— Ne jouez pas les demeurés avec moi, Hercule Poirot ! Je vois vos moustaches qui remuent! C'est une affaire criminelle qui vous amène ici et vous avez l'incroyable toupet d'essayer de me tirer les vers du nez ! Ceci posé, laissez-moi réfléchir... Se pourrait-il qu'il s'agisse d'un meurtre? Qui donc est mort récemment ? Je ne vois que la vieille Louisa Gilmore, mais elle avait quatre-vingt-cinq ans et une hydropisie carabinée. Ça ne peut pas être elle.
Quant à ce pauvre Leo Staverton, c'est à la chasse qu'il s'est cassé la figure et il est dans le plâtre jusqu'aux oreilles. Ça n'est pas non plus le bon numéro. Mais avons-nous bien affaire à un assassinat ? Oh, c'est trop bête ! Je n'ai en tête aucun vol de bijoux retentissant ces derniers temps... Ne seriez-vous pas plus prosaïquement sur la piste d'un tueur psychopathe ?... Ne s'agirait-il pas de Beryl Larkin ? N'aurait-elle pas, au bout du compte, bel et bien empoisonné son mari? Et ne serait-ce pas le remords qui lui donne ce fameux air absent ?
Est-ce que c'est vrai que vous êtes le détective? Ce monsieur Herquioule Pouarritte qu'on en parle tant?
Pouvez-vous comparer cela au confort d'un bon fauteuil, devant une cheminée où brûle un feu de bois, dans une pièce longue et basse où s'alignent des livres. Des livres tout autour. Un verre de Porto. Par la lecture, vous remontez le temps...
Un serviteur enturbanné fit son entrée. Le gratifiant du prénom d'Abdul, le général Grant lui ordonna d'apporter sur le champ whisky et soda. Sitôt les bouteilles à portée de la main, il se mit en devoir de servir le breuvage avec une telle prodigalité que Poirot crut bon de protester.
- Je ne peux, hélas, vous tenir compagnie, monsieur Poirot, déplora le général, dont l'oeil évoquait à merveille le supplice de Tantale. Mon sorcier de médecin affirme que tremper mes lèvres là-dedans suffirait à me faire passer de vie à trépas. Je n'y crois pas une seconde. Ces toubibs à la noix n'y connaissent rien. Ne pensent qu'à vous gâcher la vie. Tout ce qui leur plaît, c'est de vous priver du boire et du manger et de vous coller au régime poisson bouilli. Du poisson bouilli ! Pouah !
- Il m'est arrivé d'observer des jardiniers à l'oeuvre lors de séjours à la campagne. Non mais, Poirot, sérieusement, quel passe-temps ! Pouvez-vous comparer cela au confort d'un bon fauteuil (la voix du Pr Burton commença de ressembler à un ronronnement de plaisir), devant une cheminée où brûle un feu de bois, dans une pièce longue et basse où s'alignent les livres - il faut que ce soit une pièce toute en longueur... à aucun prix carrée. Des livres autour. Un verre de porte. A la main un bouquin qui vous est cher. Par la lecture, vous remontez le temps...