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4,34

sur 355 notes
Émilie Chazerand étant une autrice que j'affectionne, c'est avec plaisir que j'ai emprunté Annie au milieu à une copine. Pourtant, je l'avoue, j'ai eu un peu de mal au début avec la narration d'Annie. du fait de son handicap, cette dernière a un parler très simple (à première vue, car ça ne l'empêchera pas de faire l'air de rien des remarques plus que pertinentes sur sa famille) avec des mots de liaison absents et une conjugaison très rudimentaire. C'est comme les récits avec une voix d'enfants : des fois, ça marche et on adhère sans réserve, des fois, ça sonne faux et c'est juste long. Ainsi, il y avait deux possibilités sur le long terme : soit ça allait me lasser tant et plus, soit j'allais m'habituer… et c'est ce qu'il s'est produit car, comme le dit si bien Velma, il est impossible de ne pas s'attacher à Annie, à sa gentillesse, sa candeur, sa bonne humeur. J'en profite pour glisser qu'il semblerait que le personnage d'Annie soit très juste et représentatif de ce handicap, de ce que c'est que de vivre avec. (Personnellement, je reconnais mon ignorance pour juger de cela.)

Ce roman nous plonge dans une période charnière de la vie d'une famille touchante quoiqu'éparse. C'est bien pour cela que la période est cruciale : on constate rapidement que seule Annie cimente encore cette maison et que ses membres sont à deux doigts de rompre tout lien entre eux. Annie est l'étoile de ce système, le centre d'attraction autour duquel gravitent les autres membres-satellites. Mais du fait de son handicap, elle est aussi celle qui attire à elle toutes les attentions et les parents ne savent finalement plus grand-chose des pensées et des tourments de leurs deux autres enfants.
J'ai vraiment aimé les trois voix très différentes des trois enfants. C'est un exercice que l'autrice a su gérer à la perfection, en jouant avec la forme et les registres. C'est superbement écrit, les dialogues sont un régal, les images sont jubilatoires tant elles sont bien trouvées, bref, c'est un délice et je n'ai pu qu'admirer la maîtrise d'Émilie Chazerand à trouver le mot juste, celui qui bouleverse ou celui qui fait rire.

L'histoire clame le droit à la différence, à l'originalité, à la loufoquerie. le droit d'être écouté également et respecté dans ses choix et ses désirs. le droit au rêve. le regard des autres revient souvent, que ce soit celui des camarades du lycée ou, encore plus pesant parfois, de la famille. Harold s'étiole face au désespoir de décevoir ses parents pendant que Velma s'invisibilise. L'un brûle de l'envie de crier les secrets qui le dévore, l'autre devient iceberg à force d'être ignorée. Deux enfants qui ont grandi seuls, dans l'ombre d'Annie, loin de l'attention de leurs parents parce qu'ils étaient « faciles ».
En plus de tous les questionnements autour du handicap, de la présence d'un enfant handicapé au sein d'une famille et de l'inclusion, d'autres sujets sont donc abordés selon les personnages : l'homosexualité et le coming-out, la maladie, le deuil, la charge mentale, l'adolescence, le décrochage scolaire, etc. Cela aurait pu sembler beaucoup, mais c'est finalement ce qui donne toujours plus de corps et de véracité aux personnages et c'est juste très bien dosé, se mariant à merveille tant avec la personnalité des différents protagonistes qu'avec le ton de cette histoire. Une tonalité qui aurait pu être dure, mais qui finalement fait plus de bien que de mal au moral.

Cependant, avis tout personnel qui ne remet nullement en cause la justesse de ce roman : je crois que je commence à me lasser de cette littérature. J'ai eu exactement le même ressenti avec Les enfants des Feuillantines : une certaine lassitude née de la redondance. Cette prolifération de romans tendres sur des familles cabossées, ces récits qui parlent de choses pas forcément drôles mais qui font sourire, qui attendrissent, qui donnent envie de croire que la vie peut être belle, ces personnages excentriques et humains à la fois, ces conclusions pleines d'espoir et de couleurs…

Annie au milieu est un très beau roman, porté par des personnages forts et hauts en couleurs et une plume parfaitement réjouissante. La vie n'est pas facile, mais ce roman reste lumineux sans tomber dans le misérabilisme. Encore une belle lecture, une lecture qui fait du bien, venue de l'écurie Exprim'.
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Annie est au milieu mais surtout elle est devant son frère et sa soeur. Parce qu'elle est différente elle accapare malgré elle l'attention de ses parents, ne laissant que des miettes à Harold et Velma qui ont un besoin vital de se sentir exister, d'être vus et compris. Un défilé de majorettes va être l'occasion pour la famille de se résouder. Les chapitres alternent les points de vues de chaque enfant. J'ai beaucoup aimé la plume qui retranscrit très bien les pensées parfois naïves mais souvent plus profondes qu'il n'y paraît d'Annie, le mal être d'Harold et le sentiment d'invisibilité de Velma (cette partie étant écrite en vers, de maniere très fluide)
Il y a un petit air de Little Miss Sunshine dans ce roman qui nous présente une famille atypique. C'est plein de bons sentiments et évidemment après les tensions du début, les engueulades, les non dits enfin criés, tout s'apaise dans un final où tout le monde fait bloc. C'est un peu cliché mais ça fait le même effet qu'un film feel good. On est attendris, on se sent bien, on le referme avec un sentiment de satisfaction et de bonheur.
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Ce que j'ai aimé dans ce livre, c'est que le point de vue ne se réduit pas à la seule personne handicapée, Annie, mais donne également voix à son entourage proche, à savoir son grand frère Harold et sa benjamine Velma. L'autrice adopte trois styles différents pour chacun d'eux, judicieusement adaptés à leur personnalité: enfantin et joyeux pour Annie la trisomique, poétique pour Velma l'artiste introvertie et vaguement désabusé pour l'aîné complexé.

On comprend dès le départ que si Harold et Velma adorent leur soeur, elle ne rend pas leur quotidien facile car toute la vie de famille et l'attention de leurs parents sont tournées vers elle. Non pas qu'ils soient jaloux, mais ils ont leurs propres difficultés et du mal à trouver leur place.
Ainsi, Velma se fait la plus discrète possible, au point d'être devenue une "invisible sociale", une fille que personne ne remarque jamais. Harold a des difficultés scolaires que ses parents n'ont jamais pris la peine d'affronter, déjà accaparés par les rendez-vous médicaux d'Annie (la passion de Velma pour le dessin, "c'est dans une salle d'attente que cette obsession est née"). L'un comme l'autre n'osent pas exprimer leur détresse, préférant la cacher... tout en étant conscient que ce n'est pas une solution.

A travers les mots touchants de Velma et Harold, on découvre également la fatigue des parents, souvent eux-mêmes dépassés. J'ai beaucoup aimé le personnage de la Mamie, complètement déjantée mais qui cache aussi une certaine détresse. Tout est exprimé en nuance et en sensibilité. Et comme toujours avec Emilie Chazerand, avec humour!
La bonne humeur d'Annie est parfaitement rendue, et communicative! C'est un projet complètement fou qui va réunir la famille (au sens large, car se trouvent embarqués Dolorès, une camarade de lycée de Velma, Camille qui sort avec Harold, ainsi que Hui et sa mère, les Chinois qui ont embauché Annie dans leur magasin). Au départ tout est compliqué ("On est chacun derrière un mur, on essaie de communiquer à travers") mais petit à petit, les sentiments s'expriment ("Etre lui-même, enfin") et les choix s'assument ("J'apprivoise ma timidité, je domestique mes inhibitions").

Au final, pour faire plaisir à Annie certes, les Desrochelles se retrouvent "tous ensemble, en même temps, en train de faire la même chose"... et ils réalisent que cela n'arrive pas si souvent. Ainsi le handicap, s'il est une épreuve, peut aussi souder une famille. Annie prend beaucoup de place mais la partage volontiers. Et surtout, elle rayonne comme un soleil, réchauffant les coeurs, et ça, c'est précieux.
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Un coup de coeur comme je n'en avais pas eu depuis longtemps : ce roman m'a touché du début à la fin.

Nous y rencontrons une famille composée de 5 membres, dont les parents, un grand frère, une petite soeur, et Annie. Cette dernière est un jeune fille trisomique de 17 ans. Ce roman est un peu leur histoire racontée via un moment de leurs vies respectives, nous les suivons ainsi pendant plusieurs semaines alors qu'Annie est virée de son cours de majorette, qui était son activité favorite. Ni une ni deux, la famille va agir pour lui offrir ce dont elle a besoin.

Ce roman est un concentré d'émotion, et de beauté.

J'avais l'impression de lire une histoire vraie tellement la plume d'Emilie Chazerand sonne juste. Lutter contre les discriminations vis-à-vis d'un handicap est important, mais pour autant les proches ont le droit d'en souffrir également. L'épreuve est malheureusement là et vécue collectivement. Les frères et soeurs et les parents d'Annie souffrent autant qu'ils rigolent et vivent avec elle avec bonheur.

On ressent toutes leurs émotions, on pleure, on rit, on veut qu'ils s'ouvrent, qu'ils s'aiment et s'entraident.
Je suis attachée à Annie suite à ma lecture... plus que ce que je pensais.

Bref, un roman qui donne envie d'amour...
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Je suis définitivement une fan d'Émilie Chazerand, pour son talent à tailler des personnages au millimètre. Je suis fan des personnages autant que de son talent d'autrice.
Annie est atteinte de trisomie. Cadette dans une fratrie de trois, elle est dorlotée, aimée, cocoonée par son aîné autant que par la plus jeune, même si ce n'est pas tous les jours facile de trouver sa place auprès d'elle. Leur mère a arrêté de travailler pour s'occuper des enfants, des soins d'Annie, et de la maison. Mais Harold aussi a ses soucis et ses secrets. Comment s'en ouvrir à ses parents, peut-être leur faire de la peine alors qu'il y a déjà Annie ? Quant à Velma, la plus jeune, elle est solitaire, discrète. Depuis toute petite elle est habituée à se débrouiller seule, pour soulager sa maman. A première vue c'est quand même une famille heureuse ! Jusqu'au jour où l'entraineuse de la troupe de majorette dans laquelle évolue Annie, décide de l'exclure avant un défilé important. Et cet événement pourrait bien bousculer l'ordre à peu près établi de la famille. Ajoutez à cela une grand-mère loufoque, c'est détonnant !
Un vrai, énorme, coup de coeur pour cette histoire qui arrive à faire tenir autant d'amour dans presque 300 pages. Je vous mets au défi de ne pas avoir envie d'en faire partie vous aussi, de cette famille.
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J'ai découvert Emilie Chazerand avec "La fourmi rouge". C'est la première fois que je riais autant en lisant un livre ! Ça a été un coup de coeur immédiat. Quand "Annie au milieu" est sorti, c'était une évidence que j'allais me le procurer. Et chance de ouf : c'est ce titre que j'ai gagné à la chasse aux livres de Namur !

Et c'est un coup de coeur !

"Annie au milieu", c'est le projet fou d'une famille qui décide de faire le défilé de majorette parce qu'Annie, 2e des 3 enfants, est trisomique, et on l'a virée de l'équipe à cause de ça. Attention ! Il ne faut pas croire que toute la famille est partante dès le départ, loin de là...

Dans ce roman, on suit Harold, Annie et Velma, les 3 enfants de cette famille. Harold et Velma adorent leur soeur, tout comme ils peuvent la détester. Ce sont des sentiments contradictoires dû au fait que leurs parents sont trop centrés sur Annie et ses problèmes de santé, dû à sa trisomie (en vrai je l'ai appris dans ma lecture, je ne savais pas !).

Pour Annie, son langage enfantin est merveilleusement retranscrit. Elle est très intelligente et comprend des choses, ce qu'on ne soupçonne pas toujours. Elle est super touchante, tellement tout est toujours joyeux dans son monde. Ce dernier est rempli d'amour pour tout le monde. C'est le soleil de la famille, on a envie de la connaître dans la vie réelle.

Je me suis beaucoup identifiée à Harold qui se cherche pas mal, surtout au niveau de son avenir.

Mais ce roman, c'est aussi l'histoire d'une famille qui ne communique pas au sein de ses membres, et ça crée des tensions. Chacun vit dans son coin sans oser se confier. Et je dois avouer avoir reconnu certaines facettes de ma propre famille dans ce livre.

C'est à la fois humoristique, loufoque et touchant à lire, et c'est le mélange parfait d'un coup de coeur ❤️
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J'ai hésité entre 4.5 et 5 étoiles, car même si j'ai passé un très très bon moment avec cette drôle de famille de "Barjorettes", j'ai toujours un peu de mal à trouver crédibles les romans (ou les passages de romans) où l'on fait parler un enfant ou une personne handicapée : pour moi ça sonne presque toujours faux (j'ai eu ce problème avec "Quand j'avais 5 ans je m'ai tué", "le bizarre incident du chien pendant la nuit", "Des fleurs pour Algernon"... Tous ces romans unanimement salués à leur sortie, et qui ne m'avaient pas emballée, n'ayant pas réussi à leur accorder une réelle crédibilité.)
Cependant, étant totalement fan de l'écriture d'Emilie Chazerand, j'ai réussi à contourner mes réticences, et j'ai savouré toutes les métaphores et expressions poétiques ou loufoques qui font le style de cette autrice fabuleuse. Il y a dans ce roman des passages réellement jubilatoires !
Dès le début, j'ai tout de suite préféré les chapitres racontés par Harold et Velma, et je me suis habituée peu à peu à l'expression (faussement) maladroite des pensées d'Annie.
Au fil de l'histoire, les péripéties familiales m'ont beaucoup fait penser au film "Little Miss Sunshine" que j'avais adoré, on y retrouve les mêmes émotions et cette envie d'aller jusqu'au bout des choses, peu importe le regard des autres !
Les "listes de 21 choses..." qui ponctuent le roman m'ont rappelé les poèmes de Seï Shonagon (Notes de chevet) que je vous conseille ! Je ne serais pas surprise que l'autrice connaisse ce recueil !
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Annie est une adolescente « différente ». Elle a de la gentillesse, de la fantaisie, de la joie, un chromosome en plus et elle a surtout une passion: les majorettes.
Le soucis, c'est que l'entraîneuse Elodie ne veut plus d'elle dans l'équipe soit disant qu'elle n'a pas le niveau et qu'elle est dodue. Elle ne pourra donc pas participer au défilé du printemps en tant que Joyaux.
Néanmoins, chez la famille Desrochelles, on a l'idée de s'organiser en famille de et faire une équipe ensemble pour qu'Annie défile coûte que coûte.

Ce qui n'est pas la chose la plus simple lorsque la famille entière cache des secrets plus ou moins douloureux à porter sur leur dos.

Harold et Velma sont le frère et la soeur d'Annie. Comme pour beaucoup de choses, Annie est au milieu. Harold est le frère aîné et Velma la petite soeur. Tout le long de l'histoire, on va suivre leurs 3 points de vue différents à travers chaque chapitre tout en apprenant divers éléments de leur personnalité, leur vie quotidienne, leur ressenti par rapport à la situation familiale et la place qu'ils y occupent.
On peut même voir que malgré leur amour profond pour leur soeur, Annie est aussi un lourd fardeau à leurs yeux car elle occupe toute la place dans la maison et vole toute l'attention de leurs parents. de plus, tous les espoirs d'une vie et d'un avenir normal sont reposés sur eux et ils doivent jouer un rôle en permanence cachant ainsi leur vraie personnalité afin de ne pas décevoir leurs parents qui doivent déjà s'occuper de leur fille trisomique.

Ce que l'on peut retenir de ce roman, c'est qu'il est à la fois comique et poignant car avec sa plume, Émilie Chazerand a su montrer les différentes facettes de la vie qui peut être belle et cruelle à la fois en traitant des sujets difficiles tels que la trisomie, l'homosexualité, le regard et la cruauté des gens dans la société et bien plus encore !


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C'est une copinaute qui m'avait intriguée en parlant de ce livre sur un forum, je l'ai acheté bien rapidement sur sa recommandation… mais il a fallu attendre qu'un défi dans un challenge me demande explicitement de lire un livre avec un personnage principal porteur de handicap pour que je m'y mettre réellement ! Et, très franchement, malgré les notes dithyrambiques que ce livre a récoltées, pour moi ce n'est pas un coup de coeur. Certes c'est une belle histoire, certes c'est plein d'émotions, mais si ces éléments suffisent à faire un (très) bon livre, alors un grand paquet de romances, par exemple, pourraient prétendre au même succès, or ce n'est pas le cas ! Alors, certes, ça parle de handicap (certaines des romances auxquelles je pense, aussi…), d'acceptation de l'autre qui est « différent », un thème très à la mode – et c'est une bonne chose ! mais vraiment, est-ce pour cette seule raison qu'on peut dire d'un livre qu'il est si bon ? Qu'est-ce qui a donc tant plu/ému dans ce livre ? (et pourquoi, moi, suis-je à peu près passée à côté ?)


D'abord, le synopsis est accrocheur mais quelque peu mensonger. Cette histoire de majorettes, qui a l'air tellement centrale et qui fait vendre (waouh ! le handicap et les majorettes : ça va être génial, non ?) n'apparaît qu'après plus du premier quart du livre ! Ce n'est jamais amené, jamais même évoqué, dans ces (longues) pages d'introduction, même Annie n'en parle pas ! Et tout à coup ça sort du chapeau de l'autrice, mais même à ce moment-là on ne voit pas cette « passion » annoncée par le quatrième de couverture : oui Annie s'y plaît, oui elle y a des amis et y rencontre des gens moins sympathiques… mais comme un peu partout où elle a l'une ou l'autre activité au final, ce n'est pas vraiment transcendant.
Mais justement, revenons à ce premier quart du livre…

L'histoire nous est présentée en alternance à trois voix : celle d'Harold, 18 ans, le frère aîné d'Annie, en complet décrochage scolaire mais bon cuisinier ; celle de Velma, 15 ans, ado mal dans sa peau mais passionnée par l'art ; et Annie bien sûr, 16 ans trois quarts, trisomique. Et d'emblée, on s'intéresse à ces personnages, on ressent une première forme d'émotion, mais ce n'est pas de l'attachement.
Harold par exemple, pour quelqu'un qui prétend qu'il sait à peine lire (et on sait, malheureusement, que ça existe, ces jeunes qui sont arrivés jusqu'en terminale en passant à travers les mailles du filet, mais qui sont restés à la limite de l'illettrisme), il a quand même un vachement bon niveau de français à l'écrit, utilise à peine quelques expressions « de jeune » alors qu'il a une mentalité qui, à mon sens, ne « rend » pas ses 18 ans, il a l'air à peine pubère par moments ! Je ne dis pas que l'autrice aurait dû retranscrire les mots de quelqu'un qui ne sait pas former 3 lettres, et fait autant de fautes à chaque mot ! mais en l'état, ce personnage n'est pas cohérent. En outre, il présente d'emblée une surenchère de problèmes… et là on n'est qu'au tout début (mais je ne dirai pas plus, ce serait du spoil !). L'autrice laisse entendre que tout ça, c'est « à cause de » Annie – avec toutes les réserves de mise : mon interprétation première était que les parents, tellement accaparés par Annie, ne voient pas leurs deux autres enfants ; la copinaute citée plus haut, voyait plutôt là le fait qu'Harold comme Velma auraient spontanément minimisé, caché même leurs problèmes, pour ne pas peser davantage sur leurs parents, qui ont déjà bien assez à faire avec Annie… La vérité se situe sans doute quelque part entre les deux façons d'approcher le personnage d'Harold ?

En parlant d'effacement… Velma en est l'image, et je dois dire qu'elle m'a beaucoup plus convaincue que son frère (même si je ne me suis pas vraiment attachée à elle non plus) ! le détail est poussé jusque dans la typographie : quand c'est Velma qui s'exprime, les caractères sont plus petits, et dans une police toute serrée, qui accentue cet effet « je suis là mais on ne me voit pas ». Quoi qu'il en soit, elle apparaît bien davantage comme une ado de son temps, particulièrement discrète et effacée ; elle a bien l'air d'en souffrir (un peu) et se réfugie dans le dessin… ce qui ne m'a pas choquée, ce n'est pas propre à une adolescente-soeur-d'une-trisomique, j'ai moi-même été cette ado (sauf que le dessin… euh, non ! pour moi c'étaient les mots : lecture et écriture).

On l'a compris : les parents sont présentés comme le stéréotype de la famille BCBG un peu coincée, qui fait tout ce qu'il faut pour l'enfant handicapée, et qui parle du bonheur de l'avoir parce que ça se fait, mais qui au fond n'y a jamais vraiment cru… le père seul continue de travailler, on ne sait pas trop dans quoi mais peu importe ; c'est le pater familias avec des idées arrêtées, notamment sur l'avenir des enfants – les deux « normaux » doivent briller à l'école et passer le bac pour ensuite faire de hautes études. Malgré le fait que sa vie ait été bouleversée par un enfant différent, il semble n'avoir jamais rien remis en question par ailleurs – est-ce bien réaliste ? La mère quant à elle, est l'image de la femme-sacrifice, qui a tout arrêté (en l'occurrence : une brillante carrière d'architecte) pour se consacrer à temps plein à sa fille différente. Elle ne se plaint jamais, pète de temps en temps un câble, adore ses enfants mais est tellement accaparée par Annie qu'elle semble ne même pas « voir » les deux autres. Alors, là encore : oui c'est sans doute réaliste, mais à ce point ?? J'ai le sentiment que l'autrice a poussé le cliché à l'extrême, comme si une famille dont un enfant est « différent » ne pouvait être que dysfonctionnelle derrière une façade de « tout va bien », et vraiment ça m'a désolée, ça donne une image faussée des choses, très stéréotypée !
Dans la famille d'Annie, clairement il ne fait pas bon vivre, on parle beaucoup d'amour mais on ne le sent pas ; tout est tellement exagéré dans le cliché que ça devient gênant.

Heureusement, il y a au moins quelques personnages qui sauvent l'ensemble.
Bien sûr, il y a Annie, « au milieu »… Avec elle, on est dans le vrai, dans l'authentique, dans le réaliste mais gentiment. L'autrice lui donne la parole un peu à la façon d'un flux de pensées, sans trop tenir compte des convenances de la syntaxe, cependant ça reste tout à fait lisible – l'exercice n'était pourtant pas évident, là je dis bravo ! En outre, je pense que le personnage d'Annie est tout à fait plausible, avec un degré dans son handicap qui la rend juste assez acceptable pour sa famille, mais juste pas assez pour l'extérieur… En mots un peu crus peut-être : ce n'est pas elle qui aurait brillé dans « le huitième jour », mais elle ne doit pas non plus être placée en institution, elle a même un petit emploi et elle a appris à lire un minimum ! C'est une personnage extrêmement attachante, touchante. Ses émotions sont directes et elle les transmet de façon très vraie ; ce personnage sonne juste, tout simplement !

À côté de ces trois personnages principaux, et leurs parents que j'ai mis sur le même pied même s'ils n'ont pas le droit à la parole, on a toute une galerie de personnages secondaires forts, dont certains m'ont paru plus intéressants que les principaux, c'est dire ! Je pense en particulier à Mamie Marie-Claire, qu'on voit en soixante-huitarde qui est toujours restée à cette époque, qui se fout des conventions et des bien-pensants – l'exacte opposée de sa fille Solange, la mère-sacrifice du trio narrateur. On passera la surenchère, niveau problèmes cumulés dans cette famille, qu'on attache à cette Mamie Marie-Claire en plus des soucis scolaires (et autres) d'Harold et de l'invisibilité de Velma - comme s'il y avait vraiment besoin d'ajouter encore une couche dans les malheurs !? ; on retiendra en revanche le petit côté déjanté qu'elle apporte, le peps aussi, et au final c'est sans doute l'un de mes personnages préférés !

Ainsi, de façon générale, je quitte ce livre avec un sentiment mitigé. Il est plutôt bon, et certains passages sont réellement touchants ou émouvants, d'ailleurs j'ai même versé une petite larme ici ou là. le personnage d'Annie est excellent et très bien présenté, sans parler de l'immense mérite qu'il a eu d'oser mettre un scène une jeune fille porteuse de handicap, qui n'en reste pas moins avant tout une jeune-fille-tout-court, avec ses rêves, ses craintes, ses amours – et cet aspect est rendu de façon tout à fait remarquable.
En revanche, l'entourage familial d'Annie pêche de façon excessive par son côté dysfonctionnel qui ne se voit pas trop mais qui pèse sans cesse sur l'ensemble. On vit ensemble sans se parler, le handicap a pris toute la place, ou bien les différents membres de cette famille lui ont laissé toute la place, mais en tout cas l'approche paraît artificielle et très stéréotypée, avec une surenchère de problématiques diverses et variées, qui à mon sens n'ajoutent rien à l'histoire d'Annie ! C'est très dommage, car ça donne un résultat à trois voix où une seule semble vraiment fonctionner…
Quant à cette affaire de majorettes, elle est certes bien sympathique mais c'est surtout une histoire-prétexte qui va servir à exacerber les tensions avant de les débloquer, au moins en partie, mais elle est bien moins centrale que ne laissait espérer le synopsis, et clairement on n'est pas dans une « ambiance majorettes », mais dans une ambiance familiale qui apprend à se connaître… sauf qu'on n'y croit pas tout à fait.
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Longtemps que je ne vous avais pas présenté un Exprim', mais un roman d'Émilie Chazerand pas question de le rater, après l'inénarrable Falalalala.

C'est ici une autre famille tout aussi émouvante, aussi drôle, tourmentée, et tellement humaine, qui nous est racontée, à trois voix.

Au milieu de la famille, il y a Annie. Annie et son chromosome en plus. Annie qui prend toute la place, Annie qu'on adore pour sa gaieté, sa bonne humeur perpétuelle, mais aussi, surtout, sa fragilité. Annie qu'on déteste aussi quand on ne voudrait que l'aimer. Parce qu'elle ne passe jamais inaperçue, et que la vie de la famille ne peut que s'organiser autour d'elle, depuis dix-sept ans.
Avant elle, il y a eu Harold, qui n'a eu qu'une petite année pour profiter de son statut d'enfant unique, avant que sa soeur ne vienne prendre toute la place. Harold qui a des soucis bien plus importants que les majorettes en ce moment. Deux choses à avouer à sa famille, mais comment en trouver le courage, sachant que les réactions risquent d'être violentes ?
Et après, il y a Velma, Velma l'invisible aux yeux de tous. Velma qui s'exprime en strophes poétiques, et par des listes, elle liste tout, ce qu'on ne peut qu'aimer, ce qu'elle aimerait faire, les couleurs indescriptibles, ce qui la rend heureuse... Toujours 20 occurrences, plus une : Annie.

Les autres membres importants de la famille, nous ne les connaitrons qu'à travers ce qu'en disent les trois narrateurs. Mais ça ne les empêche pas d'être bien campés, importants et souvent inattendus.
Les parents bien sûr, mais aussi la tante, et une grand-mère assez étonnante.

Annie aime tout, beaucoup de choses la réjouissent, même si d'autres la paniquent très fort, l'amenant à des crises d'angoisse difficiles à canaliser.
Mais ce qu'elle aime par-dessus tout, c'est son groupe de majorettes, son costume, la perspective de participer à un grand défilé.
Alors, quand l'entraîneuse se résout à l'exclure du groupe, chacun s'attend au pire.
Toute la famille est d'accord : il faut trouver une solution. Tous sont prêts à faire n'importe quoi pour qu'Annie soit heureuse. Enfin, en théorie. Quand il faut passer à la pratique, forcément, on devient plus hésitant.

Avec une fin un brin loufoque et tellement émouvante, un superbe roman sur les liens familiaux, empli de tendresse, mais très réaliste aussi.

Quel défi, brillamment relevé par l'autrice, de parler par la voix des trois personnages, et particulièrement de nous faire vivre la réalité à travers les yeux d'Annie.
Mais aussi d'accompagner Harold dans ses interrogations, avec des réponses de la famille assez surprenantes finalement (Je m'attendais un peu à ce que ce soit l'inverse, sur ce qui est accepté et ce qui pose vraiment problème).

Bien entendu, comme dans tout roman d'Émilie Chazerand, l'humour est toujours présent, malgré des situations pas faciles. Humour et tendresse.
J'ai adoré que l'amie imaginaire d'Annie soit Dalida !! Grand plaisir de retrouver ce personnage hors du commun, et ses airs qui restent en tête "Comme le disait la Mistinguett" ...
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