L'évolution de ce peintre chinois à la barbiche blanche m'a fait penser à celle de Hokusaï le «Vieux fou de dessin», les estampes de l'un et l'autre ne se ressemblant toutefois pas.
Il meurt à 90 ans après avoir atteint une joie enfantine de peindre et s'il a su retrouver et atteindre cette spontanéité du trait qui peut rappeler celle de l'enfant c'est après avoir travailler durant des années au cours desquelles il a assimilé la tradition et les règles picturales des anciens en particulier grâce à un livre qu'il découvre par hasard chez un client où il suit son maître menuisier «Le traité de peinture du jardin grand comme un grain de moutarde» de l'ère Qianlong (1736-1796) et qu'il emprunte afin de le copier.
«Ses exercices inlassablement reproduits permettent une maîtrise absolue du pinceau. La méthode peut rendre prisonnières les faibles personnalités mais permet aux meilleures, à la fin d'une longue pratique, de dominer totalement les problèmes techniques et de créer un style proprement original» (extrait de la préface)
Ensuite, il apprit et se perfectionna auprès de lettrés.
Il dessinera peu de personnages. Ce sont les représentations de fleurs, de simple radis ou des corbeilles de litchies, d'oiseaux, d'insectes et de crustacés avec une préférence pour les crevettes qui le retiennent. Et cet homme, né dans un famille pauvre de petit paysan, qui va vivre des drames dus à la période agitée des années qu'ils traversent ( fin de l'Empire Qing en 1912, les guerres de l'opium, la guerre sino japonaise ... ) et à ceux liés à sa vie personnelle, nous offre joie et sérénité à travers ses oeuvres.
Ce beau livre qui contient une belle variété de ses estampes, est complété par une autobiographie de Qi Baishi qui est vraiment touchante par sa simplicité et la poésie qui la parcoure :
«Sur une peinture représentant un boeuf, j'inscrivis le poème suivant :
L'Etang-de-l'Etoile -tombée,
Le parfum des fleurs d'abricotier,
Un veau jaune sorti de l'enclos folâtre dans les alentours,
Le son du grelot rappelle la tendresse maternelle,
Le vieil homme que je suis devenu l'entend toujours
J'ai écris ses vers en souvenir des soucis que ma grand-mère et ma mère se faisaient alors pour moi.»
«Poème composé à l'âge de 70 ans, Choses du passé à faire connaître aux générations futures :
Au village, nulle place pour les livres,
ils sont apparus tard dans ma vie
A l'âge de vingt-sept ans, étudier me fut enfin permis.
Que la lampe n'ait plus d'huile importait peu
Je lisais les poèmes des Tang à la lueur du feu.
Pablo Picasso estimait que Qi Baishi était un grand maître vénéré par le peuple chinois et « un peintre d'Orient extraordinaire » et il a déclaré qu'il n'osait pas aller en Chine, parce qu'il y avait là-bas Qi Baishi.