Restons-en là

Violette se sent terriblement mal. Défigurée par un énorme abcès dentaire qui lui fait endurer un martyre et craindre une septicémie, elle éprouve une impression de tristesse et de solitude. Elle a besoin du réconfort d'Antoine, l'homme qu'elle aime à la folie et qui semble la délaisser depuis quelque temps Elle lui envoie un courriel désespéré, mais la réponse est brève et mortelle : « Restons-en là. »
L'histoire est banale et se résume en une ligne : une femme, passionnément amoureuse est quittée abruptement par l'homme qu'elle aime. Elle essaie d'oublier. Mais le malheur veut qu'elle habite un appartement situé au-dessus du bar où ils avaient leurs habitudes, Antoine et elle. « C'est ici, sur ce petit bout de terre que l'on nomme village, ce quartier où tout le monde se connaît, où tout me parle d'Antoine, qu'il va falloir livrer bataille. Contre l'absence, contre le manque, contre moi qui ne veux plus de lui et l'aime éperdument (…) Comment vais-je faire pour l'oublier en ne pensant qu'à lui, pour le presser de m'expliquer en redoutant de le voir ? Pour le fuir en risquant de le croiser constamment en bas de chez moi, devant le bar de l'Impasse ? »
Dès les premières lignes, je suis captivée. Aux côtés de Violette, je vis cette rupture qui déclenche une véritable tragédie.
France Cavalié a une plume, c'est incontestable. Elle décrit la violence de la passion, ce sentiment qui, comme son nom l'indique, provoque la douleur. La vie de Violette, après la rupture, s'apparente à une maladie : périodes de crises suivies de rémissions, puis de rechutes. A une bataille : moments de lutte acharnée, de violence, puis, à chaque fois, l'uppercut qui l'enverra au tapis. On se demande comment il est possible qu'Antoine, qui est un artiste, un musicien, qui doit donc être sensible, délicat, peut, au contraire, se montrer aussi brutal, violent, dur, froid.
Cela me perturbe d'autant plus que cette histoire me fait penser à la peine ressentie par une amie, jetée sans pitié, tout comme Violette, par un homme qui portait le même prénom.
L'héroïne s'adresse à nous à la première personne du singulier. Son récit est coupé par des extraits de contes. Elle travaille dans le monde de la littérature enfantine et rencontre des auteurs qui lui parlent de leurs ouvrages. Un SDF gagne sa vie en vendant aux passants des airs à fredonner en accord avec leurs états d'âme. On trouvera donc des extraits musicaux et même une « bande son » dont l'auteur nous donne les références en fin de volume.
Violette replonge dans ses souvenirs et son récit devient une anaphore à la manière de Perec dans « Je me souviens ».
France Cavalié m'avait fait forte impression avec « Baïnes ». J'ai voulu découvrir sa première oeuvre et je n'ai pas été déçue. J'ai beaucoup aimé « Restons-en là » et je me plongerai certainement dans ses prochains romans.