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“Je t'écris des mots purs, j'ai gommé les ratures, je ne suis pas vraiment sure qu'aucune éclaboussure, de tes yeux jaillira… de tes mains tu va me décolleter” chantait Liane Foly sur un air de jazz pianoté par André Manoukian. Chaste rengaine comparé à l'explosive missive érotique que l'on s'apprête à décacheter ici.

L'écrivaine et poétesse tchèque est la fille de la femme de lettre Milena Jesenská, un temps amante de Kafka, déportée et décédée dans les camps nazis. Peu de textes nous sont parvenus traduits, et par les mystères de la postérité, son ouvrage le plus célèbre en français est une lettre de 1962, qui n'était sans doute pas destinée à publication posthume, que Jana Černá adresse à son amant, le philosophe Egon Bondy.

Černá, Bondy ou encore Bohumil Hrabal, font partie de “l'underground” artistique de la Tchécoslovaquie communiste des années soixante, publiant leurs textes en samizdat clandestins.

“Le vrai charlatanisme, ce sont ces écoles à produire des philosophes diplômés, ceux qui ont obtenu leur brevet de pensée philosophique – quelle ignoble et effroyable absurdité que de tester quelqu'un sur la connaissance de x manuels et de lui octroyer le titre de philosophe”.

L'écrivaine commence par des considérations sur l'écriture, qu'elle soit philosophique ou poétique. Černá donne fièrement, avec humour et provocation, sa conception de la pensée à son philosophe d'amant. Est-elle en train de rabrouer la philosophie, sa rivale dans le coeur d'Egon ou alors sommes-nous les fugaces témoins d'une émulation permanente entre les amants, dont les conversations philosophiques et littéraires devaient être foisonnantes dans un contexte affamé de renverser la table et de faire du neuf : “la poésie laborieuse, c'est une suante niaiserie destinée aux manuels de classe, propre à exciter les institutrices standardisées dont elle sert à adoucir la destinée, par ailleurs plutôt amère.”

De ces considérations, la poète tchèque en vient à vanter leur relation, à la fois la transparence, mais aussi l'indulgence, et la fusion des corps et des esprits ce qui préfigure la césure érotique à venir, qui pour l'auteure n'en est pas une : “Il est vraiment difficile de faire la part entre l'excitation due à ton corps que je connais si intimement, et celle qui vient de n'importe laquelle de nos discussions.”

“J'estime qu'un désir aussi fort que le mien aujourd'hui ne se contente pas d'attendre sa satisfaction, mais la revendique à cor et à cri.” Puis, quelques pages plus tard, d'une façon assez impromptue, la lettre s'enflamme, le fantasme prend le relai, l'émettrice veut que son courrier brûle entre les cuisses du destinataire. Elle veut faire son effet, et par l'énumération des pratiques, rituels et fantasmes jetés frénétiquement sur le papier elle veut, tout comme lors des préliminaires philosophiques stimuler son amant : “Je regarderais par moments ton visage et par moments en coulisse ton sexe, en sachant que l'un et l'autre réagiront visiblement à la lecture de cette dissertation.” le sexe et l'intellect fonctionnent pour l'écrivaine comme un miroir renversé, l'un amène à l'autre, et il fait peu de doute que les deux amants soient ce qu'on pourrait dire “sapiosexuels” : “je veux passer des heures à bavasser pour pouvoir coucher avec toi et je veux baiser avec toi pour parvenir à ces heures de discussion.”

“Pour la première fois de ma vie j'ai une liaison amoureuse ingénue.” Son style direct, l'emploi de mots très crus, l'enchainement virevoltant et explosif d'images pornographiques (qu'on aurait utilement pu demander à la peintre tchèque Toyen, dont les dessins érotico-comiques sont fascinants, d'illustrer!) mais encore son recul permanent sur ce qu'elle est en train d'écrire et son humour, en font une correspondance tout à fait singulière, nous enjoignant à peut-être dire ce qu'habituellement on n'ose pas exposer si clairement car après tout “perfection ne peut être vertueuse”.

“Je n'ai pas appris à considérer l'excitation comme quelque chose qu'il faille supprimer dans le renoncement.”

Rappelons encore une fois que ce courrier obscène, à ma connaissance, n'était pas destinée à publication. Černá, dont la poésie semble également d'inspiration érotique, ayant bien conscience que la parution d'un texte de la sorte était impossible en raison notamment de ceux qu'elle qualifie de “censeurs de moeurs”.

Pas dans le cul aujourd'hui j'ai mal
Et puis j'aimerais d'abord discuter un peu avec toi
car j'ai de l'estime pour ton intellect
On peut supposer que ce soit suffisant pour baiser en direction de la stratosphère”

Décédée dans un accident de voiture, mariée cinq fois, et de plus en plus ésotérique, Egon Bondy dira de la poétesse pragoise qu'elle a été “ce que l'homme peut atteindre de plus grand.” Et Černá de conclure sa babillarde par un conseil : “Fais-toi donc vite du bien en t'accordant une bonne branlette si tu ne l'as pas encore fait”, conseil que, malgré une panne (…d'inspiration bien sûr) je n'ose reprendre à mon compte pour vous le prodiguer en guise de conclusion ici, vous imaginez bien…

Sur ces prolégomènes, bonne Saint-Valentin !

Qu'en pensez-vous ?
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Pas dans le cul aujourd'hui
j'ai mal
et puis j'aimerais d‘abord discuter un peu avec toi
car j'ai de l'estime pour ton intellect.

Ainsi commence ma lecture, par les vers de ce poème qui s'introduisent pernicieusement dans mon esprit. Dès les premières lignes, je suis accroché, l'instinct bestial que je ressens et pressens que cette lecture fera date, comme une rencontre entre la philosophie et mon sexe.

Une longue lettre de Jana Cerna à son homme, qui bouscule mon intimité, car elle sait me parler « philosophie » avec son parfum d'amour, de chatte et de foutre. Les mots sont crus, bandant même, mais quel plaisir incommensurable, j'ai eu à lire cette lettre. Sans aucune poussière de voyeurisme, les phrases s'échappent de la feuille de papier au doux grammage des éditions La Contre Allée et se transforment en images sensuelles dans ma tête. Je fais le vide, respire, débouche une bouteille. Bruit du jeu du bouchon et du tire-bouchon, je me sers un verre. Continuer la lecture, prendre ce plaisir, une main tenant le verre, l'autre main…

Philosopher avec un verre à la main, ou ma langue sur ta chatte, c'est plutôt mon truc, effectivement. Peut-être même est-ce comme cela que la philosophie doit être conçue. La dépoussiérer, la rendre moins austère. Pas sûr que j'y comprenne mieux, mais sûr que j'y serai plus attentif. Sûr que j'y trouverai plus de plaisir. La vie sous un autre jour, la philosophie de la chatte.

Une lettre sur l'absence.
Une lettre sur le désir.
Une lettre sur « lâche-toi ! ».
Une lettre sur la liberté.
Une lettre sensuelle, érotique, pornographique. Je la relirai à l'occasion. La magie opérera de nouveau. Parce que la lettre va bien au-delà des mots. Elle affirme le droit à la femme, le droit à la passion, le droit à la vie tout simplement en toute liberté au-delà des impressions et des préjugés.

Sacredieu, le bonheur n'est pas dans le pré mais dans les rues de Prague. Il s'affiche ostensiblement dans la crudité de ces mots, une manière en soi d'effacer un peu la distance qui sépare ces deux amants. Comme l'exutoire d'une passion débordante en attendant des jours où ces deux–là se retrouveront.

Pas dans le cul aujourd'hui ?
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Ne vous fiez pas à la poésie du titre. Il ne s'agit ni des mémoires de Brigitte Lahaie ni de l'énième opus de Christine Angot. Je ne me serais jamais intéressée à cette missive en forme de missile si ma libraire préférée ne l'avait pas recommandé, si l'auteure n'était pas une figure emblématique de l'underground pragois d'après-guerre, fille de Milena à qui Kafka destina sa correspondance.
Jana Černà se languit de son amant, Egon Bondy. Elle lui adresse cette lettre, témoignage d'une passion ignifuge, d'un amour inconditionnel dont la violence est d'autant plus forte que la liberté est en jeu. Liberté de penser et d'aimer. Car voyez-vous, en ces temps de guerre froide, une sexualité assumée est une arme (contre)-révolutionnaire.
La lettre commence par des considérations méthodologiques, une invitation à la légèreté. Jana somme son amant de se laisser aller, de chercher son inspiration dans les bars, dans ses bras, plutôt que d'aller traîner dans les bibliothèques.
Et puis, page 58, tout s'accélère, des phrases d'un érotisme torride s'enchaînent. La crudité des mots porte, outre le cri du coeur et du corps, la révolte de cette figure féministe, opposée à la complicité du stalinisme et du patriarcat, à la séparation de l'intellect et de la sexualité. C'est d'une beauté rare et nue. Quand le désir s'exprime avec une telle force, il détruit tout sur son passage, la morale et la politique. Les digues rompent.
Il faudrait que les ados à la libido naissante lisent ces quelques pages. Leur pouvoir suggestif est infiniment plus grand que les sites où ils consomment leur prêt-à-bander.
Une lettre qui restera dans les annales – évidemment.
Bilan : 🌹🌹
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« Pas dans le cul aujourd'hui / j'ai mal / et puis j'aimerais d‘abord discuter un peu avec toi / car j'ai de l'estime pour ton intellect. »

Le premier vers de ce poème donne ici son titre à une longue lettre d'amour. Car ce texte est bien une seule et unique lettre d'amour adressée par Jana Cerna à son amant Egon Bondy au début des années 60. Cerna, icône de la culture underground pragoise décédée dans un accident de la route en 1981, écrit à celui qui vient à peine de la quitter mais lui manque déjà tant.

Elle revendique l'impossibilité de séparer le désir physique, la sexualité et l'intellect, exprime son refus de se soumettre à la primauté masculine, défend le pouvoir de l'imagination tant malmené par le stalinisme et invite à lier de manière inéluctable et naturelle poésie et philosophie. Une prise de position sans concession, parfois mystique, pleine de souffle et de vitalité, traversée par des passages dignes d'une confession amoureuse des plus touchantes alors que dans le dernier tiers, elle se lance dans une énumération érotique de ses envies et de sa frustration due à leur éloignement avec une incroyable liberté de ton.

Cette lettre d'une sincérité et d'une force d'évocation remarquable dresse le portrait d'une femme libre et indomptable, d'une femme amoureuse et insoumise, d'une femme incapable de se comporter de manière raisonnable. Une femme moderne, quoi.


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« Pas dans le cul aujourd'hui » … Mais que peut bien contenir un livre au titre si provocateur ?
C'est évidemment la première question que l'on se pose… Et la réponse est : une lettre d'amour enflammée, passionnée, sans retenue, et d'une totale sincérité !

Libre, libertaire, indomptable, insoumise, exaltée et follement amoureuse, voilà à mon sens quelques qualificatifs qui conviennent pour définir le caractère de Jana Černá, qui est l'auteure de cette lettre tout à fait singulière, qu'elle adresse à son amant Egon Bondy en 1962.

Mais pour bien saisir tout l'intérêt de cette lettre très étonnante par sa fougue et sa vitalité, il me paraît indispensable de bien cerner ce qui a façonné les personnalités de celle qui a émis cette lettre, de celui qui l'a reçue et de connaître le contexte historique, social et politique de l'époque.

Alors qui est-elle au juste, Jana Černá ? C'est la fille de Milena Jesenská, qui est mondialement connue pour avoir correspondu avec Franz Kafka, grande journaliste, grande figure de l'antinazisme dans la Tchécoslovaquie de l'entre-deux-guerres, résistante, qui a fini sa vie à Ravensbrück en 1944. Milena Jesenská était rebelle, anticonformiste.
Elle avait soif de justice.

Cet esprit rebelle, cette vigueur, Jana Černá l'a certainement hérité de sa mère !
Elle va partager étroitement l'existence de sa mère jusqu'à son arrestation par la Gestapo en 1939, alors qu'elle n'a que 11 ans. Mère et fille sont alors unies par une grande complicité, Milena Jesenská, confiant à sa fille la tâche de distribuer clandestinement la presse antifasciste dans Prague occupée. Plus tard, la vie d'adulte de Jana Černá sera empreinte d'un anticonformisme souvent provocateur, d'un mépris pour le rôle subalterne de la femme, d'un sens aigu de la débrouille, d'un culte de l'indépendance et d'une passion pour les idées et les arts.

Jana était quelqu'un d'exceptionnel qui a eu une vie incroyable : elle a fait plein de petits métiers différents et a eu plusieurs enfants qui lui ont été enlevés parce qu'elle ne pouvait s'en occuper.
Mais elle ne sort pas de nulle part, étant donné son milieu familial où plusieurs cultures se mêlaient
- tchèque, allemande et juive, et le fait que ses parents qui étaient engagés sur le front culturel et politique, recevaient chez eux toute l'avant-garde tchèque.

De fait, l'esprit de Jana va s'aiguiser à ces contacts, et elle va participer à un mouvement underground qui n'est pas sans analogie avec la Beat Generation américaine.
L'underground pragois connaît sa période la plus prolifique durant les années de terreur stalinienne. Cet underground rejette les sociétés hyperpolitisées, avec leur fanatisme et leur chasse aux sorcières, et revendique un espace indépendant de la politique dédié à l'art et à la vie privée et s'adonne à l'expérimentation.
On est dans les années sombres d'après-guerre, des années de terreur au cours desquelles la société semble anéantie, incapable de penser, de créer, mais voilà qu'une femme, à Prague, Jana Černá, écrit non seulement sur le sexe et le désir féminin, mais au-delà de l'écriture, met en pratique ses idées non conformistes. C'est dans le cercle d'intellectuels dissidents dont elle fait partie, qu'elle va rencontrer Egon Bondy, le destinataire de sa lettre, auquel elle va vouer un amour total.

Cette lettre qu'elle lui adresse est très personnelle et intime. C'est une lettre sublime, qu'on peut dire porno-philosophico-érotico-amoureuse ! Jana est une âme sauvage. Tout chez elle informe tout, et tout chez Egon Bondy est source de plaisirs, dans un va et vient permanent entre l'intellect et le corps. « Pas dans le cul aujourd'hui », c'est l'amour moins le pouvoir, c'est le sexe à foison, le désir exalté et crié pour chaque partie du corps de l'autre, c'est un terrain de jeu et d'expérimentation infini, des discussions philosophiques à bâtons rompus qui se terminent sur l'oreiller, c'est polisson, généreux, capricieux, et ce n'est vraiment pas raisonnable… (voir ma citation pour le caractère irraisonnable de Jana).

Par sa lettre, tel un cri, Jana Černá exprime la nécessité de briser les carcans sociaux de tous bords, pour laisser à l'amour et à la création artistique et intellectuelle la possibilité d'être et de s'épanouir, c'est-à-dire de revendiquer leur profonde singularité.
Pour elle, l'amour est exclusivement libre, ou il n'est pas, point barre !

Cette lettre est une énergique invitation à lier poésie et philosophie, vie et littérature, sexe et art. Elle révèle une puissante défense de la liberté de l'individu face au stalinisme, et témoigne de l'extraordinaire réaction d'une intellectuelle libertaire face à la situation politique de l'époque.
C'est un texte écrit dans un langage extrêmement cru, pendant plusieurs pages, mais qui n'est pas vulgaire du tout, car il est question de sensualité et de sentiments exprimés de façon sincère.
C'est un écrit intime pour quelqu'un qu'elle connaît parfaitement. Dès lors, cette sensualité-là passe sans problème.
Jana ne fait pas de provocation facile, elle dit les choses comme elle les pense, tout simplement.

Quant à Egon Bondy (alias Zbyněk Fišer), lui est considéré comme une figure emblématique de l'underground musical, littéraire et politique tchécoslovaque à partir des années 50. Il a été influencé par Dada et le surréalisme. Presque toute sa vie, il a vécu en marge de la société et son existence a parfois ressemblé à celle d'un clochard, alors qu'il était à l'origine ce qu'on appelle un « fils de famille », ayant passé son enfance à Prague dans une famille aisée. Mais cette enfance heureuse a été interrompue par la 2e guerre mondiale. Il perd sa mère et son éducation change beaucoup, car son père cherche à lui imposer une discipline plus rigoureuse, presque militaire. C'est probablement là qu'il faut chercher les racines d'une certaine résistance contre l'autorité et de son anticonformisme, plus tard à l'âge adulte. En 1947, il avait adhéré au parti communiste et espérait que la révolution changerait le monde. La même année, il quitte le lycée et adopte un pseudonyme juif, Bondy, pour protester contre l'antisémitisme. Dès l'année 1948, après l'avènement du régime communiste en Tchécoslovaquie, il quitte le parti. Il doit se rendre à l'évidence, la liberté n'est pas venue et un régime rigoureux a été remplacé par un autre régime plus dur encore !
Il renonce à la vie dans ce qu'on appelle la bonne société, cherche l'inspiration et le refuge dans la bière, et pendant un certain temps, il mendie même pour subsister.
En 1957, la vie d'Egon prend un tournant inattendu. Il passe son bac et va étudier la philo et la psychologie. Il devient Docteur en philosophie et s'impose comme un des penseurs tchèques remarquables. Sa poésie et sa prose expriment entre autres son écoeurement de la vie sous le
« socialisme réel » de la période de la "normalisation", mais il jette un regard corrosif sur la civilisation humaine dans son ensemble.

Je trouve qu'il n'est pas étonnant que Jana Černá et Egon Bondy soient tombés follement amoureux l'un de l'autre, car il y a beaucoup de choses qui les rapprochent, beaucoup de similitudes, que ce soit au niveau de leurs parcours de vie, de leurs enfances, de leurs éducations, de leurs souffrances, de leurs caractères, et de leurs intérêts pour la culture.
Bien sûr, leur liaison tellement passionnée a été parfois orageuse et destructrice, mais elle a fait l'objet de moments exquis qui l'ont fait renaître de ses cendres ! Un magnétisme les a reliés !

Par son mode de vie puis son oeuvre, Jana Černá a incarné aux yeux des nouvelles générations une forme d'érotisme proto-féministe. On pourrait affirmer en grossissant le trait, que ce premier vers d'un de ses poèmes, « Pas dans le cul aujourd'hui », est une métaphore du féminisme.
Aujourd'hui, le féminisme connaît sous diverses formes un véritable regain. le texte de cette lettre est aussi en résonnance avec des affirmations féministes actuelles… Les choses évoluent, mais il y a aussi des retours en arrière par rapport au désir féminin, au consentement, à toutes ces questions.

Je pense que ça fait du bien aux hommes de lire un texte comme celui-ci.
Il ne faut pas oublier que ce texte a été écrit en 1962, et je trouve qu'il n'a pas pris une ride, que ce soit au niveau du vocabulaire ou des thématiques.
Cela reste encore apparemment dérangeant de dire des choses comme celles-ci avec cette absolue liberté de ton !

Jana Černá « était un cygne blanc avec une aile blessée, mais avec des yeux splendides, grands, tristes et le coeur d'une poétesse maudite », dira d'elle un de ses amis, Bohumil Hrabal.
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Quelle bonne idée d'éditer une traduction de cette lettre de Jana Cerna. Elle est extrêmement riche. Comme le dit l'auteure, "tel que c'est dit et écrit, cela contient évidemment tout."
Jana Cerna a une ascendance peu commune. Elle est la fille de Milena Jesenska, femme libre, journaliste, écrivaine, résistante, morte à Ravensbrück en 1944, mais surtout connue pour avoir été la destinataire des sublimes "Lettre à Milena" de Franz Kafka.
Sa mère surnommait Jana 'Honza', surnom qui lui est resté. Elle aussi est résistante à sa manière. Elle tente de vivre librement dans la Tchécoslovaquie communiste. Elle tente de vivre cette liberté dans tous les aspects de sa vie, y compris les relations amoureuses. 'Pas dans le cul aujourd'hui' est un témoignage flamboyant de sa quête de liberté, qu'il s'agisse d'unir poésie et philosophie, des rapports au divin, ou des relations sexuelles décrites avec une crudité et une énergie débordantes, mais toujours sans vulgarité. Une femme tentant de vivre pleinement sa vie, plutôt qu'une féministe à mon avis. Un court et fort texte à découvrir en tout cas.
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Pas dans le cul aujourd'hui est une lettre de Jana Černá à son mari Egon Bondy écrite à Prague aux environ de 1962 sous l'ère communiste. Elle se lit en moins d'une heure et soulève des tempêtes, aiguise l'intellect, pourrait être provocante, se contente d'exprimer une pensée totalement et démesurément libre. Jana Černá est la fille de la journaliste, écrivaine et traductrice tchèque Milena Jesenská, célèbre destinataire des Lettres à Milena de Franz Kafka. de toute évidence, Jana Černá est aussi la digne héritière du tempérament extrêmement libre et des valeurs féministes de sa mère. Dans cette lettre enflammée, elle exprime, sans jamais se soumettre, toute l'admiration, le soutien, le désir et l'amour qu'elle voue à son époux, frisant parfois le mysticisme, elle adule tout autant son intellect – l'homme est philosophe et poète et trop peu traduit en français à mon grand désespoir – que son corps. Elle s'exprime avec une sincérité, une modernité et une liberté inouïe. Son discours n'en est pas moins très juste et hors de tout conformisme. Jana Černá est tout à la fois femme aimante et dévouée, amante excentrique, poète à la langue aiguisée, intellectuelle de haut vol. Elle appartient à ce que l'on appelle l'underground pragois des années 50-60's que je découvre progressivement avec les oeuvres de Bohumil Hrabal notamment.
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Tombée sur ce petit livre par hasard au fil de mes pérégrinations en librairie, c'est une vraie claque littéraire que je reçois.

C'est un réel plaisir de faire une découverte de cette sorte. On lit une auteur exaltée, folle d'amour, ivre de vie, avec un parler lyrique et cru à la fois. le corps et l'esprit se rejoignent dans l'amour total de Jana Cerna pour Egon Bondy. Dieu rencontre le foutre sans aucun soucis et c'est assez libérateur de lire une femme s'exprimer sans faux semblant.

Auteur contestataire, anarchique même, on sent l'étonnement de Jana devant cet exercice si classique d'une lettre d'amour : "me voilà installée devant une lettre d'amour -il y a quelque chose qui cloche quelque part- ou c'est peut-être le contraire et rien ne cloche, sauf que d'un autre côté je suis dans la merde, alors on a du mal à trancher." qui au final n'aura rien de classique !

Vite lu, et gardé en mémoire, on remercie les éditions La contre allée de nous faire découvrir cette auteur (car complètement inconnue en ce qui me concerne) et qui donne envie de lire d'autres textes de cette génération tchèque en révolte.
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Le titre a très sérieusement de quoi surprendre et pourtant il annonce le programme de l'ouvrage dès le début. Tiré d'un poème même de l'auteure que je redonne juste ensuite, "Pas dans le cul aujourd'hui" n'est pas un roman mais une immense lettre d'amour qui se lit et doit se lire d'une traite, comme pris dans le tourbillon convulsif des sentiments.

"Pas dans le cul aujourd'hui, j'ai mal,
Et puis j'aimerais d'abord discuter un peu avec toi
car j'ai de l'estime pour ton intellect
On peut supposer que ce soit suffisant
pour baiser en direction de la stratosphère"

C'est donc une discussion ouverte de Jana Cerny envers son amant, Egon Bondy, clamant son amour, sa frustration amoureuse, l'admiration qu'elle a pour cet homme mais aussi sa jalousie (elle sait qu'il va en voir une autre), sa colère, son mysticisme tout comme sa bonté, sa chaleur, ses coups de gueule non feints, sa générosité.

Cela file donc très vite, pas de chapitrage, tout se suit, l'auteure a à peine le temps de se relire pour émettre une courte critique sur ce qu'elle a écrit (avec toutefois beaucoup de lucidité) avant que tout reparte de plus belle, pris dans une analyse du sentiment amoureux dans ce qu'il peut avoir de plus cru et trivial saupoudré de considérations sur la société de l'époque et le milieu où Egon et elle évoluaient. Donc du cul, bien sûr et d'une force à ne pas laisser aux enfants mais pas que. Au delà, la dimension amoureuse est restituée dans une sphère humaine et mystique qui par moment confine à la même beauté crade mais incroyable que chez Bukowski. Assurément à lire même si ça ne plaira pas forcément à tous-toutes.
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Dans le Nouvel Observateur du 30 octobre 2014

Le sublime sexuel

Attention, découverte !
Fille de Milena Jesenskâ, à qui Kafka écrivait ses « Lettres à Milena », Jana Cerna n'avait jamais été publiée en France - elle l'est à peine dans son pays, la République tchèque. Morte en 1981, à 53 ans, elle a vécu de petits boulots et participé àla dissidence tout en faisant cinq enfants. Parmi ses hommes, il y eut Egon Bondy, phillosophe et figure de l'underground praguois, à qui elle adressa cette lettre. Cela commence par une déclaration d'amour à l'intelligence de son amant :« Il est vraiment difficile défaire la part entre l'excitation due à ton corps que je connais si intimement et celle qui vient de n'importe laquelle de nos discussions. » Ça finit par une ode à l'« espoir véritable », celui « qui ne garde pas de la désespérance, qui ne protège de rien, même pas de la damnation », mais qui est l'unique bien que nous possédions vraiment. Entre les deux, un chant de désir sexuel d'une puissance incroyable. Mais là, on vous laisse découvrir : c'est trop beau, trop chaud, trop dingue. Trop sublime.

Éric AESCHIMANN
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