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Citations sur L'Ogre (16)

C'en était trop. Jean Calmet, furieux, froissa la double feuille craquante, en fit une boule et la jeta vivement dans un coin de la véranda, derrière une colonie de plantes vertes.
- Qu'est-ce qui te prend? dit timidement Mme Calmet. Il y a quelque chose qui t'a blessé?
A quoi bon répondre? Il était humilié de son geste. Il regardait la vieille femme courbée avec colère, il souffrait qu'elle fût sa mère, qu'elle dût mourir, qu'elle fût réduite en cendres elle aussi avant qu'il pût lui dire au moins une partie de ce qui l'écrasait depuis des années. S'était-elle doutée de quelque chose? Avait-elle deviné, dans le fond de son coeur, l'angoisse de son benjamin, ses terreurs, son besoin de tendresse, cette faim qui lui martyrisait l'âme et la fibre? Alors Jean Calmet fit un geste qu'il n'avait jamais accompli, qu'il n'avait même jamais imaginé qu'il ferait : il se leva, il marcha vers sa mère, il la souleva de son fauteuil et il l'étreignit, la pressa contre lui, fluette, osseuse, il serra dans ses bras ce petit être dérisoire qui ne se débattait pas, qui ne réagissait pas, simplement elle se laissait enlacer jusqu'à l'oppression, elle soufflait plus fort, Jean Calmet pensa au halètement de Thérèse sous le couvre-lit d'or. Toi aussi tu a été Ophélie, songeait-il en enlaçant le corps décharné, toi aussi tu as enchanté, bercé, choyé, tu étais Circé, Mélusine, tu étais Morgane, tu étais toutes les fées des contes et maintenant tes os saillent et les rides lacèrent ton visage!
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Assis dans un fauteuil d'osier au milieu de sa petite boutique, M. Liechti lisait un magazine italien. Il s'épanouit, se leva et Jean Calmet éprouva un rassurant sentiment de tranquillité à revoir les longues dents écartées, les joues creuses et le haut front dégarni du vieux coiffeur. Un peigne blanchâtre sortait de la pochette de sa blouse bleue. D'un geste théâtral il invita Jean Calmet à prendre place dans l'un de ses deux fauteuils de cuir usé. Jean s'assit, se renversa légèrement, sa nuque rencontra la fraîcheur de l'appuie-tête. Aussitôt l'envahit un plaisir annonciateur d'une félicité plus complète. Mais il ne fallait rien presser. M. Liechti avait des gestes lents, méticuleux, et Jean Calmet s'enchanta de ces préparatifs dans la boutique silencieuse où flottaient les effluves acides des eaux de Cologne.
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" Qu'ils continuent, qu'ils persévèrent, qu'ils cassent la barraque,qu'ils détruisent ces saletés de familles et ces patriarches et ces tyrans et les gros imbéciles qui nous paralysent depuis des siècles."
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"Mon Dieu qu'ai-je fait pour que tu me retires tout ? Je suis enfermé en moi-même, séparé des autres, privé, coupable à cause de Ta Loi que je subis comme un enfant humilié. Est-ce que la barrière tombera ? Est-ce que la douceur me sera donnée, me sera rendue, avant la chute définitive dans l'obscur ?"
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Qui décide pour nous ? Qui triomphe dans la beauté du monde ? Quelle angoisse à boire comme un poison dans la lumière de ce soir ?
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C'est le soir que commença son tourment.
Tout d'abord, il se découvrit étrangement seul quand il fut installé devant le menu qu'il venait de commander au bar de l'Hôtel d'Angleterre. Aux autres tables on riait, des femmes épanouies et brunies répondaient à des hommes beaux. Des jeunes gens se tenaient les mains. Jean Calmet, crispé, morose, déplaçait minutieusement trois filets de perches dans son assiette, encore une fois il les aspergeait de citron, puis sa fourchette poussait un petit poisson pour l'aligner ironiquement contre les deux autres sans qu'il se décidât à le porter à sa bouche. Le vin tiédissait dans son verre. Depuis une heure une image le persécutait. Jean Calmet hésitait à la regarder, il la repoussait, il l'enfonçait dans les couches opaques de sa mémoire parce qu'il savait qu'il allait souffrir au moment où il se la représenterait avec précision.
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...il leva les yeux vers la petite chambre qu'il venait de quitter, et ce qu'il vit le déchira, achevant de remplir sa blessure de nostalgie tendre et rageuse: sur le rebord de la fenêtre il y avait une bouteille de lait pareille à une première image de l'enfance.Quand il monta dans sa voiture, des larmes roulaient sur son visage.
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Un après-midi de fin avril, par temps doux, Jean Calmet suivit un chat sur le sentier du bord du lac. Ce chat lui parla de beaucoup de choses :
- Tu n'as rien compris, dit le chat. Tu es un con, Jean Calmet, un pauvre type qui erre de mal en pis. Je t'aime bien, Jean Calmet, tu es bourré de qualités, mais pourquoi ne cesses-tu pas de faire l'imbécile de jour en jour?
Jean Calmet, à cette heure-là, marchait tranquillement derrière l'oracle, il l'écoutait avec une attention claire.
- Regarde-moi, dit le chat. Est-ce que je me fais du souci? Est-ce que je macère dans le remords ou la tristesse?
- Tu n'as pas de père, dit Jean Calmet, qui chouta un caillou blanc sur le sentier.
- Bernique, dit le chat. Et il dressa sa queue vers le ciel sans nuage, on voyait son anus rose dans ses fesses noires.
Jean Calmet se sentait bien. Tout au long du petit chemin il y avait des haies et des murs tièdes, à droite, et à main gauche le lac qui commençait à rougir sous le crépuscule.
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L’hiver allait être doux et long. Jean Calmet s’imaginait renard, martre, perpetuel sauvage au chaud dans son terrier tandis qu’au dehors la neige tombe, tombe sur la campagne et les forêts.
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La bête ( un hérisson) avait un conseil à lui donner. Tous les sens de Jean Calmet se tendaient vers elle.- Vers cette tête solide et fine qui se détachait, nettement éclairée par la lune, sur son fond de feuilles noires. Il y eu un crissement dans cette ombre et le corps apparut, souple et long, porté par un ventre rond d’une sensualité étrange.
Les petites pattes courtes coururent quelques centimètres, le nez flaira le sol, le ventre ondula, rond et dfourni, sous l’armure hérissée de piquants dont les pointes blanches faisaient un halo argenté qui allégeait, en la spiritualisant, cette apparition prodigieusement terrestre.
Jean Calmet écoutait monter dans sa chair l’avertissement qui le boulversait. Parfaitement immobile, il se sentait soudain criblé d’odeurs de chemins enfois, d’herbemouillée, d’humus pourrissant, de traces de limaces, d’insectes pattus, de rongeurs malins et craintifs, comme si des gouttes de vigueur vilolemment avaient jailli en lui du plus profond du sol secret, le soûlant, le secouant, l’emplissant d’une exitation fraîche et neuve. La sauvagerie de l’animal était extraordianire parmi les jardins soignés, les violla cossues. Sortie de terre intacte et puissante, la bête pure, merveilleusement innocente sous sa couronne d’épines d’argent, était le signe primitif que Jean Calmet attendait depuis toujours, le symbole d’une liberté gaie et sauvage, le preuve qu’aucune domination ne soumet jamais les grandes forces telluriques qui sourdent, qui jaillissent, qui se coulent au milieu des constructions.
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