. On n’est pas très délicat quand on bande ou quand on mouille, Monsieur, car le cri du cul est alors impératif et poignant. Le désir des femmes d’être emplies ne le cède en rien à celui des hommes de les emplir. La règle du jeu veut que les premières n’en fassent état que dans l’intimité et que les seconds en fassent étalage, mais si la règle est différente, le jeu reste le même ; et Jupiter lui-même savait se contenter d’une chèvre ou d’une vache quand le rut le prenait à la gorge. Au reste, il ne tenait qu’à moi de faire de cette passade à la fois exaltante et peu ragoûtante, je vous l’accorde, le prologue d’une liaison heureuse.
Nos chemins s’étaient croisés ; ils se décroisèrent comme le veut la vie, qui n’est pas un long fleuve tranquille, Monsieur, mais une ruelle tortueuse, mal pavée, mal éclairée et fort mal fréquentée.
Dans la vie de chaque jour, je suis d’un naturel allant, provocateur à l’occasion ; et privément, je suis très à l’aise en tête à tête avec une femme… tant qu’il ne s’agit que de bavarder. C’est le passage à l’acte qui me fait difficulté, sans doute parce que je n’ai pas osé comprendre pendant longtemps ce que signifiaient tel regard, tel mouvement des bras, tel soupir ; et parce que j’osais moins encore imaginer qu’une femme pouvait être aussi un animal désirant, ce que la société d’hier voulait ignorer.
Pourquoi se priver d’une femme qui vous plaît sous prétexte qu’elle exige de vous une contre-partie sonnante et trébuchante à ses faveurs ? Un appartement est-il moins agréable à habiter parce qu’on en aura payé le loyer ?
L’argent n’est jamais que de l’argent. Il va et vient au hasard de l’un à l’une ou de l’une à l’un, sans foi ni loi. S’il facilite grandement nos coups de foutre, il ne fait pas naître nos passions, qui relèvent du coup de foudre ; mais il les arrange ou les dérange selon qu’on en a ou pas au bon moment.
Jacques Cellard lit "Souvenirs d'une gamine effrontée" (éditions Balland) est le n°26 de la série cinématographique "Lire".
Réalisé le 28 août 1988 à Braine (France).