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Critique de Woland


J'aimerais pouvoir écrire que ce texte, qui ne compte pas même quatre-vingt-dix pages en édition du Livre de Poche, m'a convaincue du talent de son auteur. Mais il n'en est rien.

Dérangeant, l'ouvrage l'est, qui raconte un fait divers particulièrement horrible, à la fois nécrophile et nécrophage, qui se déroula réellement dans le village de Ropraz en 1903. le crime lui-même, ou plutôt ce qu'en découvrent les enquêteurs en ce matin enneigé de février, est décrit de façon brutale et par le menu : aucun détail n'est épargné au lecteur.

Celui-ci pourrait s'en accommoder - après tout, personne ne le forçait à lire le livre de Chessex - si le reste de l'enquête faisait montre d'un pareil souci du détail vrai. Et c'est là que le bât blesse : si l'on excepte les crimes - il y en a deux ou trois, nous sommes en présence d'un tueur en série avant que cette appellation ait été inventée - et l'apparence physique du suspect, singulièrement hideuse, tout se perd non pas dans des approximations mais dans une banalité générale.

Le doute continue d'ailleurs à planer - pour moi en tous cas - sur l'identité du malade mental que l'on surnomma "le Vampire de Ropraz." le suspect, un garçon de ferme dénommé Charles-Augustin Favez, possède certainement une sexualité des plus déviantes. Mais il y a une différence entre un zoophile et un nécrophile-nécrophage. Peut-être un zoophile peut-il basculer dans la nécrophilie, voire dans la nécrophagie mais dans ce cas-là, il faut laisser la parole aux experts. Et puis, dans le cas de Favez, aucune preuve n'est apportée. Mais il fallait un coupable : Favez était là, c'est tout.

Mais le comble, c'est la fin de ce récit qui nous laisse entendre que le fameux Soldat Inconnu qui repose sous l'Arc de Triomphe ne serait autre que le cadavre de Charles-Augustin, lequel, après s'être évadé en 1915, s'engagea dans la Légion étrangère et fut tué par les tirs allemands le 28 septembre de la même année. Favez aurait fait partie du même régiment que Frédéric Sausser, futur Blaise Cendras, qui se serait en partie inspiré de son histoire pour son "Moravagine."

L'effet obtenu est des plus bizarres. On s'interroge : l'auteur est-il antimilitariste ? ne recherche-t-il que l'humour noir ? veut-il prouver quelque chose ? et, si oui, quoi donc ?

Alors non, je le répète, je ne suis pas convaincue. Pour une affaire comme celle-ci, il faut plus que quelques pages essentiellement centrées sur ses aspects les plus barbares. Il ne suffit pas de vouloir déranger le bon peuple, il faut encore le faire avec art et pour moi, dans ce livre, il n'y en a guère sauf peut-être, de temps à autre, dans quelques descriptions sans merci de la Nature et des rancoeurs paysannes.

Nous sommes loin, bien loin, de l'extraordinaire "Nécrophile" de Gabrielle Wittkop. Il est vrai que son "héros" ne sombrait jamais dans la nécrophagie et avait tout de l'esthète. Et pourtant, voyez-vous, le nécrophile de la romancière française dérange beaucoup plus que le monstre sans foi, ni loi suggéré par Chessex.

Il ne me reste donc plus qu'à me procurer une vraie fiction de l'auteur suisse, "L'Ogre" par exemple. Je le ferai sans doute, mais pas tout de suite. ;o)
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