De nos jours. Wang Miao est un chercheur, spécialiste en nanotechnologies. Il se retrouve malgré lui plongé au coeur d'une énigme scientifique qui vire au cauchemar. Comme si cela ne suffisait pas, des personnages troubles s'invitent bientôt dans sa vie privée, comme cet encombrant commissaire ou cette astrophysicienne à la retraite.
Cette courte présentation contraste avec celle du quatrième de couverture, qui a la particularité de dévoiler des éléments importants de l'intrigue qu'on découvre à mi-lecture. L'un d'entre eux n'est autre que le thème du roman, je vais donc en parler.
Le Problème à trois corps est le premier volet d'une trilogie signée
Liu Cixin, et au sortir de cette lecture palpitante, je n'ai qu'une hâte, c'est de lire la suite !
Plutôt que de la science-fiction, je dirais qu'il s'agit d'un thriller scientifique sur fond de catastrophe à venir. L'aspect science-fiction provient du thème du « Contact » avec une civilisation extraterrestre, mais reste superficiel dans ce premier tome (j'imagine qu'il sera développé davantage dans les suivants).
Un thriller scientifique sur le thème du Contact, je n'en ai pas lu des tonnes. le seul exemple dans mes lectures récentes est
L'arène des géants, de
Jean-Michel Calvez, par ailleurs un spécialiste de ce thème s'il en est.
En fait, j'ai spécialement choisi ce roman pour tirer profit de mes connaissances fraîchement acquises en astrobiologie avec l'excellent ouvrage de vulgarisation « À l'aube de nouveaux horizons » de Nathalie A. Cabrol. Sur ce point, j'ai été comblé au-delà de mes espérances, puisque j'ai pu relever une bonne vingtaine de références à des notions précises, des évènements ou des théories dont parle Cabrol. C'est assez jouissif de se laisser entraîner par l'imagination féconde d'un auteur qui donne vie aux théories les plus folles – mais pas idiotes – de la science.
Liu Cixin est un formidable conteur. Sa plume est très agréable, et m'a souvent rappelé celle d'
Andreas Eschbach. Des personnages réalistes dans des scènes bien visuelles.
Liu Cixin a en plus ce talent de jouer avec les personnages (et avec nous) : une bonne moitié révèlent en effet une personnalité double, du moins plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord (par ex, le commissaire m'a bien fait marrer, et ce n'était pas gagné). Exception notable : le personnage principal, Wang Miao, appartient à cette catégorie des héros neutres ou transparents, ballotés par les évènements et aiguillés par les autres personnages. Je les apprécie moyennement, ceux-là...
La narration est un peu particulière. Déroutante au début, mais on s'y fait vite. Elle repose en effet sur deux trames racontées de manière hachée. Il y a la trame principale qui est celle du présent, située dans la chine moderne, et la trame du passé, qui commence avec la Révolution culturelle. Cette trame donne les clés de compréhension en ce qui concerne l'intrigue et les motivations des personnages.
Le contexte historique est très bien rendu et donne de la texture au récit, de l'épaisseur aux personnages.
J'ai dévoré et apprécié ce roman, avec un moment d'anthologie où Ye Wenjie balance son message et où j'ai failli crier « la garce ! ».
J'y ai aussi relevé quelques défauts :
- le texte est assez long et la progression lente. Il y a finalement très peu d'action dans la trame principale. le récit est plutôt du type : « va discuter avec un tel ou une telle pour en savoir plus ».
- Les références scientifiques couvrent non seulement l'astrobiologie, mais aussi l'astronomie, la physique, les mathématiques et l'informatique. L'auteur a un talent indéniable pour illustrer ces notions de manière pédagogique et visuelle. Mais les références sont si nombreuses qu'elles peuvent finir par lasser. Il y a aussi ce passage sur l'ordinateur biologique, où l'auteur développe à fond son analogie sur dix pages quand il aurait pu se limiter à deux portes logiques et un paragraphe. Avec le recul, j'ai trouvé que cette (sur)abondance de références scientifiques faisait un peu « festival » et desservait le récit.
Le thème du Contact est au coeur de ce roman, qui fourmille de pistes de réflexion, dont certaines alimentées par des faits historiques réels. Les religions naissantes surfant sur ce thème font l'objet de développements profonds et féconds.
Autre thème important : celui des univers virtuels.
Ce roman résonne aussi un peu comme une ode à la science, ou du moins à la pratique scientifique. La science est vue comme l'arme absolue. Cela tranche avec un auteur comme
Jean-Michel Calvez qui n'a de cesse de la questionner.