Dans le Londres de l'immédiat après-guerre, Georges Fraser est un modeste VRP en livres scolaires aux talents de vendeur assez limités. Passionné par les histoires de gangsters américains qu'il lit dans les magazines ou qu'il voit au cinéma, ce grand bonhomme costaud mais timide s'invente une vie de gun-man dont il raconte les aventures prétendues vécues aux Etats-Unis à la femme de chambre de la pension de famille où il habite et à la barmaid de son pub préféré. La possession d'un Luger, de son chargeur et d'une boite de cartouches hérités de son père le conforte dans cette vie rêvée bien qu'il ne s'en soit jamais servi ni même qu'il ait rempli le chargeur de balles.
Lorsque son chef des ventes lui présente son nouveau collègue, Sydney Brant, un jeune marlou salement balafré au visage, qui s'impose avec des méthodes de vente douteuses, Fraser ne se doute pas que son rêv
e va devenir réalité. Tombant amoureux fou de la soeur de Brant, Cora, une jeune femme au caractère affirmé et jalouse de son indépendance et de sa liberté, qui aime les vrais durs, Fraser se laisse prendre au piège tendu par les Brant pour lui faire endosser le meurtre de Crispin, un gangster notoire. Mais la mère et les comparses de Crispin découvrent le cadavre et l'enterrent pour éviter toute enquête policière. Désormais, ce n'est plus la justice que craint Georges Fraser mais la vengeance aveugle des tueurs lancés à ses trousses. Pourtant, George qui brûle de passion et de désir pour Cora décide de la revoir pour lui pardonner sa trahison. Mais Sydney et Cora ont déménagé à la cloche de bois. Au moment où George parvient à découvrir où ils se terrent, il apprend que Sydney est mort dans des circonstances étranges. Pourchassés maintenant par les sbires de Crispin, George et Cora échappent de peu à un incendie criminel et trouvent refuge auprès de Little Ernie, un proxénète connu de Cora. Celle-ci exige beaucoup de George sans rien lui donner en retour. elle devient bientôt la maîtresse de Little Ernie et travaille pour lui. Va-t-elle faire marcher encore longtemps Georges ou celui-ci va-t-il se décider à devenir un vrai dur ?
Publié en 1946 sous le pseudonyme d'Ambroise Grant, "
Elles attigent" se veut pour l'auteur une sorte de revanche auprès des critiques littéraires qui s'étaient déchainés contre lui personnellement après le succès public de "
Méfiez-vous fillettes". Il a réussi son coup car Ambrose Grant a été encensé par les critiques et cet unique roman paru sous ce nom a eu beaucoup de succès auprès du public. Il se pourrait aussi que le choix de publier un ouvrage sous pseudonyme après les lauriers tressés pour ses précédentes oeuvres montre la réelle préoccupation littéraire d'un auteur parfois taxé de rechercher coûte que coûte la réussite commerciale.
"
Elles attigent" développe une intrigue à rebondissement qui pousse le héros à évoluer psychologiquement pour progressivement devenir le personnage qu'il rêvait d'être. Les deux protagonistes que sont George, le rêveur et Cora, la femme fatale, ne se rendent pas compte que ce qui les motivent va entraîner leur perte : le premier en devenant un vrai dur répond au désir de la seconde, mais pour leur plus grand malheur à tous les deux.
François Guérif, éditeur, critique et essayiste spécialisé dans le roman, policier a écrit qu' "éclairer l'âme des criminels a toujours été le privilège des grands auteurs de romans noirs." C'est ce que fait ici
James Hadley Chase pour notre plus grand plaisir.