Au crépuscule, la nature exténuée
S'abandonne. Quelques corbeaux affamés
Picorent encore les restes du jour
Dans l'assiette ébréchée du couchant.
De quelle nuit es-tu venue ?
De quel jour ? Soudain tu es
Au coeur de tout. Les iris
Ont frémi ; le mot est dit.
Toi le féminin
Ne nous délaisse pas,
Qui n'est point douceur
Ne survivra pas.
Au bout de la nuit, un seuil éclairé
Nous attire encore vers son doux mystère.
Les grillons chantant l’éternel été,
Quelque part, la vie vécue reste entière.
Ce moment partagé, nous nous en souviendrons
Un jour, comme d'un mont par-delà les nuages,
Où tout demeure en soi et se change en son autre :
Arbre en fleur chant de source, feuille au vent papillon.
Mais il reste la nuit
Où la braise en souffrance
Epure mille charbons
En unique diamant.
Entre eux, entente à demi-mot,
Sans que le mot entier soit dit.
Un jour pourtant, l'un le dira,
Quand l'autre ne sera plus là.
Encore un pas, et nous serons
Au sommet, nous verrons la mer
Faire don de ses voiles cinglant
Vers le blanc rivage de l'enfance.
Tenir bon. Jusqu'à l'écoeurement,
Jusqu'au retournement, chair broyée,
Os rompus, chute dans le Rien, seul à même
De réinventer le Tout. Tenir bon.
Sur fond de brume , l'aube dessine
Un ruisseau bordé de saules,
Et puis, tout au bas du ciel,
Elle appose, rouge, le sceau.