Un destin, celui de ce pauvre gamin, ce Jules Bonneau !
Jules Bonneau, comme celui de ‘la bande à', sauf que ça ne s'écrit pas de la même façon.
Bonneau mais surnom ‘la Teigne', ça vous pose son bonhomme !
Et la Teigne est à Belle-Ile, pas en villégiature bobo en bottes Aigle et ciré jaune Cotten destination la Thalasso pour une infusion de dulse bien sûr, mais dans l'établissement pénitentiaire pour enfants où il coule des jours moins détoxifants, on s'en doute, mais tout aussi prohibitif en matière de tarif puisque ici c'est au prix de la liberté.
Sans compter le coût des coups.
Croulez, croulez jeunesse !
Le bagne des gosses, sacrée invention !
Abandonné par sa mère (soufflée pour avoir eu une touche avec un accordéoniste) et laissé chez ses grands-parents indifférents par un alcoolique père invalide de guerre (la première), le bambin a grandi comme une plante sauvage et invasive, sans attention (inutile de parler de tendresse ou d'amour)
Pleurez, pleurez, chaumières !
De petites rapines de môme en rupture de droit modèle en vengeance incendiaire appartenant à de misérables copains, Bonneau va son tristounet de chemin qui, à treize ans, le conduit à la Citadelle du Palais en Belle-Ile pour attendre une majorité qui mettra un temps infini à être atteinte.
Une chance lui a-t-on dit où, en plein air et baigné par les embruns, il sera nourri et s'instruira sainement pour apprendre un beau métier. C'est donc ça la définition d'une maison de redressement, heu, de la colonie en fin des années vingt !
C'est plus Vidocq que Viandox en fait !
Humiliations, corrections, brutalités, travaux forcés…toute la panoplie sadique des garde-chiourmes est utilisée pour mettre au pas les colons qui, déjà entre eux, ne se font pas de cadeaux.
Un univers de violence verbale, morale ou physique pour redresser des gamins qui ont surtout fauté d'être nés pauvres voire même uniquement orphelins, pour certains.
Et puis la brimade de trop !
La correction brutale inacceptable d'injustice !
Le gamin faible et docile qui prend une trempe effroyable pour avoir mordu dans son fromage avant d'engloutir sa soupe translucide !
Le règlement inique est chamboulé !
Quel crime inexcusable !
Les matons fondent sur la chétive silhouette et c'est le réfectoire tout entier qui gronde et se révolte.
Nous sommes en Bretagne alors les coups pleuvent. le ciel de la cantine vire au noir et la meute foudroie les gardiens impuissants face à la fronde trop longtemps larvée.
Un temps de gueux s'abat sur la colonie en vacance d'autorité.
Et ce fait est authentique, véridique, historique.
L'auteur a brodé un roman autour de cette révolte des enfants qui a terrifié Belle-Ile le 27 août 1934, déclenchée effectivement par un bout de fromage, avec, la hiérarchie pénitentiaire dans le rôle des corbeaux qui fondent sur les colons affamés et battus dans celui des renards effrayés.
Ce n'est pas une fable mais une histoire vraie où tous les mutins ont réintégré le bagne maudit quand le roman imagine une unique évasion réussie qui lui permet d'aborder divers sujets, listés ici, à la
Prévert : On parlera donc de solidarité, de fraternité, de trahison, de perversité, d'avidité, de communisme, de fascisme, d'avortement, de rédemption, de rage, de chantage, de crime, de châtiment et de…
Prévert.
Une lecture à la fois utile et agréable que l'on ne peut que conseiller ne serait-ce qu'en hommage à ces mômes ('le môme' autre roman abordant ce même sujet) qui, sûrement, hantent toujours les pierres de granit de la citadelle du Palais, à Belle-Ile.