— Celle-là même qui nous a conduits là ? À saccager la planète, à détruire ses défenses, à affaiblir ses ressources ? Fanny, soyons lucides, depuis la fin du vingtième siècle l’homme sait qu’il est en train de tout foutre en l’air ! Qu’a-t-il fait ? Pour ne pas heurter l’économie, pour ne pas déplaire aux lobbies qui financent les partis politiques, on a pris des mesures symboliques, qui n’ont rien changé. Quand j’étais gamin on m’apprenait que je vivais en démocratie et que l’homme était bon. Or je découvre que c’est la lobbycratie qui est au pouvoir et que l’homme est avide.
- Si mon fils aîné était là, il se plairait à dire que si la Terre a un rhume, nous sommes les microbes.
A son côté, essoufflé, Tim s'esclaffa, avec plus de cynisme que d'humour :
- Je crois que l'île ne veut pas qu'on parte.
Quel cerveau avait pu concevoir une boucherie pareille ? Emma ne parvenait pas à comprendre, une telle démence ne pouvait être contenue dans un esprit d'homme. Le seul fait d'en effleurer la pensée aurait poussé n'importe qui au suicide. Ceux qui s'étaient livrés à cet immonde carnage avaient renoncé à toute humanité.
Ne cède pas à l'imagination, c'est toujours le pire, elle ne sert que la littérature.
Non Mélissa, c'est plutôt comme si la terre avait un rhume, tout va s'arranger.
-Sauf que les microbes qui ont provoqué ce rhume, c'est nous, insista Zach, on est des microbes de la terre et si la terre veut guérir elle doit se débarrasser des micro....
Emma ouvrit les yeux.Elle était toute courbaturée d avoir dormi quelques heures entre les balles de grain,et l humidité du petit matin l a fit frissoner
Emma savait de quoi était capable l'être humain lorsqu'il était acculé, pour sa survie. Les plus faibles avaient péri les premiers, pendant l'assaut des villages. Les bons Samaritains avaient suivi de près, à force de vouloir aider tout le monde, et les courageux s'étaient fait marcher dessus par les vicieux. Elle connaissait cette logique infâme parce qu'elle était l'essence même de l'évolution des espèces. Seuls les plus avides de vie gagnaient le droit de voir le lendemain. Et lorsqu'il était retranché dans ses instincts les plus vils, l'homme redevenait un animal, le prédateur qu'il était et qui l'avait conduit à dominer la chaîne alimentaire.
Emma repoussa le plateau-repas et se cala dans son siège. Ses yeux tombèrent sur la couverture du roman de Guillaume Musso qu'elle avait emporté. Habituellement elle dévorait ses livres, plusieurs décennies de fidélité littéraire à ce maître du thriller romantique. Pourtant elle était incapable de se concentrer sur l'histoire.
Ce que je veux dire c'est qu'une bombe à retardement est lâchée dans le Pacifique, et nous sommes à la merci du temps pour la désamorcer.