Garniture de Pléiade !
Troisième publication des manuscrits retrouvés mais pas perdus pour tout le monde de Céline avant l'édition sur papier bible, caractères Garamond pour mirettes de pilote de chasse, dos gratté à l'or fin, couverture cuir de moutons de Nouvelle Zélande et coup de massue en caisse. Il était temps que cela s'arrête : il ne manque plus que sa liste de course et ses cahiers de vacances pour compléter ce bourrage de papier.
Autant j'avais trouvé du sens et un vrai intérêt littéraire aux publications de
Guerre et
Londres, autant ces deux versions inabouties d'une légende qui aurait dû le rester relève presque de l'escroquerie éditoriale. Si vous enlevez les trois premiers chapitres qui permettent de retrouver la verve et la langue inimitable de Céline, avec un français d'autrefois sauce « Bardamu perdu dans le Seigneur des anneaux », autant le reste fait presque injure à l'auteur. C'est à croire que ce sont les innombrables détracteurs de l'infréquentable sieur Destouches qui sont à l'origine de cette parution.
Je suis d'autant plus déçu que la découverte d'un Céline médiéval dont la langue pouvait rappeler un
Rabelais énervé par un régime aux brocolis avait titillé ma curiosité.
Amputée de ses premiers chapitres,
la Volonté du roi Krogold est un moignon d'histoires décousues qui commence sur un champ de bataille avec l'agonie du prince Gwendor. Avec une lance dans le corps, brochette de chevalier, le bonhomme a du mal à digérer la séance d'acupuncture, son destin et l'imminence de son trépas. Il tente alors de négocier un délai avec la mort, plutôt dure en affaire. Pas possible de négocier une
mort à crédit.
Le récit suit ensuite le fameux roi Krogold, victorieux mais privé du repos du guerrier dans des marais plus troublés par des spectres que par les moustiques. Un insomniaque qui
voyage au bout de la nuit.
Vient après l'angoisse des habitants de Christianie, cité peu portée sur la repentance malgré son blason, qui avait parié sur le mauvais cheval avant la bataille et qui redoute la vengeance du roi. Nous avons droit aussi à un poète emprisonné depuis 12 ans, un peu têtu côté aveux et qui harcèle son bourreau à court d'idées en matière de torture. Il est vrai que le rap, le tofu et les guides de développement personnel n'existaient pas à l'époque pour faire avouer n'importe quoi.
Perdu au milieu de cette histoire sans queue ni tête, sans manche ni jus de gueule aurait pu écrire Céline, un long épisode opposant un trouvère, jongleur à l'accent oïl, à un nautonier, sorte de taxi à rames dont le métier n'a pas résisté à l'invention du pont.
Les Céliniens énamourés s'extasieront de ces quelques saynètes qui font voyager dans le temps la langue fourchue de son auteur. Ce dernier chercha peut-être avec cette légende à offrir une certaine transcendance à son oeuvre et à sa trajectoire romanesque. Mais… Eût-il phallus qu'il troussasse sa légende médiévale jusqu'à son bout, haro sur la discordance des temps, pour que je puisse me contenter de ses quelques traits de génie. Il manque quelques touches à ce Destouches.
Je place
Mort à crédit et
Voyage au bout de la nuit dans le rayon des chefs d'oeuvres mais j'ai lu ce récit comme un touriste qui occupe ses yeux devant un spectacle de danse folklorique.
Du remplissage d'annexes en petits caractères pour universitaires maniaques.