Définitivement et après relecture, je persiste et signe: "
La Vierge en Bleu" est mon roman préféré de
Tracy Chevalier.
Sans doute est-ce parce qu'il mêle deux voix et deux époques, un procédé que j'affectionne particulièrement, à la condition qu'il soit maîtrisé (et ici, naturellement, c'est le cas!).
Sans doute aussi est-ce parce que la période historique dont il est question est l'une de mes préférées en littérature… La France des Guerres de Religion, je suis tombée dedans avec mon cher
Alexandre Dumas et "
La Reine Margot", et depuis, j'ai bien du mal à me défaire de la fascination que j'ai pour elle.
Sans doute enfin est-ce parce que l'intrigue du roman met en scène un secret de famille transgénérationnel et là encore, et à condition d'un traitement intelligent, c'est un sujet qui fonctionne toujours très bien avec moi...
Quoiqu'il en soit, "
La Vierge en Bleu" a le bon goût de réunir trois ingrédients de poids qu'elle allie subtilement et avec talent à des qualités intrinsèques aux premiers romans de Chevalier: l'importance donnée à l'art, la grâce et la pudeur d'une écriture sensible et souvent mélancolique... Avouons le, la recette est tentante, proche de la perfection: le cocktail ne peut être que philtre et divin et il m'avait déjà ensorcelée en 2004 (où sont-ils mes seize ans?). Aujourd'hui, an de grâce 2022, il m'envoute encore.
Ella Turner est une jeune américaine qui a quitté la côte est des Etats-Unis pour suivre son époux, brillant architecte ayant obtenu un poste prestigieux dans un cabinet toulousain. Pour la jeune femme, qui ne peut pas encore exercé son métier de sage-femme en France, le déracinement est douloureux… Afin de combler son ennui et sa solitude, la jeune femme entreprend de faire des recherches sur ses lointains ancêtres français dont la légende familiale a toujours prétendu qu'ils étaient des protestants cévenols qui eurent maille à partir avec les persécutions catholiques lors des Guerres de Religion qui ensanglantèrent le XVI°siècle français.
On la surnomme "
La Rousse". Isabelle du Moulin porte comme une malédiction sa flamboyante chevelure couleur d'incendie au coeur d'un XVI°siècle fanatisé et dans son village où les tensions ne sont pas moins exacerbées qu'ailleurs, le culte qu'elle voue à la Vierge Marie la met en danger.
Ce n'est pas trop déflorer l'intrigue que d'écrire que les destins des deux femmes sont irrémédiablement liés à travers les siècles. Ce qui serait de trop, c'est de dire pourquoi et comment ces deux voix vont se retrouver par delà les années ...
Mais de ces époques enchevêtrées, des douleurs anciennes et présentes, de ces vies pétries de non-dits et d'incertitudes, c'est une histoire fascinante qui se tisse, pleine des drames et des fracas de la Grande Histoire et des souffrances intimes de la petite avec en toile de fond, toujours, le bleu si lumineux d'une robe et son éclat. Tâche d'azur éclatée sur l'ocre du sang séché.