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Régis Tettamanzi (Autre)
EAN : 9782072983375
576 pages
Gallimard (13/10/2022)
3.94/5   147 notes
Résumé :
Ferdinand, le héros de Guerre, a quitté la France pour rejoindre Londres, "où viennent fatalement un jour donné se dissimuler toutes les haines et tous les accents drôles". Il y retrouve son amie prostituée Angèle, désormais en ménage avec le major anglais Purcell. Ferdinand prend domicile dans une mansarde de Leicester Pension, où le dénommé Cantaloup, un maquereau de Montpellier, organise un intense trafic sexuel de filles, avec quelques autres personnages hauts e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
3,94

sur 147 notes
Dis-moi, Céline, les années ont passé… Et tu fais toujours autant parler.
Oui je sais, associer la bluette d'Hugues Aufray à l'argot qui effraie du sieur Destouches, il y a de quoi la faire rougir, sa Céline.
Mais, Non, non, non, ne rougis pas, non, ne rougis pas, même si certains passages pourraient rebuter un acteur porno confirmé.
Pour ceux qui ont lu « Guerre » il y a quelques mois ou quelques heures, et pour ceux qui ne l'ont pas encore effeuillé, le héros, Ferdinand, a quitté la France pour échapper à un retour dans les tranchées après sa convalescence mouvementée. Il est parti retrouver Angèle, qui se fait entretenir par le major Purcell.
Ferdinand va donc s'installer chez les Macs. Non, il n'est pas parti visiter l'Ecosse en kilt pour se rafraichir les roubignolles. Il arrive à Londres et rejoint la communauté de maquereaux français qui ont traversé la Manche en frétillant au bras de petites sirènes pour échapper à l'uniforme. Les déserteurs ont su se délocaliser.
Dans la première partie du roman, dont la longueur rime parfois avec langueur et dont la répétition de certaines séquences trahit l'architecture inaboutie du texte, Céline nous fait une visite guidée des quartiers mal fréquentés de la City. Pas une ligne sur le Palais de Buckingham et Westminster. Pour les visites culturelles, merci de choisir une autre agence de voyage. Pas de tamis sur la Tamise.
Cette flânerie dans les bas-fonds m'a laissé le temps de me réadapter à la langue de bistrot de l'auteur. J'ai toujours du mal à formater mon cerveau à sa prose et il m'a fallu quelques dizaines de pages pour retrouver son oralité, m'échauffer le mauvais esprit et me laisser adopter par le récit. Pour lire Céline, il faut de l'oreille et parfois du cérumen aussi pour ne pas entendre certaines horreurs.
La galerie de portraits ne ressemble pas un album Panini du Mondial climatisé ou à une photo de classe d'élèves trop bien peignés. Une belle brochette de marlous et de belles de nuit, qui se torgnolent, qui s'emboitent, qui se clandestinent, qui s'imbibent et se fauchéisent. Merci d'excuser ces errements grammaticaux mais Céline mérite bien qu'on invente quelques verbes pour l'hommager, comme il aurait pu l'écrire.
La seconde moitié du roman est beaucoup plus rythmée, une course de mauvais coups et la plume coupante de l'auteur fait merveille. Il va tellement vite que les noms des personnages changent au fil des pages, nouvelle preuve qu'il manque les finitions. Mais le gros oeuvre est solide. Il laisse ici filtrer sa passion pour la médecine, son nihilisme, son allergie à la séduction et nous épargne ses idées nauséabondes. le personnage le plus aimable du roman est un médecin juif qui traficote un peu les certificats de décès mais rafistolent les bras cassés.
Au final, c'est très cru, saignant, parfois vulgaire mais c'est un style avant tout. le fracas des mots pour décrire le fracas d'un monde en guerre. Fuir cette folie. C'est l'obsession des canailles de ce roman.
Je vous conseille la lecture du bien nommé appendice. Il décrit la passion de Céline pour Londres et les liens toujours étroits entre la fiction et sa propre vie. Reflet des eaux usées.
Ebauche de la débauche.
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Dans la série des manuscrits de Céline fabuleusement retrouvés, voici-voilà la suite de "Guerre", avec Ferdine à London.
En 1916, alors que la folie ravage le continent, Ferdinand, 23 ans, se planque à Londres et s'acoquine avec une bande de proxénètes voués au trafic de filles. Il côtoie alors une galerie de personnages extravagants : un lanceur de bombes russe, un médecin juif polonais, un aristocrate anglais ruiné, un dresseur de chats argentin... Mais entre les bagarres et les escroqueries, tant d'activités illégales attirent l'attention des autorités, d'autant que Ferdinand est considéré comme déserteur ; peu à peu, la situation se complique et se délite.

Le choc.
A un moment, Ferdinand confie avoir "hérité d'un train continuel avec toute la vapeur et les wagons et un tonnerre de Dieu dans la profondeur de l'oreille, à faire un tunnel avec toute ma tête", et c'est exactement ce que je ressens en sortant, exténuée, de cette lecture : l'impression d'être entrée en collision avec un monstre de chair et d'acier qui m'aurait fracassé le crâne. J'ai du mal à m'en remettre, Céline est trop grand et trop fort pour moi.
Plus de 500 pages de plongée en apnée dans le dur, le noir, le cru, le grotesque, le féroce, le choquant, l'émouvant, l'éblouissant : s'inspirant de son expérience londonienne émancipatrice, Céline met son âme à nu derrière ses ricanements désespérés, alternant ses vacheries habituelles ("La connerie de mon père elle avait pris trois siècles d'un coup."), avec des moments de grâce ("Un coup de reins qu'elle donnait alors à l'instant de jouir que je m'en sers encore pour vivre."), de poésie ("A la porte aussi y avait les enfants d'ivrognes qu'ont pas le droit d'entrer. Ils font des rêves avec ce qui passe. Ils s'instruisent avec la brume.") et de lucidité qui ne sombre jamais dans le cynisme ("Nous n'avons rien à nous dire au fond, rien d'humain, nous sommes tous horriblement angoissés d'être là c'est tout.").
Mais ce qui m'a le plus émue, c'est la prise de conscience par le narrateur des classes sociales et de son manque d'érudition ("Tout dépend de la fortune et de l'instruction. Avec ni l'un ni l'autre on est certain seulement de se faire bourrer la gueule et de recevoir toute l'existence par le trou du fondement."), la découverte de sa valeur ("Je l'intéressais tout simplement alors comme moi seulement, comme un homme ? C'est la première fois que ça m'arrivait. J'y croyais à peine. Jamais personne, surtout d'instruit, avait encore fait attention à ce que je pensais ou ne pensais pas."), et la révélation de sa vocation de médecin ("J'ai jamais voulu aller ailleurs qu'au bord de l'âme.").
Autant de sincérité m'a bouleversée. Et même si le roman est très violent, même s'il aborde frontalement le sexe, l'alcool, la misère, même si les bourdonnements d'oreille de Ferdinand résonnaient dans ma propre tête, j'ai été transportée par les fulgurances de beauté et d'humanité qui le traversent de part en part et le transcendent. Tout hargneux qu'il est, Céline ne peut pas s'empêcher d'aimer l'espèce humaine ("C'est pas méchant un homme au fond, c'est un acharné voilà tout. C'est fier de son rêve. C'est un poète bien marrant.").
Toutefois, il s'agit d'une lecture exigeante -et parfois éprouvante, que j'ai trouvée très ardue. le texte étant livré à l'état brut, avec une prolifération argotique et une ponctuation raréfiée (Céline n'était pas encore dans sa phase des trois petits points et points d'exclamation), j'ai dû m'appliquer pour savourer chaque phrase. Mais cet effort a été largement récompensé par le sentiment d'émerveillement qui me saisissait à chaque page.

Alors avis aux amateurs : ce roman, c'est une bombe littéraire, un truc qui explose la tête et met à genoux. Une déflagration de près de 90 ans qui n'en finit pas de nous faire vibrer corps et âme.
Plutôt balèze.
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« Au début qu'on est arrivés à Londres je la voyais presque pas l'Angèle. »
Première phrase de « Londres », second opus du manuscrit « retrouvé » en 2021 qui fait suite à « Guerre ». Cette phrase donne le ton au reste de l'histoire qui va y être contée, celui de la rue, celui d'un langage de charretier, d'un vocabulaire du caniveau. Il place l'auteur-narrateur au plus bas de l'échelle sociale, au milieu d'une populace bigarrée mélangeant marchand des quatre saisons, maquereaux, catins, voyous et autres parasites. C'est une société grouillante comme un nid de cafard, animée des intentions les plus basses : sexe et argent.
1916, Ferdinand a rejoint Londres où il y retrouve une bande de déserteurs qui vivent des subsides que leur rapportent les filles qu'ils ont mises sur le trottoir…
Lorsque l'on visionne les dernières interviews de Louis-Ferdinand Céline on appréhende mieux ce qu'était l'auteur. Apparaît un être malingre, balbutiant ses mots, habillé comme un bougnat avant une foire aux bêtes, sur fond de cris d'oiseaux à la façon des canaris d'un gardien d'immeuble. Un mot semble résumer le personnage : minable. Et pourtant, ce serait bien là erreur à ne pas commettre. Louis Destouches est le serpent qui rampe pour mieux mordre, le scorpion qui feint la retraite le dard bandé pour mieux piquer. C'est toute cette fausse modestie, cette hypocrisie qui transpire par tous les pores des pages de son manuscrit. Il ne faut pas s'y tromper, sous ses airs de « pauvre type » il y a le talent d'un génie de l'écriture. Céline invente un style qui rompt avec les règles de l'establishment littéraire, avec l'académisme de ses contemporains.
Dans « Londres », il nous vautre dans la fange d'une bande de vauriens sans foi ni loi. Il nous met face à une humanité animalisée où le huis clos forcé pour ne pas subir le désastre de la première guerre mondiale exacerbe la sauvagerie des sentiments et la débauche des chairs.
Le texte est une accumulation de phrases très courtes, parfois sans verbe, rédigé dans un argot généreux qui s'apparente presque à une langue étrangère.
L'antisémitisme de Céline est larvaire dans « Londres ». le manuscrit semble avoir été rédigé en 1934, bien avant les pamphlets ignobles comme « Bagatelle pour un massacre » parus en 1937. Ici il introduit le personnage du docteur Yugenbitz, juif, qui est à l'origine de la vocation de médecin de Ferdinand. Il ne lui fait jouer qu'un rôle secondaire, voire de larbin au service de la bande de maquereaux.
Comme dans « Guerre », Céline a une vision bien phallocrate des femmes. Elles sont des prostituées ou des nymphomanes. Elles sont au service de l'homme. Même la gérante de la pension où ils se sont réfugiés est à leur service et n'ose pas leur réclamer les loyers dus. Elles sont soumises. Il écrit : « le cul des femmes c'est comme le ciel, ni commencement, ni fin. »
La lecture de « Londres » n'est pas une promenade de santé. le propos choque, offense, scandalise : c'est certainement le but de Céline, cracher sur les conventions d'une bourgeoisie confortablement installée, ébranler les fondements, violer les règles. On devine la haine et les frustrations qui l'animent. Par son style, par son vocabulaire, par ses idées, l'objectif est atteint.
Saluons au passage le travail colossal de Régis Tettamanzi pour que « Londres » paraisse.
Préface de Régis Tettamanzi.
Editions Gallimard, collection blanche, 526 pages.
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Pas de paix dans Londres. Même après Guerre, qui n'était guère épais. Londres s'avère plus substantiel et déroule dans un premier temps de longues phrases descriptives, semblables aux capiteuses volutes du smog. Ferdinand, le narrateur de Guerre, nous raconte la suite de son histoire : il est parti se réfugier dans la capitale britannique pour éviter d'être renvoyé au front (on est en 1916). Toutefois, son problème le plus immédiat n'est pas le front mais l'oreille, cassée à la guerre. Elle fait plus de tintamarre qu'un capitaine Haddock lancé dans une litanie d'insultes, ce qui n'est pas pratique pour dormir et conserver une bonne santé mentale. Mais le fait de concevoir le monde à travers le bruit permet quelques réflexions non dénuées d'intérêt :
« Toute opinion n'est qu'une entorse un peu douloureuse qui fait hurler quand on force. »

Un tel relativisme permet de se distancer de la violence du milieu de la prostitution, au sein duquel Ferdinand trouve refuge. Cette violence éclate parfois de façon spectaculaire et chaotique, notamment dans de mémorables scènes de bagarre, comme des échos parodiques des combats faisant rage sur le continent. Dans tout ce bruit et ces grouillements, Ferdinand hallucine, son imagination s'affole, et le récit flirte parfois avec le fantastique (mon passage préféré du roman met en scène un manoir hanté).

Écrit vers 1934 (donc avant les fameux pamphlets), ce roman illustre une fois encore la complexité de Céline. En effet, son narrateur Ferdinand se découvre une vocation pour la médecine grâce à un personnage juif, qui n'est ni pire ni meilleur que les autres. Ainsi Londres nous donne-t-il à voir un Céline paradoxal, entre misanthropie et humanisme :
« J'aurais voulu je crois guérir toutes les maladies des hommes, qu'ils souffrent plus jamais les charognes. On est étrange, si on l'avouait. »

Dans la souffrance crasseuse des bas-fonds de Londres, l'envie de médecine et l'envie de littérature surgissent comme des fleurs du mal, nées dans l'ordure, le bruit et la peur, et prenant la forme du style célinien, poésie tantôt douce-amère, tantôt éructante, qui touche à la fin du renvoi :
« Tout ça au fond c'est de la panique. C'est le roman qui bouillonne envers et contre tout au fond du sac avec n'importe quel chagrin qu'on entonne, détresse, déroute, trahison, tout fait boule et prisme et finit par chanter. Ah, les âmes bien nées, quel foutre ! »

Toutefois le roman est un peu inégal. Les obscénités à tendance pornographiques s'accumulent parfois jusqu'à la saturation, et le style n'est pas toujours très homogène, certains chapitres semblant écrits un peu à la va-vite pour faire avancer l'intrigue (on voit que l'on a affaire à un manuscrit de premier jet, comme certaines notifications de mots manquants nous le signalent parfois). Mais l'intrigue en question est de bonne tenue, truffée de personnages plus grands que nature, cherchant à exister à leur façon dans une atmosphère asphyxiante qu'ils alimentent par leur comportement irresponsable, comme si le gaz moutarde et le gaz hilarant participaient de l'atmosphère de Londres.
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À la dernière phrase, laconique, du récit de Ferdinand, le déluge de folie, de violence, de cynisme sous lequel vous avez été enseveli pendant votre lecture s'arrête pour céder à la stupeur. Comment sortir indemne de ce roman ?
Il y a tout d'abord la langue, un argot qui sonne à chaque phrase, rebondit en une mélopée lancinante, une gouaille qui s'enfonce toujours plus brutalement dans le sordide. le style chez Céline infuse dans cette langue crue qui lacère à chaque mot, crache ses insultes, se débite à la mitraillette et plonge soudain dans la poésie la plus pure. On sort la tête, suffoqué par un trait de beauté servi en quelques lignes, après les braises de la folie humaine tisonnées sans fin par l'écrivain.
Londres, en 1916. La guerre s'éternise, les Anglais recrutent toujours plus de volontaires pour le front et les policiers traquent sans relâche les voyous et déserteurs français réfugiés dans la capitale. C'est qu'il y a de l'argent à faire pour les crapules : le tapin marche fort, la cocaïne se vend bien et les bookmakers sont complaisants devant les largesses de leurs clients. Toute une bande de souteneurs et leurs filles sont hébergés à la Leicester pension tenue par Mme Council, une veuve peu regardante sur le pedigree de ses locataires. Tandis que les tapins arpentent les trottoirs par tous les temps, leurs hommes dépensent sans compter en beuveries, parties fines, voire en orgies. La violence surgit à la moindre occasion, corrections infligées aux récalcitrantes, rixes dans les bouges des docks, tabassages en règle, viols… Il n'y a pas de rédemption à attendre de cette exploration des bas-fonds. Ferdinand, petit maquereau assommé de vertiges après sa guerre au front, vil déserteur, souteneur inconséquent, vingt-deux ans brûlés par le vice, surnage dans ce milieu interlope, entretenu par Angèle, sa gagneuse installée par un fournisseur des armées, le major Purcell.
Assez vite, le roman s'attache à l'errance de Ferdinand. Il vit dans la crainte d'être arrêté par la police militaire, ou par Scotland Yard pour l'un des crimes auxquels il a été mêlé. Seul ou accompagné de ses comparses, il assiste à la désagrégation de la bande, gangrenée par la pourriture des malfrats, la dépravation des êtres et la cupidité des uns et des autres. Sans répit, il erre dans le brasier d'un enfer qu'il alimente lui-même par sa veulerie et sa bassesse. de temps à autre, il rêve de devenir médecin, mais est incapable de rompre avec son milieu.
J'ai évoqué plus haut la surprenante poésie surgissant au détour du texte, la mélancolie profonde qui emporte le personnage devant le gâchis de son existence. Il faut aussi mentionner le burlesque de certaines scènes, un burlesque qui se fait cauchemardesque quand le major Purcell est victime de son obsession pour les masques à gaz, quand le chat Mioup – entraîné à chasser de la queue les bougies – met le feu à une villa ou quand l'anarchiste Borokrom se bat contre un ours. En effet, le pessimisme de Céline ne peut rien attendre de la vie, vu « la manière que ça déraillait sur toute la ligne ».
Je ne reviendrai pas sur l'antisémitisme de Céline, je n'essaierai pas de déplacer le curseur pour dire qu'il a ici plus de mépris que de haine des juifs. Les termes sont toujours aussi insultants, les portraits aussi grotesquement malfaisants et les allusions méchantes. Ce n'est pas son attendrissement devant la petite Sarah ou sa gêne devant la faim de Mme Yugenbitz qui changent quoique ce soit à l'enracinement chez lui d'un préjugé néfaste et avilissant à leur égard.
En dépit de mes réserves sur ce point, Céline est un immense styliste qui, à rebours de beaucoup d'autres, opère dans la noirceur du monde sur une plaie toujours à vif et inguérissable.
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critiques presse (5)
LeSoir
02 janvier 2023
Après «Guerre», voici «Londres» où Louis-Ferdinand change de pays et peut-être même de personnalité.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Marianne_
02 janvier 2023
Londres est plus qu’un brouillon. D’ailleurs, le texte qui nous est parvenu, au moins dans ses deux premières parties, est un texte corrigé, en quelque sorte achevé. Non une catharsis, mais une plongée dans l’horreur simple de la vie ordinaire.
Lire la critique sur le site : Marianne_
LeFigaro
02 janvier 2023
Londres est la V1 de Guignol's Band : brouillon de génie ou cloaque porno ?
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Culturebox
14 octobre 2022
Céline dépeint un nombre impressionnant de personnages pervers ou perdus, et de scènes violentes ou poignantes, éloquentes sur la face la plus sombre des mégapoles modernes.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeFigaro
13 octobre 2022
Un roman brutal et poétique.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (78) Voir plus Ajouter une citation
C’était le soir du capitaine, je veux dire le soir où il faisait sa promenade en cab au clair de lune. De Leicester Square, il allait trouver son cocher habituel, il faisait son prix. Il lui disait de s’asseoir dedans, lui se mettait sur le siège en haut du cab, à conduire ça lui rappelait ses belles années. Mais il trouvait plus de dames pour l’accompagner, même les nôtres elles en avaient marre. Il n’avait plus beaucoup d’argent à donner… On était forcé de les commander nous autres, deux de sortie pour qu’elles l’accompagnent. Ça les assommait les promenades au clair de lune, ils allaient faire tous les quais vers Greenwich, tout le côté de Chelsea, lentement Cheyne Promenade, tout autour le petit jardin ovale entre la rive et les chemins, contre les maisons mignonnes blotties au bout du temps passé. Tant que durait le clair de lune, notre capitaine conduisait au pas, il serait allé ainsi par le bord de la rivière, le cheval aidant, jusqu’au fond des âges. Les mômes elles avaient ces turlupinades en horreur, elles préféraient mieux disait-elle se faire souquer douze fois d’affilée, qu’une seule promenade au clair de lune.
– Il y a de quoi devenir mayonnaise, qu’elles en concluaient.
Fallait les astreindre à la poésie du coup de pied au cul.
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Le chef de la station Greendale, ce qu’il aurait aimé avec sa petite casquette et ses binocles lui, il me l’a répété bien souvent, c’était chasser le lion d’Afrique, il aurait voulu être riche, rien que pour s’offrir du buffle aussi et du bison. La guerre lui ça l’intéressait pas du tout. Il trouvait ça ennuyeux et confiné. Quant aux sentiments il avait pas eu de veine. Sa femme l’avait quitté trois jours après son mariage pour s’enfuir avec un mécanicien-dentiste jusqu’à Melbourne en Australie. Il était sûr qu’elle reviendrait, mais il voulait pas lui écrire le premier. Depuis dix-sept ans il avait son adresse et voulait pas lui écrire le premier. « Je suis entêté, je plierai pas », qu’il disait. Au fond tout de même il avait du chagrin quand il en parlait, et c’était l’heure des soirs d’affluence. Il se dépêchait alors de vider sa tasse. On le voyait encore au loin grimper la petite côte à petits coups de lanterne. C’était fini, il avait disparu.
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Je sors. J'étais si pressé d'arriver Tabard Street que je regarde même pas si on me piste. Enfin me voilà devant la porte. Dès la cour même je vois que c'était allumé dans l'atelier. Je traverse vite. Je frappe. On répond pas. Alors je pousse. Y avait quatre bougies allumées autour de la petite voiture. Le petit Peter il avait l'air de dormir, encore plus pâle seulement. J'avais jamais encore vu un si petit enfant mort. La lumière des bougies sur sa figure ça faisait tout sensible à trembler au milieu de l'ombre. Je me suis approché tout près. C'est aux lèvres qu'on comprend que c'est fini, que c'est décidé pour toujours.
La mère restait au fond de la pièce. Je suis allé pour lui parler, tout doucement bien sûr. Elle regardait droit devant elle dans le noir. Assis qu'on était contre le mur.
— Madame, j'ai dit, voulez-vous que j'aille chercher une amie, des fois ?...
J'ai encore posé des questions, elle répondait rien. Je faisais ce que je pouvais. Elle était hagarde en somme. Alors je suis reparti tout doucement, il fallait peut-être mieux que je la laisse. Et puis j'étais resté longtemps dehors, et puis je pouvais plus rien faire pour elle. C'était en somme mon premier malade le petit Peter, j'ai pas eu de chance.
Ce qui m'angoisse, et pour toujours je crois, c'est la façon qu'un petit enfant cesse de jouer pour s'en aller tout de suite, si vite, c'est presque rien à trépasser, le temps de lever un deux trois son petit pinceau, de rire bien encore deux ou trois fois, quatre, et puis voilà. Cette façon de n'être entré dans nos ombres que pour y porter un petit peu de lumière, comme un papillon entre au soir au jardin et s'en va devant la nuit. Vingt ans sont passés depuis, cependant bien des choses encore, des bien étranges et bien lourdes, et petit Peter qu'est toujours là, pour un dixième, pour un petit soupir. J'en ai soigné beaucoup des tousseurs depuis, des plus petits encore que Peter, mais il me semble toujours, dès que j'en vois un qui s'épuise un peu, qu'il va me quitter pour un rien. Ces souvenirs qui rendent la médecine délicate.
Lui Yugenbitz je sentais bien que ça l'a pas tant surpris que Peter aye fini si vite. Mais quand même ça lui faisait aussi de la peine. Il restait derrière ses lunettes à penser sans doute à son ordonnance. Je l'ai regardé de près, comment qu'il prenait la chose. Il cherchait à s'échapper du trop triste que ça lui faisait. J'ai compris dès le petit Peter qu'il y en avait trop pour lui de la douleur dans sa pratique, j'ai comme senti qu'il était pas taillé pour ça, qu'il avait qu'un petit buffet de gonzesse au fond.
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J'ai ouvert "Maladies de l'oreille", du coup j'ai dû m'interrompre, j'avais encore plus de vertiges. Ca n'allait plus du tout à cause des symptômes si bien décrits. C'est vrai que je les avais presque tous moi les symptômes. C'était raconter dans le livre qu'à force de bourdonner y a des sujets qui en deviennent tout à fait fous.On finit par les enfermer.
Voilà une perspective à laquelle j'avais pas assez songé. Je me suis remis dans les maladies du coeur où j'avais moins à craindre.
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C’est miracle ! Ô misère ! On a tellement existé qu’on est devenu tout usé de connerie. On le sent bien, on s’aperçoit qu’on en rit facilement comme on peut. Tomber enfin dans l’âge du cancer, la jolie retraite du joli contrôleur sans appui. Ô finir de n’importe quoi, lambeaux rongés par mille tortures mais pas cloche surtout ! D’une agonie bien à soi, qui ne doit rien à personne ! C’est important.
Tout le reste n’est que rêveries. Au sprint, devant l’hôpital décider les pauvres, au dernier hoquet, qu’ils crèvent en bande, ils sont bien punis, revenir chez soi, monter une dernière fois l’escalier, avec toutes ses commissions faites, bien payées, rien à crédit, crounir sur un terme d’avance… Vie bien remplie je vous assure ! Enterrer sa mère avec dignité ! Avoir les cinq mille francs liquides ! Joye d’exister ! Idéal c’est moi, c’est nous ! Peut-être ? qui sait ? Un pavillon à Bois-Colombes ? On n’ose ! maquereau ? médecin ? C’est compliqué. Finir écrivain qui mange c’est beau ! L’idéal c’est un vice, chercher exprès les endroits qu’il pleut pour passer les vacances. Tu n’en reviens pas. T’as gagné. Tu deviens penseur.
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Vidéo de Louis-Ferdinand Céline
CHAPITRES : 0:00 - Titre
F : 0:06 - FLATTERIE - Madame de Sévigné 0:15 - FOU - Delphine Gay 0:25 - FOULE - George Sand
G : 0:34 - GAIETÉ - Robert Poulet 0:46 - GOUVERNEMENT - Marmontel
H : 0:58 - HABITUDE - Pierre-Adrien Decourcelle 1:09 - HOMME - Victor Hugo 1:19 - HOMME ET FEMME - Alphonse Karr 1:32 - HONNÊTES GENS - Anatole France 1:46 - HORLOGE - Alphonse Allais 1:56 - HUMOUR - Louis Scutenaire
I : 2:06 - IDÉAL - Marcel Pagnol 2:17 - IDÉE - Anne Barratin 2:29 - IGNORANCE - Charles Duclos 2:42 - IMBÉCILE - Louis-Ferdinand Céline 2:55 - IMMORTEL - Jean Richepin 3:05 - INJURE - Vauvenargues 3:14 - INTELLECTUEL - Alexandre Breffort 3:25 - INTELLIGENCE - Alain 3:35 - INTÉRÊT - Albert Willemetz
J : 3:46 - JEUNES ET VIEUX - Decoly 3:56 - JEUNESSE - Jean-Bernard 4:09 - JOIE - Martin Lemesle 4:22 - JOUISSANCE - John Petit-Senn
L : 4:33 - LARME - Georges Courteline 4:46 - LIBERTÉ - Henri Jeanson 4:57 - LIT - Paul Éluard
M : 5:05 - MALADIE - Boris Vian 5:18 - MARIAGE - Édouard Pailleron
5:31 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Madame de Sévigné : https://www.linternaute.fr/biographie/litterature/1775498-madame-de-sevigne-biographie-courte-dates-citations/ Delphine Gay : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5e/Delphine_de_Girardin_1853_side.jpg George Sand : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/George_Sand_%281804-1876%29_M.jpg Robert Poulet : https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/poulet-robert.html Jean-François Marmontel : https://www.posterazzi.com/jean-francois-marmontel-n-1723-1799-french-writer-stipple-engraving-french-c1800-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0085347/ Pierre-Adrien Decourcelle : https://www.mediastorehouse.co.uk/fine-art-finder/artists/henri-la-blanchere/adrien-decourcelle-1821-1892-39-boulevard-des-25144380.html Victor Hugo : https://www.maxicours.com/se/cours/les-funerailles-nationales-de-victor-hugo/ Alphonse Karr : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9c/Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alphonse_Karr_%28Nadar%29.jpg Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jp Alphonse Allais : https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/alphonse-allais-faits-divers.html Louis Scutenaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Scutenaire#/media/Fichier:Louis_Scutenaire,_rue_de_la_Luzerze.jpg Marcel Pagnol : https://www.aubagne.fr/actualites-109/marcel-pagnol-celebre-dans-sa-ville-natale-2243.html?cHash=50a5923217d5e6fe7d35d35f1ce29d72#gallery-id-4994 Anne Barratin : https://www.babelio.com/auteur/Anne-Barratin/302855 Charles Pinot Duclos
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Thème : Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand CélineCréer un quiz sur ce livre

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