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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Claudel est, pour moi, l'un des plus grands poètes de la langue française. Chacune de ses phrases est une cathédrale, dont les lourdes pierres minutieusement ajustées s'élèvent, solides et pourtant d'une étonnante légèreté. Mais c'est un texte très particulier que nous avons là, pas le genre à avoir beaucoup de lecteurs de nos jours. Il s'agit d'une modernisation d'un style théâtral datant du Moyen-Âge : les ‘Mystères', ces pièces à thèmes religieuses qui étaient jouées par des confréries sur les places publiques. Ce qui n'est pas sans rappeler l'auteur japonais Yukio Mishima, qui cinquante ans plus tard tenta lui aussi de moderniser l'antique théâtre Nô et ses représentations d'exorcismes aux origines chamaniques.

Pour en revenir à Claudel, c'est donc littéralement un ‘mystère'. Un texte religieux gardant volontairement une certaine obscurité, et destiné avant tout à la manifestation de la grâce divine. le maitre d'un grand domaine décide, du jour au lendemain, de tout abandonner pour partir à Jérusalem. Il a deux filles, mais un fils adoptif. Il fiance ce dernier à sa fille ainée, lui abandonne son bien et part après avoir une dernière fois rompu le pain pour toute la maisonnée. Mais la cadette est amoureuse du jeune homme ; dotée d'un tempérament de feu, elle compte bien évincer sa soeur ainée. Or cette dernière cache un pénible secret : la lèpre…

Pour Claudel, la noblesse est liée à la terre, et que ce lien soit une particule ou une charrue, chaque génération en est un quartier. Une longue réflexion suit également le thème de la grâce ; aux évènements racontés se mêle le sacre de Charles VII : la grâce du royaume et celle d'un enfant mort et ressuscité se rejoignent.

Un texte complexe et avant tout religieux, donc. ‘L'otage', texte beaucoup plus dur et à la portée beaucoup plus large, reste incontestablement plus accessible, et constitue je pense une meilleure porte d'entrée à l'oeuvre de Claudel.
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Cette pièce est très importante dans l'oeuvre de Paul Claudel, il s'agit de la première pièce de l'auteur à être jouée, ce qui va changer son rapport à l'écriture, et permettre une vraie diffusion de son oeuvre, une rencontre avec un public. L'annonce faite à Marie a vraiment été écrite pour la scène : en 1909, le projet de monter La jeune fille Violaine est soumis à Claudel par le biais d'André Gide qui assure les intérêts littéraires de Claudel en France (qui à ce moment est en Chine). Claudel refuse, et propose de refondre son oeuvre. Il reprend le texte de la jeune fille Violaine, en garde la trame, mais apporte de nombreuses transformations.

La pièce est dénommée « mystère en 4 actes et un Prologue ». Dans le prologue, Violaine rencontre Pierre de Craon, le bâtisseur d'églises la nuit. Il l'a aimé, elle l'a repoussé, car elle aime son fiancé, Jacques. Elle lui exprime son pardon, et lui donne l'anneau d'or que Jacques lui a donné pour aider à la construction d'une église. Pierre lui avoue qu'il est devenu lépreux, ce qu'il vit comme un châtiment de son désir. Au moment de leur séparation, Violaine l'embrasse. Mara, sa soeur, cachée dans l'obscurité assiste à la fin de la scène.

Au premier acte, Anne Vercors, le père de Violaine et Mara annonce à son épouse qu'il a décidé le mariage de Violaine et de Jacques. Son épouse essaie de lui faire comprendre que Mara est amoureuse de Jacques et que le mariage de sa soeur risque de la pousser aux dernières extrémités. Mais Anne est décidé à faire le mariage le plus rapidement, d'autant plus qu'il veut partir immédiatement en pèlerinage à Jérusalem. Mara menace de se tuer, et demande à sa mère de parler à Violaine pour la dissuader de se marier avec Jacques. Anne ramène Jacques, Violaine exprime son accord au mariage, Anne dit adieu à sa famille avant de partir.

Au deuxième acte, Mara intrigue. Elle a révélé ce qu'elle a vu entre Pierre et Violaine à Jacques, qui ne la croit pas, et fait pression sur sa mère pour qu'elle transmette ses menaces de se tuer à Violaine. Violaine parle à Jacques, elle lui révèle qu'elle est devenue lépreuse. Jacques interprète cet aveu comme une confirmation de liens entre Violaine et Pierre, et décide la mettre dans une léproserie et ne pas l'épouser.

Au troisième acte, Mara vient à l'endroit où vit Violaine, lépreuse et aveugle. Sa petite fille est morte, et elle espère, que Violaine va la ressusciter. C'est la nuit de Noël, une étrange nuit entre la musique et les chants religieux, et le dialogue entre les deux soeurs, entre le profane et le sacré. Au matin, la petite fille est vivante, Violaine l'a d'une certaine façon de nouveau mise au monde.

Au quatrième acte, Mara vient de tuer Violaine. Pierre de Crayon guéri de la lèpre, la ramène agonisante dans la maison familiale. Elle révèle à Jacques se qui s'est vraiment passé et lui demande de pardonner à Mara. Pierre l'amène mourir ailleurs comme elle le souhaite. Anne de Vercors revient, lui et Jacques pardonnent à Mara.

Les transformations que Claudel a fait subir à La jeune fille Violaine vont à la fois dans le sens d'une simplification et d'une complexification. Une simplification de l'intrigue, qui devient plus limpide, moins conte sans doute, moins mélodrame aussi, des personnages qui sont plus humains, moins chargés, Mara n'est plus complètement cette sorcière méchante et cruelle de bout en bout, on sent poindre en elle une souffrance, une aspiration à quelque chose qu'elle ne peut saisir ; Pierre de Crayon n'est plus cet ange immaculé mais devient un homme, avec des désirs coupables, une violence possible.

En même temps, les niveaux d'interprétation et les parallèles sont plus nombreux. L'histoire se passe maintenant au Moyen-âge, nous sommes à l'époque de Jeanne d'Arc, dont le sacrifice et la mort vont sauver le pays, comme le sacrifice et la mort de Violaine vont sauver les membres de sa famille. C'est au final Mara qui révèle Violaine à elle-même en lui permettant de réaliser le miracle, et restaurer ainsi un espoir, un ordre du monde, alors que le roi Charles VII devient le souverain français et que la papauté sort du grand schisme d'Occident (les dates ne concordent pas complètement entre les deux en réalité, mais Claudel s'est autorisé un petit anachronisme pour renforcer sa symbolique).

La simplicité de l'action, un côté hiératique aussi, sont au final d'une grande efficacité dramatique. La pièce est sans conteste une réussite, elle a une grand cohérence et une grande force. Elle a souvent été mise en scène, c'est une des oeuvres phare de Claudel, incontestablement à juste titre.
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"Grande et mince, les pieds nus,vêtue d'une robe de grosse laine, la tête coiffée d'un linge à la fois paysan et monastique" la Violaine de Paul Claudel (diplomate, écrivain,dramaturge, essayiste,poète, membre de l'Académie française et épistolier du XX° siècle, frère de la célèbre Camille, croyant écartelé entre les tentations terrestres et le divin absolu) incarne la maternité et le mystère de la conception de l'Esprit. L'annonce faite à Marie, habitée par "Dieu" d'un bout à l'autre est l'oeuvre la plus connue de l'auteur.
L'action se situe au Moyen-âge, alors que Violaine,sainte héroïne, par compassion, baise les lèvres de Maître Pierre personnage annexe(bâtisseur de cathédrales, "semeur de clochers" et amoureux transi) devenu lépreux.
La dimension dramatique de cette pièce poétique se révèle dans le trio amoureux (Violaine,Jacques son fiancé,et Mara soeur de Violaine) et se base sur un malentendu.
Violaine aime Jacques, lui aussi. Ils doivent se marier.
Mara, aime Jacques, jalouse Violaine et perfide rapporte le baiser au lépreux comme un geste d'amour charnel.
Jacques fait le choix de Mara dont il aura un enfant malade que Violaine ressuscitera avant de mourir.
Violaine sacrifiée et lépreuse, faiseuse de miracles donne son caractère sacré à la pièce. Elle est l'aveugle qui voit au delà de la simple image, elle est celle qui donne la vie, elle est la pure d'esprit malgré la déchéance du corps, elle est lumière car elle croit.
Opposant les forces du bien et du mal, le lecteur se sent aspiré dans certaines scènes comme au coeur d'un tableau de Millet (Les quatre saisons, éternel retour de la vie ou L'angélus, simple prière pour que la graine éclose enfin).
Une oeuvre un brin désuète et pourtant, ô combien actuelle à l'heure où le SIDA sévit et entraine crainte et répulsion. Un récit émouvant qui parle d'amour, de doute,de ferveur et de confiance, qui dénonce l'image et ce qu'on y projette sans y voir la pure vérité parfois tout autre.
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Indécise suite à la lecture de cette pièce... Mais est-il nécessaire de le rappeler : une pièce de théâtre est d'abord écrite pour être jouée et regardée.
Auteur atypique dans son style et son message, à la plume étonnante : Parfois, il me donne l'impression d'écrire tout ce qui lui passe par la tête, sans chercher une quelconque cohérence, et à d'autres moments, on sent une force et un rythme très dynamique, ainsi qu'une grande profondeur.
Ce qui me parait certain, c'est que Paul Claudel, animé d'une foi évidente, devait cependant être quelqu'un d'assez tourmenté. Son idée du sacrifice, aussi sublime soit-elle, me dérange par son côté très volontariste. Et pourtant, quelle grandeur d'âme chez Violaine !
Enfin, je ne suis pas sûre d'avoir vraiment compris cette pièce, mais je souhaiterais vivement assister à une de ses représentations pour mieux en saisir le sens !
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Première pièce montée et jouée de Paul Claudel, L'annonce faite à Marie raconte la vie d'une jeune femme, dans un Moyen-Âge assez imprécis, se sacrifiant pour Dieu et se transformant en sainte. C'est d'une grande poésie, l'écriture de Claudel (que je découvre) est chargée d'une grande force. Peut-être parce que les paroles des personnages vont à l'essentiel et touchent juste. Quant au thème, celui du sacrifice divin, il pose question à l'heure des attentats-suicides des fous de Dieu ou d'Allah. Ne pas vivre et désirer la mort pour soi-disant vivre heureux dans un autre monde totalement improbable est inhumain et donc extrêmement dangereux.
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J'ai mis une bonne note à cette pièce avant tout pour son écriture (que je trouve remarquable), le propos m'intéressant beaucoup moins !
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Une pièce d'un auteur un peu oublié mais essentiel d'un auteur francais célèbre qui nous éblouie ici par son style léché et moderne, sa prose lyrique mais vraie tout est bon ici !
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