Je sais bien qu'en ouvrant un roman je suis censée opérer une « suspension consentie de mon incrédulité », comme disait ce bon vieux
Coleridge. Mais encore faut-il que l'auteur m'y aide. Or, là,
Carrisi n'y met vraiment pas du sien.
Déjà, il oublie une règle fondamentale du couple de détectives, c'est que l'un doit être une cruche pour que l'autre y déverse son savoir au profit du lecteur. Mais ici, les deux policiers sont également experts et également bibliophages, et ils doivent jouer chacun leur tour le rôle du candide à qui il faut tout expliquer et de s'exclamer, assis sur une pile de traités de sociologie / psycho / trucs-en-isme-vachement-balaises : « Quoi? Les limbes désignent le lieu où les Justes attendent la rédemption? Mais alors c'est pour cette raison que le département des meurtres non encore résolus est ainsi surnommé???? »
Et, comme si ça ne suffisait pas, l'auteur tente de concilier roman à énigmes et thriller noir à haute portée philosophique et existentielle. Tous les personnages ont donc une vie intérieure très très torturée, ce qui fait que le méchant qui n'est en fait pas si méchant, au lieu de mettre fin à son cas de conscience en trucidant sa complice psychopathe, fait arrêter le gentil, avant de le faire évader, en espérant que ce dernier va se retrouver à l'endroit où il a fort opportunément laissé son nom qui permet de l'identifier comme le coupable (ça va? tout le monde suit?) puis de l'attendre en écrivant fébrilement l'adresse de la dite complice juste avant de se flinguer supputant que le gentil va récupérer l'adresse en question au milieu de dizaines de feuilles éparpillées même pas éclaboussées par le sanguinolent suicide à bout portant. (Quant à l'enquêtrice, pile au moment où elle pourrait enfin résoudre le mystère, elle décide que la vie ne vaut vraiment pas la peine d'être vécue et que par conséquent il n'est rien de plus utile qu'un assassin en liberté).
Voilà. Je m'étais dit qu'un bon petit thriller avec des gens qui en bavent était tout ce qu'il me fallait pour surmonter ma déception quant au fait qu'un vélo électrique n'est pas une mobylette et qu'il fallait quand même pédaler, or non seulement ce livre n'a réussi à me faire oublier ni mes mollets inefficaces ni mon postérieur endolori mais il m'a suscité d'inextricables noeuds au cerveau tandis que j'essayais vainement de découvrir une once de logique dans ce gloubiboulga sans saveur.