Un premier roman très prometteur ! C'est la première fois que je lis un roman politico-érotique, et ce fut une très bonne surprise ! Hâte de découvrir ce que nous réserve
Flore Cherry à l'avenir…
Pour ce sujet sérieux, l'autrice a choisi une structure bien rythmée, facile à lire : les chapitres alternent le monologue intérieur de quatre personnages interconnectés, au statut social différent. En plus de leur rôle clé dans l'intrigue, ils donnent à vivre de l'intérieur des facettes de cette nouvelle réalité mise en place par le parti
Matriarchie. le mélange entre idées socio-politiques, péripéties des personnages attachants et passages érotiques est plutôt équilibré. le revers de la médaille restant de ne pas pousser assez loin une ou chacune des facettes pour en devenir marquant.
Ce qui fait l'intérêt et le problème de ce roman est qu'il est hybride. La dystopie aurait pu se passer de la facette érotique, mais je présume que celle-ci était indispensable pour publier chez
La Musardine. le rythme qui permet de revenir régulièrement à des passages érotiques rend la lecture addictive, mais musèle aussi d'autres facettes qui auraient largement mérité qu'on s'y attarde pour donner plus de corps à la dystopie.
Si le prémisse de société contemporaine est familier, l'inversion socio-politique qui conduit à des changements de moeurs importants mériterait d'être plus documentée, et ses conséquences décrites. C'est délicat sans narration externe, mais pas inenvisageable. Pourquoi pas des chapitres flashbacks de la grand-mère Maurepas, par exemple. Ce serait d'autant plus intéressant que les moments charnières de changement politique et sociétal sont rarement montrés dans les dystopies, or le scénario présenté ici a le bonheur d'être à la fois vraisemblable et porteur de nombreuses ramifications.
Ce roman adresse de nombreuses idées qui interpellent et suscitent la réflexion pour peu qu'on souhaite dépasser la lecture plaisir gentiment iconoclaste. le personnage de Marcel, notamment, pose les sujets du sentiment de paternité sans ADN partagé, de l'intimité sans couple, de la noblesse du service (c'est rafraîchissant de voir le concept hors des Anglais du 19e siècle). le personnage de Diane, quant à lui, montre que toute femme n'est pas forcément taillée pour être féministe et politisée, malgré sa position de pouvoir et son héritage idéologique. La question de l'amour portée par la courtisane Athéna Sollipe, concept devenu minoritaire par rapport aux enjeux de pouvoir et à la normalisation (sérénisation ?) du sexe, pourrait opérer un retournement intéressant vers une approche contractuelle façon XIXe. Je me demande aussi comment les femmes sous
Matriarchie vivent la maternité et l'éducation de leurs enfants, d'autant plus dans notre contexte d'actualité de la PMA / GPA.
Deux maladresses à mes yeux :
Je regrette que la parole ne soit jamais directement donné à la présidente Eléonore, qui aurait sûrement beaucoup de choses à dire sur son rôle de mère spirituelle de Diane Maurepas, sur le mûrissement de son parti politique après deux générations, et pourquoi pas sur la sexualité grisonnante.
La fin trop rapide, toute de flashbacks de premières rencontres et de coups de théâtre qui appellent un tome 2…
J'espère que
Flore Cherry aura l'occasion de développer son propos en une grande fresque (au moins une trilogie !).