Découverte à l'arrière de sa Mercédès, le corps emmitouflé d'une
fourrure de vison blanc, l'écrivaine Zita Chalitzine est morte comme elle avait vécu, en attirant l'attention.
Un suicide à l'alcool et aux barbituriques a mis un terme à la vie de cette femme dont chacun, fille, mère, connaissances, s'attachait à dénigrer la personnalité, le comportement, le passé sulfureux, l'égocentrisme et l'ambition démesurée.
Fille ingrate, mère indigne, call-girl de luxe du réseau de Madame Claude dans les années 1970, femme de lettres suspectée de supercherie littéraire, maîtresse de grand écrivain, épouse d'un homme de vingt ans son cadet ? Qui était réellement celle qui a toujours laissé planer autour d'elle un parfum de scandale?
De sa fille Ondine, à sa mère Mme Lourdes en passant par son amie Solange, devenue Lady Beauchamp, tous les proches de Zita en ont gros sur le coeur. Mais non de tristesse…plutôt de colère, de rancune et d'aigreur. Abandon, trahison, indifférence, tous ont des reproches à fleur de bouche. « Une vraie s… qui a gâchée la vie de tous ceux qui l'ont approchée. »
Seul, Pierre, le dernier amour de Zita et tout jeune mari, est sincèrement anéanti par le décès de l'écrivaine et tente maladroitement de joindre Ondine à sa cause. Mais cette dernière, brouillée avec sa mère depuis près de dix ans, est loin de vouloir pardonner, surtout que la mort de Zita lui ôte à jamais toute chance de connaître le nom caché de son père.
La découverte, dans son appartement, du dernier manuscrit de Zita, sorte d'autobiographie posthume dédiée à sa fille Ondine, permettra peut-être de réhabiliter la femme malmenée, méprisée, désirée, honnie, adulée, convoitée et détestée que fut Zita tout au long d'une vie consacrée à l'écriture et aux livres.
Petite fille aux origines modestes, enfant de concierge dans un immeuble de la haute bourgeoisie, femme objet aux amours tarifés au sein du sérail de Mme Claude, égérie d'un auteur narcissique et névrosé aux allures de pygmalion, femme meurtrie n'aspirant qu'à l'élévation sociale, le lecteur entre alors de plain-pied dans l'univers de Zita Chalitzine.
Livre dans le livre, l'ouvrage de l'écrivaine, tel une voix d'outre-tombe, remet les pendules à l'heure, règle les comptes, dit la douleur et les fautes, les plaies et les bosses, les éclats et les désordres d'une femme ivre de liberté et d'indépendance qui aura voulu « être maîtresse de son destin jusqu'à son dernier souffle ».
Avec «
Fourrure »,
Adélaïde de Clermont-Tonnerre fait une première entrée sensationnelle et très remarquée dans le monde littéraire. Faisant fi de la bienséance, elle n'hésite pas à égratigner le beau monde, celui en vase clos du milieu littéraire parisien et celui de la haute-bourgeoisie. Ses coups de griffe associés à un humour plein de finesse et une observation délicate dévoilent avec beaucoup d'à-propos cette comédie humaine faite d'autant de bons sentiments que d'hypocrisie.
Si la jeune normalienne use pour la forme du « name-dropping » (
Sagan, Giscard, Mme Claude), s'inspire de personnages réels et attribue certains traits de caractères d'auteurs connus à ses propres protagonistes (les homards de
Sartre, les pseudonymes de
Romain Gary), ceux-ci sont tellement bien incarnés qu'ils prennent très vite la distance d'avec ceux qui les ont influencés. C'est toute la force de ce roman, un écho d'histoire connue qui résonne dans l'inconscient du lecteur et dans le même temps une texture, une tonalité et une épaisseur tout à fait personnelles qui rend l'ouvrage tout bonnement captivant.
Récompensée par le Prix Bel Ami 2010 et le Prix Maison de la Presse 2010,
Adélaïde de Clermont-Tonnerre, avec ce premier roman, peut se targuer de jouer déjà dans la cour des grands.
Le tout file et défile avec tant de fluidité et d'entrain que le lecteur, captif de l'indomptable Zita, ne demande rien d'autre que continuer ce bout de chemin avec elle.