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Anne Cohen-Beucher (Traducteur)
EAN : 9782874264887
112 pages
Alice (28/04/2022)
3.81/5   13 notes
Résumé :
Prise dans la tourmente des expulsions et de la crise immobilière en Espagne, Olivia, 11 ans, va prendre en charge sa famille et particulièrement le bien-être de son petit frère.
Olivia a 12 ans quand sa vie bascule. En fait, elle n'a pas basculé d'un coup, mais elle a été rongée petit à petit. D'abord, elle découvre que sa maman ne paie plus la cantine ni les frais de scolarité. Ensuite, on leur coupe l'électricité dans l'appartement. Puis c'est le chauffage... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Incontournable Mai 2022


"La vie est un film" est d'origine catalane ( Espagne) , et sa version française fait parti de la collection Deuzio aux éditions Alice. J'aime bien découvrir les romans qui nous viennent d'ailleurs que des States, de la France ou du Royaume-Uni, largement sur-représentés en Jeunesse. Et puis, ce roman me semble être un clin d'oeil sympathique au film Italien "La vie est belle", dans lequel un père juif prétend à son jeune garçon qu'ils sont dans un vaste jeu, alors qu'ils sont en réalité dans un camp de concentration nazi. Dans ce roman, il s'agira plutôt d'une grande soeur qui fait croire à son petit frère que tous les déboires qui leur arrivent est en réalité le scénario d'un film secret dont il est le héro.


Olivia a douze ans, elle est la fille d'une actrice et vit à Barcelone. Malheureusement, Ingrid Porta ne reçoit plus de contrats et son dernier rôle célèbre s'est soldé par la mort du personnage. Les factures s'accumulent, l'électricité leur est coupé dans leur appartement et les frais scolaires sont en défaut de paiement. Bientôt, la petite famille est évincée. Afin de minimiser l'impact de leur situation précaire, Olivia a l'idée de faire croire à son frère Tim, qui a 7 ans, que tout cela est voulu. Il serait, en réalité, au centre d'un plateau de tournage grandeur nature, avec des caméras cachées guettant ses moindres faits et gestes, le tout en vu de faire un film très réaliste, qui sortira aux États-unis. Olivia va même jusqu'à écrire des lettres des "producteurs secrets" pour que ce gros mensonge soit crédible. Tim est emballé à l'idée de devenir acteur et se prête au jeu. Ce qui n'est pas pour déplaire à la grande soeur, alors que sa famille se retrouve logée dans un appartement illégalement. Heureusement, les gens autours d'elle se montrent solidaires et compatissants, habitués de la pauvreté et habités d'une grande empathie. Même son de cloche à leur nouvelle école. Mais Olivia jongle avec des soucis d'adultes, car sa mère s'enfonce dans une grave dépression. Elle devient alors responsable d'un grand nombre de choses, connait certaines moqueries du fait d'être une fille de l'Eixample ( L'un des dix districts de Barcelone plus nantis) et craint que l'état de sa mère signifie un placement en famille d'accueil. Il faudra nombre d'idées et d'audace de la part des deux enfants pour se sortir de cette situation et garder espoir de retrouver leur sécurité familiale.


Déjà, j'apprécie qu'on ait des romans jeunesse pour traiter un sujet comme la pauvreté et ses nombreux impacts. C'est également intéressant de voir que si certaines structures économiques et juridiques semblent exacerber le problème de la pauvreté, il y a certaines structures qui elles, tendent à la rendre moins difficile à vivre. Je pense aux personnages comme Mamafatou, qui a été un pilier de support affectif pour les enfants, ou Maria, la directrice d'école qui a été présente pour les deux enfants et a facilité leur intégration scolaire, ou même l'assistance sociale Carmen, qui semble être contre eux, mais qui veille surtout à ce que la famille rebondisse. Il y avait de l'entraide, de la solidarité et du support, en dépit des problèmes. Étonnant, quand on y songe, que ce soit précisément les personnes les moins nantis qui sont paradoxalement souvent les plus mobilisées pour aider son prochain. En même temps, et le roman l'illustre bien, la collectivité a souvent plus de force dans l'adversité que la force individuelle.


L'aspect qui marque le plus, je trouve, est la "parentification" d'Olivia, un phénomène bien réel qui peut se former pour plusieurs raisons. Ici, c'est essentiellement parce que le parent est indisponible psychologiquement et physiquement. L'adolescente se retrouve avec une charge mentale qui ne devrait pas lui revenir et qui peut être dommageable pour une jeune personne, comme les taches domestiques, les finances, le bien être de son frère, etc. C'est lourd à porter et cela compromet la réussite scolaire d'Olivia, en plus. J'aime bien qu'on aborde ce sujet précis dans un roman jeunesse pour que les enfants et ados qui le vivent au quotidien comprennent que ce n'est pas normal et peuvent trouver de l'aide, et pour celles et ceux qui ne le vivent pas, de développer une sensibilité à ce phénomène ( qui ne touche pas que les gens pauvres, d'ailleurs).


La santé mentale est un autre axe majeur, avec Ingrid. Aussi positive et débrouillarde soit-elle, la dépression lui est tombée dessus. Elle n'épargne pas les optimistes, les travailleurs et les joviaux, comme elle n'épargne pas les parents. Dans le roman, ça se solde en hospitalisation. La dépression est une maladie, ça ne se soigne pas en poussant dans le dos de la personne ou en l'invectivant, ce qui ajoute une bonne couche de culpabilité pas franchement constructive. Cacher aux gens l'état de la personne non plus, Olivia l'apprendra bien vite. Mais au-delà de tout cela, ce que perçois également dans l'histoire, est le fait que beaucoup de gens ignorent ce qu'est la dépression et à quoi on peut la reconnaitre. Ce n'est donc jamais de trop d'en traiter dans la littérature.


Reste que pour des thèmes lourds, le tout revêt un côté léger et presque bonenfant parfois. Tim y est pour quelque chose, mais la prise en charge et la sollicitude des personnages secondaires y est pour beaucoup.


À travers les mailles, on entraperçois aussi le volet familiale idéal, avec le personnage de Sergio, qui se profile comme le "papa" désiré des enfants ( surtout Tim). Il a son importance, surtout à la fin.


En parallèle de la trame principale, nous avons quelques personnages qui ont leur chapitre et qui donnent un angle différent sur la situation de la famille. Surtout des femmes proches, mais également Sergio à la fin. J'aime ce genre de compléments, ça nous donne une perceptive différente, que le narrateur pourrait ne pas tenir compte ou dont l'avis général diverge, comme pour la voisine, qui a de sérieux préjugés.


Un dernier petit détail qui m'a semblé intéressant est le concept de famille du point de vu de Mamafatou, dans le chapitre dont elle est la narratrice. Ce qu'elle évoque est ce qu'on appelle communément de la polygamie, qui est interdite dans plusieurs pays occidentaux et orientaux, mais qui se pratique dans certains pays africains. Ce qu'elle explique me semble pertinent, en ce sens où il y a un aspect collectif dans l'éducation des enfants et un amour maternelle partagé entre les femmes et les enfants. Un amour qui ne se limite donc pas aux enfants biologiques, mais également aux enfants des autres femmes. Comme nous avons tendance à nous braquer dès que ce qui constitue la norme ne l'est plus, j'estime qu'il est donc important justement d'avoir des personnages qui ne sont pas dans la norme ou traite de sujet hors-norme. Ça nous permet de s'ouvrir à des pratiques qui sont différentes. Je ne dis pas que la polygamie est plus censée que nos structures familiales bigames, mais il y a un élément intéressant qu'en au pouvoir du groupe parental évoqué par Mamafatou et qui explique pourquoi elle ne voyait aucun inconvénients à prendre soin et aimer les deux enfants Porta autant que les siens.


Finalement, le tout se lit facilement, les chapitres sont courts, le vocabulaire accessible, le récit fluide. Comme nous sommes dans la tête d'Olivia, nous avons un aperçu de son ressenti. Certains termes juridiques et financiers sont évoqués, mais on s'y retrouve.


Le simple fait d'être à Barcelone m'a semblé rafraichissant, même si cette histoire aurait pu être aussi bien à Montréal qu'à Paris, puisque nous avons des instances sociales et filets sociaux similaires. Et le visage de la pauvreté urbaine me semble également similaire. Ce fut une lecture touchante et pertinente, agrémenté de péripéties étonnantes et enrobé d'une chaleur humaine presque constante. Certains trouveront peut-être la fin commodément positive, alors que dans la vraie vie c'est peu souvent le cas, mais comme le dit si bien Olivia, parfois, on aime les fins heureuses, même quand on sait que dans une vie, la suite ne sera pas forcément toujours heureuse.


Ah! À ce sujet, la phrases qu'elle a mise dans son avant dernière missive de la part des Producteurs secrets, "Comme tu sais, nous sommes américains et chez nous, tout est toujours possible", m'a bien fait rire. Je constate que de part le monde, les USA reste la terre de toutes les promesses, alors que quand on les côtoie de près, on sait que c'est totalement faux. Les États-Unis, comme le reste du monde, connait sa part de problèmes sociaux et la pauvreté peut y être extrême, dans certains États et villes. Mais bon, dans les films et dans l'imaginaire international, les USA incarnent un idéal de liberté et j'imagine que ça le restera encore un moment.


À voir!


Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.
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Lu dans le cadre du Prix UNICEF de littérature jeunesse 2024 consacré à la pauvreté, "La vie est un film" colle parfaitement à la thématique. Merci à Alice éditions de m'avoir permis de le découvrir !

Olivia, 12 ans, doit faire face à une situation aussi soudaine que dramatique : suite à la perte de son emploi, sa maman ne peut plus payer l'électricité, l'école, le gaz... et la situation ne fait que s'aggraver : les voilà expulsés de leur appartement.

Ce roman m'a fortement évoqué "Partis sans laisser d'adresse" de Susin Nielsen qui met aussi un enfant dans le rôle du chef de famille face à un adulte défaillant, mais aussi "La vie est belle" de Roberto Benigni car Olivia trouve encore l'énergie mentir à son frère pour le protéger.

La relation entre le frère et la soeur est d'ailleurs très réussie et souvent touchante. Alors oui, il y a quelques raccourcis. Mais le sujet, grave et d'actualité, est plutôt bien traité. Maïté Carranza dénonce avec force le rôle des banques dans la faillite de familles "fragiles", expose avec honnêteté les conséquences de la pauvreté pour les enfants, et livre malgré tout un texte adapté à son lectorat et plein d'espoir. Que demander de plus ?!
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Le jour où on lui a coupé l'électricité; elle m'a demandé si elle pouvait mettre sa nourriture dans mon frigo et si je pouvais lui charger son téléphone, car elle avait beaucoup de démarches à faire. J'ai répondu que non, très poliment. Je n'ai aucune envie de me retrouver mêlée à ses histoires. Mon mari, qui rouspète toujours parce que je m'occupe de ce qui ne me regarde pas, m'a dit que j'avais très bien fait.
Les petits me font bien de la peine, parce qu'ils n'y sont pour rien, mais je sais comment ça se passe. Ces gens-là, si tu leur donnes un doigt, ils te prennent un bras. Vaut mieux garder ses distances, chacun chez soi.
( p 37)
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