous enfoncer la tête dans les immondices de l'âme humaine accroîtrait notre champ de perception. Est-ce vraiment le cas ? C'est peut-être cela que
Nietzsche appelait « la blessante clarté ».
J'ajoute à cela que les personnages sont tous falots, inconsistants (un peu comme ceux de
Bernard Werber d'ailleurs) ou alors carrément antipathiques. le narrateur m'apparaît de son côté comme un petit coq mondain et emprunté auquel je n'aurais jamais pu m'identifier.
Et puis la narration est d'une longueur ! Quelle pesanteur au fil de ces pages ! C'est lourd, traînant, engoncé ... j'ai fini par me lasser de ce pavé.
Le récit bénéficie d'une documentation remarquable, soit, avec un luxe de connaissances détaillées. Carr fait aussi preuve d'une acuité de vue incontestable quand il établit une corrélation directe entre les moeurs sociales (avec leur arsenal de conventions et de préjugés) et la criminalité. Mais cela ne suffit pas à faire un bon livre. Quelque chose là a été gâché.
Je ne suis pas ici pour juger du talent de l'auteur, mais j'ai détesté son style; au final son bouquin m'a agacé et laissé une impression profondément déplaisante. C'est dommage car les filons recélés dans ce roman auraient pu donner un résultat prodigieux.