Le problème avec les catégories spécifiques, c'est qu'on est rarement surpris. Les romans historiques, d'aventures, d'amour, une biographie, un témoignage, un traité de philosophie ou de sociologie, tous répondent à un cahier des charges précis et immuable.
Plus que toute autre genre, le polar ou thriller, répondent à des rites obligatoires. Un meurtre. La quête de l'assassin. Les fausses pistes. L'antagonisme de deux flics. le jeu du chat et de la souris. Les descriptions macabres. Les pirouettes et le dénouement final, si possible auquel personne ne s'attend et de préférence à la dernière page.
Maxime Chattam, je le croyais américain jusqu'au bout des ongles. Né en Pennsylvanie et ayant fait des études de droit à Boston avant d'atterrir dans la grosse pomme. Tout faux.
Ensuite, son roman s'ouvre sur une scène de préparation de bataille dans un conflit (qui reste à définir : on ne connait ni le lieu, ni même l'époque – première source d'enquête pour le lecteur qui aime tant à s'identifier au traqueur de meurtriers –, il est question d'un débarquement, à aucune page on ne rencontre un téléphone cellulaire ni même le moindre indice de notre monde moderne : j'ai donc pensé à la Normandie de 1944, avant qu'on ne parle de tranchées…). Quoi qu'il en soit, ceci est juste un petit jeu entre le lecteur et l'auteur : une guerre n'a pas besoin d'être précisée pour en demeurer l'horreur absolue.
Dénicher un tueur en série en plein conflit armé, voilà qui n'est pas commun.
Chattam brouille les pistes selon le rituel habituel de ce genre si particulier, mais pas où on pourrait le penser. Ainsi, durant les cent premières pages et contrairement à ce qui unit tous les romans de la même veine, l'action se met lentement en place. On s'ennuierait presque. Puis l'étau se resserre, les personnages nous deviennent familiers : ça y est, le poisson-lecteur est bien ferré, accroché jusqu'à la dernière ligne.
La force de «
Prédateurs » c'est qu'on s'intéresse autant, sinon davantage, aux enquêteurs (la police militaire, chargée de faire respecter la bonne gestion des prisonniers de guerre, bref une police des polices au coeur de l'armée) qu'au responsable d'un carnage devenant croissant au fil des chapitres. Il existe une part d'ombre en chacun, y compris et surtout chez le lieutenant, une véritable armoire à glace, le chef de la troupe et une infirmière qui va le seconder dans sa recherche du coupable. En eux se cachent des vérités bien enfouies. Rien n'est ni tout blanc, ni tout noir.
A force de lire les atrocités à chaque thriller que j'ouvre, j'ai remarqué que les auteurs sont pris par leur propre jeu : c'est à celui qui peindra la scène de crime la plus immonde, la plus glauque, la plus vomitive. Et là,
Chattam est un champion. le summum est atteint avec ce que l'on peut faire avec du matériel de pêche (fils & hameçons) : je n'en dis pas plus, c'est écoeurant.
Somme toute, ce roman pourrait rejoindre les milliers de ses frères et cousins du même genre s'il n'était avant tout, une belle et pertinente réflexion sur
le mal et comment il vient aux hommes.